Posté le: Mer Jan 20, 2016 10:46 am Sujet du message:
Après avoir refermé le livre il y a quelques semaines, voici mon avis :
Citation:
« Vous qui entrez ici, perdez tout espoir »
La célèbre phrase de la Divine Comédie écrite par l’illustre florentin Dante sied tout à fait au roman de la milanaise Paola Barbato.
Trois pages. Les trois premières. Voilà ce que laisse Paola Barbato au lecteur comme répit. Car après… Après on plonge dans l’ultra-violence, la cruauté, la perfidie, l’ignoble et on boit ce chaudron des vices humains jusqu’à la lie.
Je n’ai pas éprouvé de plaisir à cette lecture. Ce déchaînement gratuit de violence sans parvenir à en comprendre le sens m’a sans cesse rebuté. Pourtant Paola Barbato nous prévient, indirectement, p.141 : « Il faut que tu arrêtes de vouloir trouver une explication à tout. Je suis sérieux, mon garçon, ça n’a pas de sens. Dans tout ceci, dans ce que nous faisons, dans ce que tu fais, il n’y a rien à comprendre. D’accord ? C’est comme ça, c’est tout. Donc, arrête de réfléchir. »
Et bien non, j’ai continué à réfléchir, affligé (au sens propre du terme) par ce nihilisme.
J’ai avancé vite dans ma lecture parce que l’auteure est sacrément douée pour faire tourner les pages mais aussi parce que je voulais en voir la fin, enfin.
Et quelle fin ! Le dernier mot… le mot ultime, qui clôt le roman. Comme un dernier coup, imparable, létal, qui nous plonge dans l’abysse, définitivement.
Une expérience de lecture saisissante mais effroyable.
_________________ La vie ne devrait consister qu'à trouver les bons mots au bon moment. (Tété, Emma Stanton, 2003).
Posté le: Mer Jan 20, 2016 3:06 pm Sujet du message:
Oui, super critique du Juge qui retranscris parfaitement mon ressenti de lecture.
Mais j'ai encore un problème concernant la note. Laquelle mettre ?
Une très bonne reviendrait un peu à cautionner l'horreur, le sordide et le côté abject (injustifié ?) de ce roman.
Une trop basse ne lui rendrait pas justice, ne valoriserait pas le talent de l'auteur et l'originalité de son oeuvre. _________________ “Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut".
Cicéron.
Posté le: Mer Jan 20, 2016 3:17 pm Sujet du message:
Ironheart a écrit:
Oui, super critique du Juge qui retranscris parfaitement mon ressenti de lecture.
Mais j'ai encore un problème concernant la note. Laquelle mettre ?
Une très bonne reviendrait un peu à cautionner l'horreur, le sordide et le côté abject (injustifié ?) de ce roman.
Une trop basse ne lui rendrait pas justice, ne valoriserait pas le talent de l'auteur et l'originalité de son oeuvre.
Merci Iron.
Je me suis posé exactement la même question pour la note, c'est pourquoi j'ai opté pour une note "entre-deux". _________________ La vie ne devrait consister qu'à trouver les bons mots au bon moment. (Tété, Emma Stanton, 2003).
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 9:45 am Sujet du message:
Le Juge Wargrave a écrit:
Ironheart a écrit:
Oui, super critique du Juge qui retranscris parfaitement mon ressenti de lecture.
Mais j'ai encore un problème concernant la note. Laquelle mettre ?
Une très bonne reviendrait un peu à cautionner l'horreur, le sordide et le côté abject (injustifié ?) de ce roman.
Une trop basse ne lui rendrait pas justice, ne valoriserait pas le talent de l'auteur et l'originalité de son oeuvre.
Merci Iron.
Je me suis posé exactement la même question pour la note, c'est pourquoi j'ai opté pour une note "entre-deux".
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 11:02 am Sujet du message:
Ironheart a écrit:
Une très bonne reviendrait un peu à cautionner l'horreur, le sordide et le côté abject (injustifié ?) de ce roman.
