Posté le: Sam Jan 19, 2008 5:47 pm Sujet du message: Regard Violet de Stephen Woodworth
Regard Violet, Natalie Lindstrom, tome 1
Parution : 24/01/2008
Résumé :
La police les appelle les Violets. A chaque génération, quelques individus naissent avec les yeux de cette couleur. Ils ont le don incroyable de permettre aux morts de revenir témoigner contre leurs assassins. C’est l’arme secrète de ceux qui luttent contre le crime. Natalie Lindstrom est de ces gens exceptionnels qui appellent les morts à la barre dans les procès pour meurtre.
Mais un tueur a entrepris d’éliminer tous ceux qui, comme elle, ont ce don. Et de fermer leurs yeux pour toujours.
L’agent du FBI Dan Atwater doit assurer la protection de Natalie, tandis que son esprit est déjà assailli par les cris d’agonie des victimes…
Un thriller avec une petite pointe de SF (genre l'Ange du Cauchemar ?), serez-vous tenté d'y gouter ?
Les premiers chapitres sont disponibles en cliquant sur la balise spoiler :
Spoiler:
Regard Violet, (extrait)
Stephen Woodworth
1
L’Homme sans visage
Tapi derrière la cabane à outils en bois bordant la clôture arrière de la maison, l’homme observait la petite fille aux cheveux blond vénitien qui jouait dans la cour. Des gouttes de transpiration tachaient le voile noir au tissage commun qui dissimulait le visage de l’homme ; la sueur suintait sous ses gants en latex quand il pliait les doigts.
Il n’avait pas plu à Los Angeles depuis près de six mois, et la brume qui s’était accumulée jetait un voile ambré sur le bungalow rose et sa cour minuscule. La vague de chaleur de la fin septembre avait desséché l’herbe jusqu’à ne laisser que de fragiles brins jaunis, et la pelouse était mouchetée de terre nue comme si elle avait la gale. Au milieu de la cour, il y avait une pataugeoire à moitié dégonflée, décorée de personnages de Winnie l’Ourson. La fillette, qui portait un maillot de bain une-pièce avec un dessin de Tigrou sur le devant, était accroupie. Elle avait déshabillé sa poupée Barbie et lui faisait faire de grands ronds dans l’eau peu profonde. Ses cheveux fins et emmêlés tombaient en mèches autour de son visage couvert de taches de rousseur.
La respiration de l’homme s’accéléra ; l’air devint bouillant et étouffant sous son masque de crêpe. La mère de l’enfant était au travail, et la baby-sitter était retournée dans la maison depuis plus de vingt minutes. En trois jours, c’était la première fois qu’il voyait la fillette sans surveillance. Pourtant, il hésitait encore.
Puis il vit qu’elle commençait à s’agiter.
Elle laissa tomber sa poupée dans l’eau et plaqua les paumes sur ses tempes.
— On frappe ! On frappe !
L’homme se raidit et ses lèvres formèrent des mots. Il imagina les légers murmures s’insinuant dans le crâne de la fillette.
Ils l’avaient trouvée.
L’enfant sortit de la piscine en titubant, les mains toujours collées sur ses tempes et secouant violemment la tête comme si elle était prise d’une douleur intense.
— On frappe ! On frappe !
L’homme jeta un regard prudent à la porte donnant sur la cour et s’élança brusquement vers la fillette.
Lorsqu’elle le vit, elle glapit et courut en zigzag vers la maison. Il tenta de l’attraper, mais elle esquiva les mains avides et fit volte-face. Elle se précipita vers le portail. Il lui coupa le chemin ; elle se jeta sur le grillage qui bordait la cour des voisins, ses doigts se refermèrent sur le maillage de fils de fer. Elle le secoua en hurlant.
Soudain, lorsque l’homme l’attrapa par les épaules, elle sembla submergée par l’épuisement et s’affaissa contre la clôture. Les traits tirés par la concentration, elle se mit à chuchoter les lettres de l’alphabet comme un rosaire.
