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norbert Serial killer : Hannibal Lecter
Age: 47 Inscrit le: 18 Avr 2007 Messages: 11680 Localisation: Rhône-Alpes
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Posté le: Lun Sep 04, 2017 8:54 pm Sujet du message: Espace lointain - Jaroslav Melnik (Agullo) |
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Dystopie particulièrement prometteuse en provenance d'Ukraine, récompensée à sa sortie par le Prix BBC du Livre de l'année, Espace lointain de Jaroslav Melnik vient de paraître chez Agullo Editions, traduit par Margarita Leborgne.
Le livre :
« Espace lointain : Psychose rare mais sévère provoquant des hallucinations très nettes. Phénomène d'aliénation. »
À Mégapolis, ville-monde peuplée d’aveugles, seul « l’espace mitoyen » existe.
Les habitants se déplacent grâce aux multiples capteurs électro-acoustiques qui jalonnent l’espace, et dont ils sont entièrement dépendants.
Un beau jour, Gabr recouvre la vue.
Il découvre avec répulsion l’aspect sordide de « l’espace mitoyen » : un enchevêtrement de métal où déambulent des êtres en haillons.
Terrifié par ce qu’il prend pour des hallucinations, il se rend au ministère du Contrôle où on lui diagnostique une psychose des « espaces lointains » avant de lui promettre de le guérir.
Mais Gabr est saisi par le doute : et si ce qu’il percevait n’étaient pas des hallucinations, mais bien la réalité ?
Et si ses yeux n’étaient pas un organe secondaire, mais un organe sensoriel soudain réveillé ?
Sa rencontre avec Oksas, un ex- voyant dont le ministère a détruit la vue, devenu chef d’un groupe révolutionnaire qui veut détruire Mégapolis, va confirmer les intuitions de Gabr et bouleverser sa vie.
Tiraillé entre la violence des terroristes et celle des dirigeants – un petit groupe de voyants privilégiés qui vivent à l’écart des masses –, refusant de causer la mort de milliers d’innocents, mais incapable pourtant d’accepter le mensonge du monde tel qu’il est, Gabr devra trouver sa propre voie pour accéder aux « espaces lointains » où règnent encore la liberté, la beauté et l’infini.
« Un roman initiatique à la sourde mélancolie. » Le Monde
« Une vraie réussite. » Télérama
« Une dystopie remarquable, intelligente, glaçante. » Librairie Passages, Lyon
« Un roman génial. Il y a bien longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à lire un roman décalé et intelligent comme celui-ci. »
Marilyn Anquetil - Librairie Mollat, Bordeaux
« Le digne successeur de Bradbury et Orwell. Un roman coup de poing qui fait réfléchir sur nos propres sociétés et qui interroge avec beaucoup de finesse les notions de liberté et de libre arbitre. »
Sélection rentrée littéraire 2017 Decitre
>> Lire le premier chapitre
L'auteur :
Fils de déportés du Goulag, Jaroslav Melnik est né en 1959 en Ukraine.
Il vit à Vilnius depuis une trentaine d'années et il est membre de l'Union des écrivains lituaniens et de celle des écrivains ukrainiens.
Il écrit d'ailleurs dans ces deux langues.
Il est l'auteur de nombreux romans et nouvelles mêlant science-fiction et conte philosophique, dont Espace lointain qui a reçu le Prix BBC du Livre de l'année en 2013.