Une trop basse ne lui rendrait pas justice, ne valoriserait pas le talent de l'auteur et l'originalité de son oeuvre.
Je ne suis pas OK... ce n'est pas comme ça que j'ai compris la notation.
Une bonne note ne veut pas dire que tu cautionnes le contenu mais que pour une raison ou une autre tu as apprécié le livre...
Est-il si difficile à dire si on a aimé ou pas ?
et puis le commentaire sert à s'expliquer, non ?
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 11:21 am Sujet du message:
Alice a écrit:
Ironheart a écrit:
Une très bonne reviendrait un peu à cautionner l'horreur, le sordide et le côté abject (injustifié ?) de ce roman.
Une trop basse ne lui rendrait pas justice, ne valoriserait pas le talent de l'auteur et l'originalité de son oeuvre.
Je ne suis pas OK... ce n'est pas comme ça que j'ai compris la notation.
Une bonne note ne veut pas dire que tu cautionnes le contenu mais que pour une raison ou une autre tu as apprécié le livre...
Entièrement d'accord.
On ne nous demande pas de cautionner quoique ce soit. Nous ne sommes pas l'équivalent "littéraire" du CSA pour la tv, ni un quelconque organisme de contrôle ou de censure qui viserait à définir le bon goût, à juger de ce qui est "moral" ou pas, "lisable" ou pas !
Je pense qu'il ne faut pas exagérer et redescendre un peu sur terre... _________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 1:14 pm Sujet du message:
Je me suis mal exprimée alors.
Les auteurs ont le droit d'écrire ce qu'ils veulent et les lecteurs de lire ce qu'ils veulent. Je ne ne permettrais pas de juger.
Je ne parle pas au nom des autres mais en mon nom propre. Mettre une bonne note voudrait dire que personnellement, moi, en tant que lecteur, je me régale de ce côté sordide. Et je me questionne, moi, sur ma propre perception. C'est là que se situe mon malaise.
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 2:00 pm Sujet du message:
Ironheart a écrit:
J Mettre une bonne note voudrait dire que personnellement, moi, en tant que lecteur, je me régale de ce côté sordide. Et je me questionne, moi, sur ma propre perception. C'est là que se situe mon malaise.
Oui oui, je comprends mieux Iron. Je vois ce que tu veux dire...
Mais, on pourrait comparer ça à l'art pictural :
je pense à la peinture d'Egon Schiele, très expressive, qui ne laisse pas indifférente, belle par moment mais que, perso, je ne voudrais pas dans mon salon... ou au célèbre "Guernica" de Picasso...
si on devait les noter, ces tableaux, même si on ne les trouve pas franchement beaux, on ne pourrait objectivement pas mettre une mauvaise note car ils expriment qq chose de fort... non ?
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 3:13 pm Sujet du message:
Ironheart a écrit:
Je me suis mal exprimée alors.
Les auteurs ont le droit d'écrire ce qu'ils veulent et les lecteurs de lire ce qu'ils veulent. Je ne ne permettrais pas de juger.
Je ne parle pas au nom des autres mais en mon nom propre. Mettre une bonne note voudrait dire que personnellement, moi, en tant que lecteur, je me régale de ce côté sordide. Et je me questionne, moi, sur ma propre perception. C'est là que se situe mon malaise.
Ne prends pas cet air triste, ça me rend triste moi aussi...
Encore une fois je suis d'accord avec ce que vient de dire Alice.
Le roman noir est connu pour, entre autres, dire les choses, fouiller et gratter ce qui ne va dans une société, chez l'homme, par exemple.
Paola Barbato a choisi de traiter ce sujet, de ne rien en cacher des aspects les plus sordides, sans pour autant - et c'est là mon avis, mais une comparaison précise avec bon nombre d'autres romans le confirmerait facilement - tomber dans la violence gratuite, sans faire du lecteur un voyeur, sans se laisser aller à des descriptions gore ou complaisantes.
