El Marco Charlie "Bird" Parker (modo)
Age: 45 Inscrit le: 30 Avr 2004 Messages: 11568 Localisation: Alpes-Maritimes
|
Posté le: Mar Nov 15, 2022 7:06 am Sujet du message: |
|
|
Ma chronique sur Polars Pourpres :
Citation: | L’Albanie a en partie grandi sous la férule d’Enver Hoxha, un dictateur communiste de la pire espèce. Un pays bridé, une économie asphyxiée, des libertés bafouées, des espoirs impossibles. C’est aussi dans ce pays martyr que grandit Arben avant que l’autocratie ne s’écroule, laissant place à un régime guère plus louable, avec les fléaux du libéralisme et ses inconvenances. Prêt à tout pour réussir et permettre à sa famille de se projeter dans un avenir favorable, probablement à l’étranger, Arben est résolu à jouer avec l’illégalité, sous toutes ses formes, quitte à y perdre son âme et ses proches.
Ce premier ouvrage de Danü Danquigny séduit dès les premières pages. Une écriture simple qui n’empêche nullement de magnifiques passages, lyriques et puissants. Une histoire classique mais particulièrement prenante jusqu’au final. Des protagonistes formidables de crédibilité, empêtrés dans leurs hypocrisies, leurs propres tourments, leurs velléités de s’en sortir sans trop prendre attention aux moyens employés, leurs violences et autres férocités. On y découvre ce personnage d’Arben, comme tant d’Albanais si heureux de la chute du despote ayant érigé, comme hélas en d’autres endroits du globe, un régime dément et castrateur, édifié sur une doctrine monstrueuse et complètement dévoyée. Il apprendra que la destruction de cette tyrannie ne rimera pas nécessairement avec l’avènement d’une société plus égalitaire. Et c’est d’ailleurs sur ce point que Danü Danquigny est le plus marquant : il nous dépeint une Albanie d’abord sclérosée par l’hégémonie communiste puis meurtrie par un individualisme et un capitalisme presque aussi brutaux et pernicieux. Tout y est décrit avec une concision et une justesse remarquables : la prostitution, les montages financiers construits sur le principe de la pyramide de Ponzi, les trafics d’êtres humains, les escortes de migrants envoyés au casse-pipe, les ruines que se partagent les édiles et autres mafieux soudainement convertis au consumérisme féroce, les règlements de comptes sanglants où les pires engeances essaient de s’approprier les reliefs d’argent… Car sur les vestiges de cette contrée laminée, les aigles de l’Albanie, qui essaient de redresser la tête et se sortir les serres de la misère, vont côtoyer les pires charognards. C’est dans ce marais puant et sanglant qu’Arben, entre deux élans de sauvagerie et autres amnésies, va tenter de trouver, pour lui et les siens, un chemin de traverse les menant vers un semblant de bonheur, d’avenir, presque de survie, mais la bestialité le rattrapera avant qu’il n’ait atteint cette hypothétique félicité, quitte à ce qu’il soit contraint d’emprunter la voie de la vengeance.
Un roman noir particulièrement réussi, concis et marquant, dont l’une des principales caractéristiques est de nous mener dans un pays en totale reconstruction mais dont la convalescence s’apparente pour ainsi dire à l’aggravation de la maladie. Edifiant et mémorable, presque nécessaire.
|
|
|