Ses livres sont traduits entre autres en anglais, allemand, russe, italien, croate et esperanto.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Dernière édition par norbert le Lun Oct 09, 2017 7:26 pm; édité 1 fois |
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norbert Serial killer : Hannibal Lecter
Age: 47 Inscrit le: 18 Avr 2007 Messages: 11680 Localisation: Rhône-Alpes
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Posté le: Mar Sep 05, 2017 10:00 pm Sujet du message: |
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>> La chronique de Yan sur Encore du Noir :
Citation: |
Espace lointain, de Jaroslav Melnik
« J’aime ces nouvelles sensations, je me sens différent. C’est comme si je m’étais réveillé. Je n’ai pas envie de sombrer à nouveau dans le sommeil. Cependant, je ne sais pas comment vivre avec mon nouvel état. J’ai chaque jour plus envie de me servir de mes yeux : c’est tellement plus pratique, plus simple, incomparable avec l’espace proche ! Mais alors, qui suis-je au sein de cette mégapole ? Au sein de l’Union gouvernementale ? Quelle est ma place ? Je ne la trouve pas. »
Psychose de l’espace lointain ?
C’est en tout cas ce qu’affirment les médecins du ministère du Contrôle de l’Union gouvernementale qui examinent Gabr Silk, jeune étudiant brillant qui, dans un monde où la population est aveugle, vient inexplicablement de ressentir de nouvelles et étranges sensations grâce à ses yeux.
Car la population de la Mégapole vit dans un « espace proche ».
Privée depuis des temps immémoriaux de la vue, on lui a appris que rien ne pouvait exister au-delà de l’endroit où elle vit.
Or, en recouvrant la vue, Gabr doit se rendre à l’évidence : s’il n’est pas sujet à des hallucinations, alors il existe un espace lointain et donc la possibilité d’un ailleurs.
Un ailleurs d’autant plus attirant lorsqu’il s’aperçoit que la Mégapole n’est qu’un immense empilement de niveaux recouverts de câbles et de tuyaux dans lequel une population de loqueteux vit dans des bunkers crasseux.
Dès lors, Gabr est placé face à un profond dilemme, que viennent encore aggraver ses rencontres avec un groupe de terroristes composés d’anciens voyants que l’Union gouvernementale s’est employée à rendre de nouveau aveugles, puis avec les voyants qui dirigent ce monde.
Doit-il dire à ses anciens congénères que leur bonheur est factice, entretenu par leur aveuglement, et donc le briser ?
Doit-il détruire ce monde dans lequel les aveugles ne sont, sans le savoir, que des pions au service d’une minorité ?
Ou bien, doit-il accepter les choses telles qu’elles sont, abandonner ses proches et rejoindre les voyants ?
Dystopie vertigineuse et extrêmement bien menée à travers un exercice réussi d’écriture qui mêle récit à la troisième personne, coupures de presses, extraits d’émissions radio ou télédiffusés, fragments de textes interdits par les autorités, articles encyclopédiques et journaux intimes, Espace lointain est une métaphore subtile du monde sécurisé – sécuritaire – dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Jaroslav Melnik, lui-même fils de déportés au goulag, sait à quel point le glissement du sécuritaire au totalitaire peut-être un mouvement lent, indolore, mais inéluctable.
Il parle ici de l’acceptation, qui relève moins de l’approbation que du simple désir d’éviter tout inconfort et qui finit par ressembler à un renoncement et, bien entendu, des choix cornéliens face auxquels se trouve le lanceur d’alerte.
Enfin – surtout – Melnik n’offre pas de solution définitive et force ainsi le lecteur à se poser lui aussi ces questions inconfortables (ou à les remiser dans un coin perdu de son esprit pour éviter de les regarder en face).
Autant dire qu’en ces temps troublés, Espace lointain se révèle être, plus qu’un beau et très réussi roman, un livre salutaire.
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_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy |
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norbert Serial killer : Hannibal Lecter
Age: 47 Inscrit le: 18 Avr 2007 Messages: 11680 Localisation: Rhône-Alpes
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Posté le: Ven Sep 08, 2017 12:07 pm Sujet du message: |
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>> La chronique d'Antoine sur Bonnes Feuilles et Mauvaise Herbe :
Citation: |
Espace Lointain, de Jaroslav Melnik
Les éditions Agullo ont décidément le nez pour nous dénicher des livres épatants.