— A-B-C-D-E-F-G… H-I-J-K-L-M-N-O-P… Q-R-S-T-U-V…
Sa voix s’évanouit. Les contours de son visage changèrent légèrement ; son expression s’assombrit.
Tout à coup, son corps frêle retrouva sa vitalité. Elle se retourna brusquement avec un grognement et essaya d’arracher le masque de l’homme avec ses ongles. Il s’était douté qu’elle agirait ainsi ; il saisit ses bras et la força à les baisser.
— Mais qui êtes-vous ? demanda-t-elle avec l’autorité d’un adulte. Pourquoi vous nous faites ça ?
Elle le fixa de ses yeux violet flamboyant.
Les creux lisses et peu profonds du masque ne trahissaient aucune émotion, mais l’homme tremblait visiblement. Tenant à bout de bras l’enfant qui se débattait, il referma ses mains gantées sur sa tête d’un geste presque tendre.
Puis, d’un mouvement sec, il lui brisa le cou.
2
Une témoin à la barre
L’autoroute d’Hollywood était bouchée ce matin-là, et Dan rata le début du procès pour meurtre d’Hector Muñoz. Lorsqu’il arriva au Centre des affaires criminelles, l’accusation se préparait à faire venir la victime à la barre.
Comme il était en retard, il décida de se garer dans un parking privé du centre-ville, plutôt que de chercher les places réservées à la police. Le Bureau pouvait banquer les quatorze dollars. Il regretta son choix avant même d’avoir parcouru un demi-pâté de maisons ; il sentait sa belle chemise s’imbiber de sueur sous sa veste.
Malgré la chaleur oppressante, public et équipes de télévision étaient massés devant l’entrée du tribunal. Un cordon d’hommes du bureau du shérif tenait la foule à distance. Un Violet était appelé à comparaître ce jour-là ; l’événement était si rare qu’il faisait la une des journaux. En général, cette seule perspective suffisait à contraindre la défense à accepter une négociation de peine ; pourtant, Hector Muñoz persistait à plaider non coupable et demandait à être jugé.
Dan joua des coudes pour traverser la foule et gagner le cordon de sécurité entourant l’entrée du tribunal. Il présenta son badge du Bureau à l’agent en chemise beige posté là, qui lui fit signe d’entrer.
Soulagé d’être dans le hall frais du bâtiment, Dan montra de nouveau son badge au point de contrôle.
— OK, agent… Atwater.
Le garde, un Latino baraqué vêtu d’une chemise blanche, lut le badge avant de le lui rendre. Il reprit :
— Si vous voulez, je peux vous garder votre arme pendant que vous passez au détecteur…
Dan lui lança un sourire pincé.
— Pas besoin, je n’en porte pas.
Il vida ses poches dans une boîte en bois et franchit le portique sans déclencher l’alarme.
— Dans ce cas, passez une excellente journée, répondit le garde en souriant.
Dan porta deux doigts à sa tempe dans un salut de boy-scout, puis il récupéra sa monnaie et ses clés de voiture.
À côté des ascenseurs, une pancarte signalait que tout le monde serait fouillé au huitième étage, et il comprit que même son badge du Bureau ne lui épargnerait pas d’autres contretemps. Mais cela ne le gênait pas. Les Violets lui filaient les foies, et il allait passer bien assez de temps en compagnie de l’un d’eux dans les prochains jours. Il n’était pas pressé.
La salle de la cour supérieure 8-101 exhala un souffle glacé d’air conditionné lorsque Dan poussa l’un des battants de la porte et entra. La pièce était presque pleine mais il repéra une place au fond de la tribune. La juge finissait de donner ses instructions préliminaires aux jurés.
— Au moment d’arrêter votre verdict, vous devrez traiter la déposition de la victime avec autant de prudence et d’esprit critique que celle des autres témoins.