C'est un choix de sa part, et comme en plus elle a du talent et que c'est bien fait, le résultat, comme une espèce de revers de médaille, en est d'autant plus dérangeant pour le lecteur (là où le gore a tendance à créer une espèce de "distanciation" voire de second degré chez le lecteur, lequel va paradoxalement mieux "l'encaisser").
Pour en revenir à ta perception du roman, tu disais plus haut dans ce fil que c'était une lecture qui te rappelait celle du Vide de Patrick Sénécal (et sans doute d'autres de ses romans, Emilie parlait aussi Hell.com).
À l'époque comment l'avais-tu noté ? Selon quels critères ?
Honnêtement, je ne me souviens plus de la note que tu lui avais donnée, mais ce dont je me souviens par contre, c'est que tu ne t'étais pas posée toutes ces questions, tu n'avais pas "dramatisé" comme tu as tendance à le faire pour À mains nues. Pourtant, ce sont tous les deux des romans - et des romans noirs. Donc, à priori, à juger selon les mêmes critères, il n'y a pas tout d'un coup de raison d'en changer, il me semble ! _________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Dernière édition par norbert le Jeu Jan 21, 2016 10:57 pm; édité 1 fois
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 5:14 pm Sujet du message:
c'est pour ça que je reviens à chaque fois sur ma comparaison avec les autres auteurs dont les résultats de la violence est beaucoup plus sanglante ou démonstratif et chez lesquels,avec pléthores de descriptions très précises, on retrouve des corps dans des états abominables et jamais la question ne s'est posé de savoir si en notant l'ouvrage positivement, on cautionnait les actes décrits.
rien que les titres de Paul Cleave ou Jeff Lindsay qui mettent en scène,comme "héros", des tueurs. _________________ À chaque décision que nous prenons, nous créons un nouvel avenir. Et, ce faisant, nous détruisons tous ceux que nous aurions pu avoir à la place.
Lou Berney November Road
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 6:05 pm Sujet du message:
Alice a écrit:
si on devait les noter, ces tableaux, même si on ne les trouve pas franchement beaux, on ne pourrait objectivement pas mettre une mauvaise note car ils expriment qq chose de fort... non ?
C'est pour cela que je ne peux pas mettre une mauvaise note à ce roman ! "Artistiquement", il ne le mérite pas. C'est bien mon dilemme...
Je me souviens d'avoir lu des critiques sur le film chinois les fleurs de la guerre qui le descendaient à cause d'une esthétisation de la violence. Cela avait rebuté les spectateurs...Peut-on faire du beau avec de l'horreur, peut-on fare du bon avec du choquant ? Cela ferait un sujet intéressant de philo ça !
Norbert, pour Le Vide, si, je me suis posée toutes ces questions mais je n'en ai peut-être pas parlé sur le forum. C'est un roman auquel j'aurais pu mettre 10 pour sa puissance mais finalement, je ne lui ai mis "que" 8 à cause de la sensation hyper désagréable qu'il m'a laissée et du malaise moral qu'il génère.
Même problématique qu'avec le Barbato.
En tout cas, c'est bien de l'avoir mis en avant et de t'être battu pour sa sélection pour le prix Polars Pourpres parce que sinon, je ne l'aurais pas lu et
je serais passée à côté de quelque chose.
Et d'ailleurs, j'ai très envie de lire le second bouquin de l'auteure.
Fab, dans les romans que tu cites, il y a des scènes violentes et sanglantes mais on sait de quel côté sont les héros, de quel côté est l'auteur. Le bien, le mal sont quand même opposés. Dans A mains nues, ce n'est pas le cas.
Ceci dit, je n'ai pas lu de Jeff Lindsay ou de Paul Cleave.
A chaque fois que je suis tombée sur des héros tueurs, il y avait une forme de second degré ou alors l'auteur s'arrangeait pour les faire "payer" tôt ou tard.