Si voir les choses telles qu’elles sont était une maladie mentale ?
Mélant au récit des écrits interdits par le régime en place (poèmes, textes philosophiques ou essais scientifiques), définitions tirées du « manuel de psycitie pour des établissement de santé » ou du « dictionnaire des archaïsmes », des extraits de journaux intimes appartenant à différents personnages, publicités, débats télévisés, articles de journaux, ce roman dystopique nous immerge dans une société aveugle, au sens propre comme au figuré.
Un monde ou le rire et la beauté sont définis comme des archaïsmes.
Peut on se considérer libres si nous ignorons que nous sommes prisonniers ?
Tous les angles du livre résonnent avec les ambitions ultra-sécuritaires de notre monde.
Maintenir les gens dans l’ignorance, ou leur faire penser que le confort approximatif de leur vie mérite de renoncer à la vérité qui les conduiraient à une liberté aléatoire et peut-être inhospitalière sont les ferments de ce monde dépeint par Jaroslav Melnik.
Gabr retrouve la vue, et est considéré de ce fait comme atteint de psychose.
Lui même en est d’abord persuadé.
Nous le voyons alors façonner son sens critique, développer son libre arbitre.
Les rencontres qu’il fait tout au long de cet étonnant roman ne font que le questionner davantage.
Les « résistants » par exemple, anciens « voyants », ne rêvent que vengeance et destruction.
Mais Gabr comprend vite que les aveugles, en toute bonne foi, croient en leur monde, et les voyants qui dirigent Megapolis sont tout aussi prisonniers des traditions, du statut qui leur est imposé, sans aucune volonté particulière de nuire ou d’exploiter.
Gabr ne sait pas quoi penser ; détruire, fuir ou, puisqu’au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, gouverner ?
Entre Platon et son allégorie de la caverne, et Orwell et sa société totalitaire, ce roman a une réelle dimension philosophique.
Quand on sait que le père de l’auteur a été déporté au goulag pour des textes critiquant le régime bolchévique, on mesure à quel point les questions soulevées par ce roman ne sont pas anodines.
Encore en livre étonnant aux décidément formidables Éditions Agullo.
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norbert Serial killer : Hannibal Lecter
Age: 47 Inscrit le: 18 Avr 2007 Messages: 11680 Localisation: Rhône-Alpes
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Posté le: Jeu Sep 14, 2017 12:47 pm Sujet du message: |
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>> La chronique de Typhaine sur Addict-Culture :
Citation: |
Espace lointain de Jaroslav Melnik : une dimension à mi-chemin entre Tarkovski et Saramago
Gabr est un citoyen évoluant parmi tant d’autres au sein d’une mégalopole qui, des chats, la nuit, ne semble avoir conservé que le gris.
Élève prometteur, adulte intelligent, le jeune homme est un individu aux goûts simples et raisonnés, sur le point d’épouser Lioz, étudiante douce et naïve.
Mais le long fleuve tranquille que suit son existence est depuis quelques temps soumis à de curieux remous : en proie à des hallucinations intempestives, Gabr doit cheminer avec des spectres au coin de l’œil qui surgissent quand bon leur semble, étirant et distordant son vital « espace proche ».
Car ici, tous naissent atteints de cécité.
C’est pourquoi un aspirant borgne au royaume des aveugles doit être rapidement neutralisé.
Le Ministère du Contrôle diagnostique donc à notre héros le syndrome de « l’espace lointain » avant de lui prescrire la pose de scellés oculaires destinés à lui rendre sa luxueuse obscurité.
« Espace lointain : Psychose rare mais sévère. Phénomène d’aliénation qui provoque des hallucinations très nettes (dont la conséquence est un sentiment d’abattement et d’insatisfaction). (…) Selon le cas et le degré de dangerosité du patient, le groupe spécial d’intervention du ministère du Contrôle peut procéder à une hospitalisation forcée. »
Mais ses propres doutes ainsi que sa rencontre avec un activiste anti-Union gouvernemental le font se dérober à leur emprise et très vite il devient un voyant en cavale…
Voir une vérité incompatible avec le bonheur établi d’autrui vous éloigne fatalement d’une communauté pour mieux vous jeter dans les bras d’une plus éclairée.