La juge, une Noire au physique de matrone, observait les jurés par-dessus ses lunettes, avec une expression sévère sur son visage ridé. Elle reprit :
— Il vous faudra confronter le témoignage de la morte et les différentes preuves qui vous seront présentées par la défense et la partie civile, afin de vous faire votre opinion. Comprenez-vous vos responsabilités ?
Les jurés acquiescèrent d’un murmure. Plusieurs d’entre eux semblaient inquiets. Hector Muñoz pianotait compulsivement sur la table de la défense ; il s’agita sur sa chaise et se pencha pour chuchoter quelque chose à l’oreille de son avocate. Celle-ci secoua à peine la tête, une expression crispée sur le visage.
La juge fit un signe à l’assistant du procureur, un homme grand et sérieux avec des cheveux noirs parfaitement coiffés.
— Très bien. Monsieur Jacobs, vous pouvez appeler votre prochain témoin.
— Merci, Votre Honneur, dit Jacobs en se levant. Huissier, veuillez faire entrer Mlle Lindstrom.
Un homme trapu en uniforme ouvrit une porte sur la gauche du banc des juges et fit entrer une jeune femme pâle et émaciée au crâne rasé. Dan tendit le cou pour mieux voir la Violette avec laquelle il allait passer les prochaines semaines.
Elle portait une chemise à manches longues et un pantalon qui semblaient un peu trop grands pour elle et qui la faisaient paraître frêle dans la lumière aseptisée des néons. Néanmoins, elle s’exprima avec une assurance calme et discrète quand l’huissier lui demanda de prêter serment.
On lui avait installé une chaise longue dans le box des témoins. De larges sangles de Nylon pendaient du haut dossier et des pieds du siège.
— Veuillez décliner votre identité, demanda Jacobs à la femme lorsqu’elle fut assise.
— Natalie Lindstrom.
— Et vous êtes bien un membre assermenté du Corps nord-américain de communication avec l’au-delà ?
— C’est exact.
— Avez-vous l’intention de servir la cour en toute honnêteté et du mieux que vous le pouvez ?
— Oui.
Jacobs se tourna vers un homme à lunettes corpulent qui se tenait à droite du box des témoins.
— Monsieur Burton, voulez-vous bien préparer le Canal pour le témoignage ?
Burton sortit un crayon lumineux de la poche intérieure de sa veste et éclaira chacun des yeux de Lindstrom afin de vérifier qu’elle ne portait pas de lentilles colorées. Il existait bien sûr des moyens plus élaborés de s’assurer de l’authenticité d’un « Canal », mais cette méthode était devenue traditionnelle, car comme leur surnom l’évoquait, les Violets naissaient avec l’iris violet.
Burton poussa un chariot, sur lequel se trouvait une unité SoulScan, jusqu’au box des témoins. Il connecta Lindstrom à l’appareil en fixant une série d’électrodes sur son crâne nu avec du sparadrap. Comme la plupart des Violets, elle avait les vingt points de contact tatoués sur la tête telle une constellation de minuscules taches bleuâtres.
Jacobs expliqua au jury comment cet électroencépha-lographe sophistiqué détectait la présence électromagnétique de l’âme de la victime quand elle se répandait dans le cerveau du Canal.
— Vous allez voir par vous-mêmes le moment précis de l’habitation, affirma-t-il en montrant un grand moniteur vert installé au mur, au-dessus de la chaise de Lindstrom.
Dan remarqua que Jacobs avait omis de mentionner la fonction du gros bouton rouge sur la console SoulScan. Connu sous le nom de « bouton d’urgence », il servait à envoyer un puissant choc électrique dans la tête du Violet pour éjecter par la force une âme devenue violente ou refusant de quitter le corps du Canal. Grâce à une rigoureuse discipline mentale, un Violet bien entraîné pouvait normalement expulser un esprit indocile à tout moment, mais le bouton d’urgence représentait une sécurité de plus, car les morts étaient toujours imprévisibles.