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 6:12 pm Sujet du message:
oui c'est vrai. encore que pour certains persos, on sait surtout quelle étiquette l'auteur colle dessus parce que dans les actes c'est plus flou
après elle ne dit jamais que c'est mal mais jamais non plus que c'est bien. le parallèle avec les chiens que l'on dresse pour les combats est vraiment bien trouvé.
il faudrait que je re-regarde Danny the Dog qui a la même thématique (mais pas le même traitement évidemment)
en tout cas ça donne une discussion très intéressante _________________ À chaque décision que nous prenons, nous créons un nouvel avenir. Et, ce faisant, nous détruisons tous ceux que nous aurions pu avoir à la place.
Lou Berney November Road
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 6:18 pm Sujet du message:
Paola Barbato n'émet aucun jugement sur ses personnages, quels qu'ils soient. Mais en faisant passer Davide de victime à bourreau de manière récurrente, elle perturbe les règles du genre et bouscule les shémas conventionnels. Et le pauvre lecteur, il ne sait plus quoi penser.
Pas vu Danny The Dog mais je crois que je vais le regarder, tiens.
Oui, discussion super intéressante. Ca prouve que ce roman ne laisse pas indifférent. _________________ “Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut".
Cicéron.
Posté le: Jeu Jan 21, 2016 9:37 pm Sujet du message:
Ironheart a écrit:
Paola Barbato n'émet aucun jugement sur ses personnages, quels qu'ils soient. Mais en faisant passer Davide de victime à bourreau de manière récurrente, elle perturbe les règles du genre et bouscule les shémas conventionnels.
Mais c'est justement ça qui est intéressant et qui permet de poser les bonnes questions ! Je n'attends pas d'un auteur un roman moralisateur dans lequel "bien" et "mal" soit clairement définis, mais plutôt qu'ils aillent chercher, fouiller et creuser dans les zones floues, là où rien n'est ni tout blanc ou tout noir.
Dans À mains nues, il n'y a aucune esthétisation de la violence, la violence est là parce que le sujet du livre lui-même est violent. Mais au-delà de cette violence, dont on parle beaucoup au détriment du sujet du roman, Barbato pose de bonnes questions : naît-on assassin ? Comment peut-on évoluer, au fil des épreuves et des années, surtout au stade de l'adolescence alors que notre personnalité et notre caractère sont en train de se forger, dans un environnement où l'on est renvoyé à notre condition nos réflexes les plus primitifs et traité comme des animaux ?
Spoiler:
Est-ce que Davide, s'il avait eu un rapport sain et normal avec son père, aurait été mieux armé face à la manipulation psychologique de "Minuto" ?
Et autre sujet important : l'ignominie de cette caste de milliardaires blasés de tout qui n'arrivent à se divertir, à ressentir de sensations fortes, que devant l'agonie et la mise à mort d'êtres plus pauvres et plus faibles dans de tels spectacles ! Et dont on sait qu'au bout d'un moment, lassés de voir des adolescents ou des adultes en "spectacle" tels que décrits dans ce roman, ils vont ensuite - si ce n'est pas déjà fait - basculer à nouveau et chercher le frisson ultime, et donc payer le prix fort pour le même genre de spectacles, mais cette fois avec des enfants, symboles ultimes de l'innocence, et qui renforcent encore leur sentiment de toute-puissance - non seulement d'avoir le pouvoir de vie et de mort, mais aussi celui de faire partie de cette sorte d'élite occulte pouvant se le permettre ?
Enfin, le portrait de Minuto est sans aucun doute le profil de psychopathe et de pervers narcissique le plus réussi que j'ai pu lire jusque là : je garde notamment en mémoire cette scène où, pendant leur cavale, il explique à Davide qui est vraiment "le Vieux", le prétendu chef de l'organisation (je n'ai plus le nom en tête), le fait que celui-ci est justement tellement riche et blasé de tout qu'il continue, encore à son âge, à aller jusqu'à se mettre en danger pour ressentir encore le frisson ultime de la manipulation et de la main-mise sur un individu. En réalité, c'est de lui, et avec une extraordinaire lucidité, qu'il parle !
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
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