Gabr va se voir endosser le rôle d’un Candide éploré, puis expérimenter la solitude du terroriste avant de s’abandonner aux affres anesthésiants de la révélation ultime.
Empruntant au puzzle une construction pièce par pièce, Jaroslav Melnik éparpille rigoureusement sa narration à travers différentes sources d’informations : il nous est ainsi possible de parcourir les définitions des mots hors d’usage dans cette société entre deux extraits d’un recueil de poésie antérieur à cette unité temporelle, d’avoir accès à des pages du journal intime de Gabr et celui de Lioz ; il nous est également donné à lire des messages plus ou moins codés, tout comme des lois défendues par des manuels estampillés sous contrôle, avant de replonger en apnée avec le protagoniste nageant à contre-courant en eaux troubles.
Rejetant désormais des « perceptions conditionnées » et la « quiétude sécuritaire » qui en découle, Gabr se retrouve pourtant bien incapable de dynamiter le système qui l’oppresse.
Ombre de lui-même en pleine lumière, il goûte un dilemme qui ampute toutes ces notions de leur aspect manichéen.
À la recherche de sa liberté, il erre entre les interstices d’une nomenclature dysfonctionnelle.
« La perception de l’espace est une activité subjective »
Conte philosophique du XXIème siècle, dystopie aux accents soviétiques… il serait vain de se contenter de ces deux termes pour qualifier un tel ouvrage protéiforme qui redessine un horizon défini.
À l’instar des silos lumineux qu’arbore la couverture du livre, ce texte est hypnotique, il attire notre conscience en des contrées miroirs avant de nous relâcher au plus profond de notre propre réalité.
Véritable labyrinthe, Espace Lointain déroule un fil d’Ariane dialectique, révélant une fiction dans son plus noble appareil.
« Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous. »
(Franz Kafka, lettre à Oskar Pollak)
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_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy |
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Hoel Patrick Kenzie (modo)
Age: 36 Inscrit le: 06 Oct 2005 Messages: 11460 Localisation: Au bout du monde
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Posté le: Jeu Oct 05, 2017 1:23 am Sujet du message: |
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Il a l'air excellent. Il me le faut. _________________ Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)
http://hanniballelecteur.wordpress.com/ |
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norbert Serial killer : Hannibal Lecter
Age: 47 Inscrit le: 18 Avr 2007 Messages: 11680 Localisation: Rhône-Alpes
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Posté le: Jeu Oct 05, 2017 7:10 am Sujet du message: |
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Hoel a écrit: | Il a l'air excellent. Il me le faut. |
Moi aussi il me faut, celui-là et le dernier Esparbec. ( ) _________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Dernière édition par norbert le Jeu Oct 05, 2017 7:21 am; édité 1 fois |
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norbert Serial killer : Hannibal Lecter
Age: 47 Inscrit le: 18 Avr 2007 Messages: 11680 Localisation: Rhône-Alpes
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Posté le: Jeu Oct 05, 2017 7:20 am Sujet du message: |
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>> La chronique de Hubert Prolongeau dans Télérama :
Citation: |
(On aime beaucoup)
Espace lointain - Jaroslav Melnik
C’est la rencontre du mythe de la caverne et de Hunger Games.
A Megalopolis, tout le monde est aveugle, et chacun convaincu qu’il n’y a rien au-delà de la ville.
Mais un jour un étudiant, Gabr Silk, recouvre la vue.
Terrifié par ce qu’il voit, il se rend au ministère du Contrôle, où on lui affirme qu’il est victime d’hallucinations.
Si ce n’était pas le cas, que faire de ce nouveau savoir ?