Quand Burton s’éloigna du box, une véritable forêt de fils poussait sur le front de Lindstrom. Semblables à des lianes, ces fils s’entortillaient en un faisceau ondulant qui venait se brancher dans un port du SoulScan. Burton pianota sur la machine et une série de lignes vertes apparut sur le moniteur. Les petits zigzags rythmiques des trois lignes du haut représentaient les ondes alpha des pensées conscientes de Lindstrom. Les trois lignes du bas restaient plates dans l’attente de l’esprit de la victime.
— Êtes-vous prête, mademoiselle Lindstrom ? demanda Jacobs.
— Oui.
Elle s’étendit sur la chaise longue et ferma les yeux pendant que Burton lui sanglait les jambes et le torse et lui liait les poignets à l’aide d’une lanière en plastique crantée.
C’est pour sa propre sécurité, pensa Dan, mais cela ne parvint pas à le rassurer. Ces entraves étaient certes douloureuses, mais Lindstrom ne tarderait pas à souffrir encore davantage.
Jacobs ouvrit l’un des sachets en plastique transparent contenant les preuves de la partie civile et en sortit un bavoir décoré avec des oursons. Il le montra au jury, puis le plaça dans les mains de Lindstrom.
Dan grimaça et secoua la tête. Ce procureur ne retenait pas ses coups. Il aurait pu choisir à peu près n’importe quel objet ayant été en contact avec la victime en guise de pierre de touche. Une brosse à cheveux, une clé de maison, un permis de conduire – tous ces objets auraient conservé un léger lien quantique avec la morte et auraient suffi à attirer son essence électromagnétique dans le Canal, à la manière d’un paratonnerre. Au lieu de cela, Jacobs avait décidé d’utiliser le linge de son enfant car il savait qu’il aurait un impact émotionnel sur les jurés. Dan ne parvenait pas à comprendre pourquoi Muñoz avait choisi de s’infliger la torture du témoignage d’un Violet. Plonger dans ces yeux et y voir le regard de votre victime…
Les lèvres de Lindstrom formèrent des mots silencieux, et les ondes alpha qui traversaient le haut du moniteur du SoulScan devinrent plus plates. Elle était sur le point de se retirer dans son propre subconscient et d’abandonner le contrôle de son corps à une autre.
Jacobs jeta un regard à la foule par-dessus son épaule. Il conseilla aux gens de rester calmes, mais cela n’était pas nécessaire. Le silence était tel que l’assistance semblait avoir cessé de respirer.
Lindstrom resta immobile pendant plusieurs minutes, le bavoir serré dans ses mains. Dans la salle du tribunal, la tension diminuait ; les gens se lassaient d’attendre. Les pieds remuaient. Les chaises craquaient. Quelqu’un toussa. Seul Muñoz restait assis sans bouger, les yeux fixés sur la femme dans le box des témoins.
La sueur de Dan avait laissé place à la moiteur en séchant sous l’effet de l’air conditionné, si bien que sa peau avait perdu sa chaleur. Il frissonnait même lorsque les premiers tremblements apparurent sur la moitié inférieure du moniteur. Ses cheveux se dressèrent, et il eut l’impression que toute la pièce s’était chargée de l’énergie d’âmes mortes.
Le corps de Lindstrom se raidit, son dos s’arqua, son ventre se tendit contre les sangles qui la retenaient à la chaise longue. Ses mains osseuses se crispèrent sur le bavoir, elle rua et se tordit avec une fureur d’épileptique.
C’est pas bon, pensa Dan. Si la pierre de touche invoquait plus d’une âme, le Canal devait se battre pour écarter les entités indésirables et ne retenir que l’individu qui devait l’habiter. On racontait qu’au cours de telles crises, des Violets mal entraînés s’étaient arraché la langue avec les dents.
Donnant des coups de tête de tous les côtés, Lindstrom laissa échapper un cri brut, grinçant, et Dan vit plusieurs jurés blêmir. La plupart d’entre eux n’avaient certainement vu de Violets qu’au cinéma ou dans des séries policières à la télévision. En rencontrer un en vrai était une tout autre expérience. Dan en avait probablement croisé plus d’une cinquantaine dans sa vie, et chaque fois avait été pire que la précédente. En particulier au cours des deux dernières années.