Lointainement inspirée par Le Pays des aveugles, de H.G. Wells, cette dystopie ukrainienne — dont la rumeur dit qu’elle a été l’un des livres de chevet des manifestants de Maïdan (2014) — est une vraie réussite.
Par sa forme, d’abord : mélange de récit, d’extraits de journaux, d’émissions de radio, d’écrits intimes, de bouts de propagande, elle tisse par fragments, de façon certes parfois un peu appuyée, un monde crédible.
Mais aussi parce que, loin de se contenter de faire facilement triompher le bien libertaire du mal totalitaire, Espace lointain se refuse à offrir des réponses rassurantes.
A la fin du roman, les dilemmes de Gabr Silk ne sont pas tous résolus.
Quelle est la responsabilité de celui qui sait ?
Un mensonge rassurant vaut-il mieux qu’une vérité qui dérange ?
Son cheminement initiatique, parfois erratique, est raconté avec une grande finesse et permet au roman à la fois de dépasser et d’enrichir les clichés orwelliens.
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_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy |
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norbert Serial killer : Hannibal Lecter
Age: 47 Inscrit le: 18 Avr 2007 Messages: 11680 Localisation: Rhône-Alpes
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Posté le: Ven Nov 24, 2017 9:35 am Sujet du message: |
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>> La chronique de Anne Sophie dans 20 Minutes :
Citation: |
« Espace Lointain »: Au royaume des aveugles, les voyants sont persécutés
SCIENCE-FICTION. Les lectures coups de cœur, ça se partage. Notre communauté vous recommande chaque jour un nouveau livre.
Aujourd'hui, « Espace Lointain » par Jaroslav Melnik chez Agullo Editions.
Ma citation préférée :
« La vérité était immonde ; l'ignorance rendait heureux. Alors, à quoi bon savoir la vérité ? A qui pouvait-elle servir ? »
Pourquoi ce livre ?
■ Parce que ce livre n'est pas seulement un roman mais aussi et surtout une observation, une fable philosophique.
A coup de métaphores et à travers Gabr, son personnage principal, Melnik nous dresse le portrait de l'Homme insatisfait, qui passe tant de temps à courir après la Vie avec un grand V, qu'il en oublie de profiter de ce qu'il a.
Typique.
■ Parce qu'ici, on dénonce à coup d'univers dystopique (quoi que) une humanité qui perd de sa définition ; l'auteur dépeint une nature humaine parfois ignorante, souvent terrifiée par l'insécurité et presque toujours gagnée par la lâcheté.
■ Parce qu'il est difficile de ne pas éprouver d'empathie pour cet homme seul face à la vérité.
Non seulement il découvre le terrible décor qui l'entoure mais, surtout, il ne parvient pas à partager ce qu'il voit.
Comment expliquer aux gens qu'il connaît ce que voir signifie ?
Comment expliquer la lumière et les couleurs à des personnes n'ayant connu que l'obscurité toute leur vie ?
Comment prouver à tout le monde qu'il n'est pas fou ?
■ Ce qui rend le roman très agréable à lire est la variété de la forme : mélange d'extraits d'émissions, de rapports officiels, d'extraits d'un livre de poésie interdit à la distribution, de coupures de presse, de journaux intimes de certains protagonistes, etc.
■ Parce que l'histoire est audacieuse, l'écriture merveilleuse et les réflexions pertinentes.
Pourquoi se priver d'un tel bijou ?
L'essentiel en 2 minutes
L'intrigue.
A Megapolis, Gabr se réveille un matin doté de la vue.
Dans cette mégalope peuplé d'aveugles, il devra fuir le ministère du Contrôle de l'Union gouvernemental qui cherche à lui ôter la vue pour le soigner de sa Psychose des espaces lointains.
Les personnages.
Gabr est un personnage qui se démarque forcément de tous les autres.
En effet, il est le seul à savoir à quoi ressemble réellement la ville ; à savoir que tous ces aveugles voutés manquent d'un sens qui lui paraît, au fur et à mesure des pages, de plus en plus indispensable : la vue.
Les lieux.
Gabr vit à Mégalopolis, une ville sombre, sale et froide, dans laquelle vivent des habitants inconscients de leurs conditions de vie.
En fuyant le ministère, il découvrira d'autres lieux tels que le périmètre cristallin où vivent les membres d'un mouvement dit terroriste.
L'époque.
L'action se déroule dans un monde futuriste et débute lors de la XVIIème unité temporelle, jour 20134.
L'auteur.
Jaroslav Melnik est un écrivain et philosophe ukrainien né en 1959.
Qualifié de « néo symboliste » et « auteur mystique », il a publié de nombreux romans salués par la critique.
Espace Lointain a été élu comme étant le meilleur livre de l'année 2013 en Ukraine.
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Hoel Patrick Kenzie (modo)
Age: 36 Inscrit le: 06 Oct 2005 Messages: 11460 Localisation: Au bout du monde
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Posté le: Ven Nov 24, 2017 9:38 am Sujet du message: |
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Hoel a écrit: | Il a l'air excellent. Il me le faut. |
Mon petit doigt ne m'a pas trompé, c'est excellent. J'en suis aux deux tiers, je ne sais pas ce que va réserver la fin mais je peux déjà dire que ça fait fort longtemps que je n'avais pas lu un roman d'anticipation aussi passionnant qu'intelligent. _________________ Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)
http://hanniballelecteur.wordpress.com/ |
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Hoel Patrick Kenzie (modo)
Age: 36 Inscrit le: 06 Oct 2005 Messages: 11460 Localisation: Au bout du monde
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Posté le: Sam Déc 16, 2017 1:46 am Sujet du message: |
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Mon avis vient de paraître sur Polars Pourpres.
Gros coup de cœur.
Citation: | « Et si voir était un crime ? »
Mégapolis, XVIIe unité temporelle, secteur 8.
Gabr est content de sa vie. Il a une petite amie attentionnée, un travail, etc. Comme nombre de citoyens, il aime se rendre aux oasis de détente, écouter des films et participer aux réunions de quartier.
Seulement, un beau jour, il est pris subitement de ce qui lui semble être des hallucinations. Et son monde s'écroule...
Gabr est rapidement poussé à passer des examens complémentaires. On lui diagnostique une maladie rare, la psychose de l'espace lointain. Autrement dit, il s'avère que Gabr a « retrouvé » la vue dans une société où les gens sont aveugles depuis des générations. On lui explique qu'avec la pose de scellés oculaires et quelques injections de bicefrasole, sa vie pourra reprendre son cours normal. Gabr se rend vite compte que le retour à sa vie d'avant ne va pas aller de soi. Mais va-t-on seulement lui en laisser le choix ?
À Mégapolis, les gens vivent et se meuvent dans l'espace proche, guidés jour et nuit par des capteurs acoustiques réglés sur les fréquences émises par les phares acoustiques, eux-même gérés par l’État. Ils se déplacent à pied, en wagon magnétique ou, plus exceptionnellement, en hélicoplane.
Ayant malgré lui « ouvert les yeux » sur cette société, Gabr prend de fait un recul que les autres n'ont pas. Sa ville est moche, sa maison est moche, les gens sont moches. Sa vie, visiblement bâtie sur le mensonge, prend une tournure qui le dépasse. Devenu à ses yeux potentiellement dangereux, le Ministère du Contrôle souhaite qu'il accepte de se faire soigner tandis qu'un homme mystérieux essaie par tous les moyens de le gagner à sa cause. Il serait le « Voyant » que lui et ses semblables attendent depuis si longtemps.