Les yeux de Lindstrom s’ouvrirent brusquement et elle lança un regard ébahi autour d’elle, comme un lapin pris au piège dans la tanière d’une meute de loups. Sans qu’il y ait le moindre changement physiologique, les muscles de son visage s’étaient reconfigurés et lui donnaient une tout autre expression : les sourcils étaient froncés, le menton sorti, les joues gonflées. Elle geignit et tenta de se libérer de ses entraves en se tortillant sur sa chaise. Puis ses yeux s’arrêtèrent sur Hector Muñoz, et elle se tut.
Muñoz se saisit les tempes de ses mains tremblantes, incapable de détourner le regard.
— Rosa…, gémit-il.
Jacobs s’avança afin de s’adresser à la femme dans le box des témoins.
— Me reconnaissez-vous ? demanda-t-il.
Elle lui lança un coup d’œil et acquiesça. La partie civile avait manifestement déjà convoqué la victime pour l’interroger. Jacobs reprit :
— Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous dire qui vous êtes ?
— Rosa Muñoz.
Elle avait prononcé le nom avec un accent espagnol, et sa douce voix de soprano s’était transformée en une voix d’alto râpeuse.
— Inscrivez dans le registre que la témoin s’est présentée comme étant la victime. (Jacobs s’efforça de rétablir le contact visuel avec elle.) Savez-vous où vous êtes ?
La femme secoua la tête tout en gardant les yeux rivés sur Hector Muñoz.
— Reconnaissez-vous quelqu’un d’autre dans cette pièce ?
La femme dans le corps de Natalie Lindstrom ne répondit pas, car elle avait baissé les yeux sur le bavoir.
— Oh, mon Dieu ! Pedrito ! s’exclama-t-elle.
— Pedrito… C’était votre fils, n’est-ce pas ? suggéra Jacobs. Parlez-nous de Pedrito.
— C’est lui, il l’a tué. Mon cerdo de mari. (Elle désigna violemment le prévenu de ses mains liées.) Il a tué mon bébé !
Muñoz s’effondra sur la table de la défense comme s’il avait été abattu d’un coup de fusil. Son avocate lui donna une tape sur l’épaule mais ne lui offrit aucun mot de réconfort.
Jacobs se tourna vers le jury et dit :
— Veuillez inscrire dans le registre que la victime a identifié l’accus…
— Toi et tes putains d’amphétamines ! (Tremblante, la femme assise dans le box des témoins lança un regard furieux à Muñoz avec les yeux insondables de Lindstrom, le visage plissé par le mépris.) Toujours tes putains d’amphét’. Et Pedrito qui pleurait, ça te rendait dingue. “La ferme ! La ferme !” (Elle fit mine de secouer un bébé.) T’as réussi à le faire taire, hein, Hector ?
Muñoz garda la tête baissée.
— Que s’est-il passé ensuite ? demanda Jacobs.
— Ensuite je me suis mise à hurler. J’ai traité Hector d’asesino. La dernière chose que je me rappelle, c’est qu’il m’a prise par la gorge et qu’il m’a crié : “Tais-toi, salope ! On va t’entendre !” (Elle pressa le bavoir sur son visage et ferma les yeux en frissonnant.) Il me suit partout. Je suis la seule personne qu’il connaisse, là-bas, et il ne me quitte jamais. Tu sais ce que ça fait, Hector ? Être seuls tous les deux, à pleurer dans le noir.
Hector Muñoz releva la tête. Son visage était strié de larmes.
— Oh ! mon Dieu, Rosa, lo siento, lo siento !
Avant que son avocate puisse l’arrêter, il passa par-dessus la table de la défense et se précipita vers le box des témoins, les mains tendues vers sa femme disparue en signe de supplication. Deux gardes s’élancèrent et le saisirent avant qu’il l’atteigne.
— Perdóneme ! Perdóneme ! sanglota Muñoz pendant qu’on le plaquait au sol.