On a vu des livres avec des idées de départ brillantes mais maladroitement exploitées. Parfois, on se dit que d'autres auteurs, avec la même idée, auraient sans doute fait mieux. Ici, il n'en est rien. Le point initial du roman est exceptionnellement intéressant, et le traitement qu'en fait Jaroslav Melnik est à la hauteur. Et quelle hauteur !
Espace lointain est un de ces trop rares romans qui vivent avec le lecteur bien après la dernière page tournée. Passionnant du début à la fin, intelligent en diable, le texte pose bien plus de questions qu'il n'apporte de réponses et fait réfléchir autant, si ce n'est plus, qu'un quelconque traité de philosophie.
On se met aisément à la place de Gabr, personnage de prime abord un peu candide, que sa prise de conscience va amener à changer aussi rapidement que radicalement. Puis l'on se surprend vite à stresser, presque autant que lui, dans les moments de panique qui ne manquent pas.
La narration mise en place par Jaroslav Melnik est une machinerie d'une redoutable efficacité, les chapitres étant judicieusement entrecoupés de coupures de presse, d'extraits de livres « interdits » (rangés, hors de portée, dans les rayonnages des Archives centrales du Ministère du Contrôle), ou encore de définitions de concepts curieux pour les habitants de Mégapolis : beauté, apparence, nudité, mer...
Espace lointain est un roman exceptionnel, un texte comme on en lit trop peu. Un concentré d'intelligence, d'action et de beauté... Certains passages, magnifiques, resteront sans aucun doute longtemps en mémoire comme ce moment d'épiphanie où Gabr découvre la mer et les oiseaux.
De la grande littérature. Vous pouvez y aller les yeux fermés. Enfin, pas trop !
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_________________ Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)
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TaiGooBe Serial killer : Leland Beaumont
Age: 63 Inscrit le: 11 Aoû 2009 Messages: 1012 Localisation: The Pink City
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Posté le: Sam Déc 16, 2017 8:57 am Sujet du message: |
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Citation: | « Espace Lointain »: Au royaume des aveugles, les voyants sont persécutés
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Traduit par...Margarita Leborgne
Blague à part, ce livre à l'air très intéressant, en effet. _________________ "N'oublie pas que l'on écrit avec un dictionnaire et une corbeille à papier, tout le reste est litres et ratures." Antoine Blondin |
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Hoel Patrick Kenzie (modo)
Age: 36 Inscrit le: 06 Oct 2005 Messages: 11460 Localisation: Au bout du monde
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Posté le: Sam Déc 16, 2017 9:26 am Sujet du message: |
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Moi qui suis attentif au nom du traducteur, de la traductrice en l'occurrence, je n'ai pu m'empêcher de remarquer cette cocasserie aussi. Bien vu l'aveugle. _________________ Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)
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Le Juge Wargrave Ishigami le Dharma
Age: 39 Inscrit le: 17 Oct 2012 Messages: 8733 Localisation: Hexagone
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Posté le: Sam Déc 16, 2017 10:25 pm Sujet du message: |
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Top ton avis Hoel ! _________________ La vie ne devrait consister qu'à trouver les bons mots au bon moment. (Tété, Emma Stanton, 2003). |
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Hoel Patrick Kenzie (modo)
Age: 36 Inscrit le: 06 Oct 2005 Messages: 11460 Localisation: Au bout du monde
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Posté le: Sam Déc 16, 2017 11:05 pm Sujet du message: |
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Merci. 👍 _________________ Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)
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Hoel Patrick Kenzie (modo)
Age: 36 Inscrit le: 06 Oct 2005 Messages: 11460 Localisation: Au bout du monde
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Posté le: Lun Déc 18, 2017 9:31 pm Sujet du message: |
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Ce petit moment de fierté quand tu te rends compte que l'auteur de ce chef-d'œuvre a gentiment relayé ta modeste chronique sur sa page Facebook.
_________________ Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)
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Dernière édition par Hoel le Mer Déc 20, 2017 11:26 am; édité 1 fois |
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