Il a toujours su qu’il ne pouvait pas gagner, pensa Dan. Il avait voulu ce procès parce que c’était sa dernière chance de demander pardon à l’épouse qu’il avait étranglée.
Le corps de la femme dans le box des témoins s’arqua. Dan entendit les sangles de Nylon se tendre jusqu’au point de rupture.
— Jamais, grinça-t-elle. (Elle se mit à crier ; la force de sa haine faisait vibrer l’air.) Tu m’entends, Hector ? JAMAIS !
Sur le moniteur du SoulScan, les ondes lisses et mesurées de la conscience endormie de Lindstrom se firent pointues et frénétiques. Les traits de son visage se tordirent.
Inquiet, Burton tendit la main vers le bouton d’urgence.
Les coins de la bouche de Lindstrom s’écartèrent et laissèrent apparaître ses dents serrées, comme si elle portait un masque trop tendu. Puis sa chair frissonnante prit une apparence de calme mélancolique, et la Violette se redressa sur son siège et respira profondément.
Burton baissa la main. Jacobs lui fit un signe de tête, et l’assistant commença à défaire les sangles et à retirer les fils de la tête de Lindstrom.
Les gardes passèrent les menottes à Hector Muñoz qui gémit, inconsolable, pendant qu’ils le faisaient sortir de la salle. Son avocate, une habituée du barreau désignée d’office par l’État, s’était manifestement attendue à une telle conclusion dès le début du procès, car elle demanda calmement un ajournement pour revoir la défense de son client en fonction des derniers événements. En dépit des protestations de la partie civile, la juge accepta le report. L’huissier aida Lindstrom, passablement épuisée, à s’éclipser d’un pas traînant par la petite porte réservée aux témoins.
Alors que le public autour de lui faisait la queue pour sortir par les doubles portes, Dan se rendit compte qu’il avait les yeux secs et collants d’avoir si longtemps fixé la scène. Il lui semblait que sa langue était enveloppée dans de la gaze, et il prit une pastille pour s’aider à saliver un peu. Le dernier mot de Rosa Muñoz résonnait encore dans sa tête :
JAMAIS…
Il lambina plus de cinq minutes dans la salle d’audience avant de se sentir prêt à rencontrer Natalie Lindstrom.
Tant qu’elle ne me touche pas…
Tout en arrangeant sa cravate, Dan se dirigea vers la petite porte qu’elle avait empruntée et montra son badge au garde posté là. Il passa dans une salle d’attente privée où il trouva Lindstrom étendue sur un canapé, un bras replié sur les yeux. Ses poignets étaient rouges aux endroits où les lanières avaient frotté sa peau. Ses joues et son front étaient toujours tendus, comme noués, et conservaient un souvenir de l’expression de Rosa Muñoz, comme une photographie qui aurait subi une double exposition.
— Mademoiselle Lindstrom ?
Elle se redressa dans un sursaut, et le regarda avec méfiance.
— Désolé de vous déranger. (Il faillit lui tendre la main pour qu’elle la serre, mais se ravisa et la remit dans sa poche.) Agent spécial Dan Atwater, FBI. Unité de soutien aux enquêtes. C’était un… sacré spectacle, tout à l’heure.
Elle se laissa retomber sur le canapé.
— Si vous le dites.
Il se mit à genoux pour être presque à la hauteur de ses yeux violets.
— Je sais que vous devez être fatiguée, mais nous avons vraiment besoin de votre aide sur l’une des affaires dont nous nous occupons. Quand vous entendrez les détails, je suis sûr que vous serez d’acc…
— Je connais les détails. (Elle le regarda dans les yeux.) Ils me les ont donnés.
Posté le: Mar Mar 11, 2008 4:28 pm Sujet du message:
je l'ai fini, j'ai beaucoup aime, j'ai passe un excellent moment en le lisant avec une pointe de fantastique. Communiquer avec les morts est ce une malediction ou une benediction? a vous de le decouvrir en lisant ce roman...
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