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[concours n°2] - Résidence des Thermes

 
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Anonyme 6
Invité








MessagePosté le: Mer Mai 07, 2008 9:28 am    Sujet du message: [concours n°2] - Résidence des Thermes Répondre en citant

Citation:
Des roseaux à perte de vue. Cris d'oiseaux et bruissement de feuilles. Je remontai ma jupe et avançai dans l'eau jusqu'aux genoux, tâtant le fond avec ma béquille. Une puissante odeur de décomposition se mêlait au parfum des lys sauvages, des dizaines d'insectes et de larves glissaient entre mes jambes, mais je n'y prêtai aucune attention. Juste la jouissance d'une paix intérieure retrouvée. Je progressai sur une trentaine de mètres avant de trouver ce que je cherchais: un petit ilot à l'abri des regards indiscrets, recouvert d'un tapis de mousse et d'herbe tendre.

« Nous serons bien ici, tous les deux. »

Je revins sur mes pas et regagnai la voiture où Simon m'attendait.

— Ce sera parfait pour notre première fois.

A 11h30, nous étions enfin allongés l'un à côté de l'autre, dans le petit nid douillet que j'avais aménagé. Simon n'avait pas prononcé un mot depuis notre départ de Bordeaux ; j'étais nerveuse et en nage, mais je ne lui en voulais pas. Je me tournai vers lui, mes doigts s’attardèrent un instant sur son torse, puis je finis par retirer la lame plantée dans sa nuque d’un coup sec. Le sang ne coulait plus depuis déjà dix bonnes heures.


Une légère odeur douçâtre, mélangée à son eau de toilette habituelle, s’élevait de lui, titillant mes narines. Je fermais les yeux et m’imprégnais de lui, laissait son parfum me pénétrer. Il était en moi, il était moi. Simon.

La route avait été longue, l’air étouffant dans l’habitacle de ma petite voiture. Pas de climatisation pour mon « bolide », comme il appelait en riant ma minuscule voiture automatique. Mais Simon était là, et malgré son silence, je savais qu’il était heureux d’être à mes cotés. Il n’avait pu conduire bien sur, mais ma jambe gauche ne m’avait pas trop fait souffrir. Merci la boite de vitesse automatique. Quand j’étais sortie de l’hôpital cinq ans auparavant, je ne pensais qu’à une chose : arracher cette jambe tordue, raide, inutile, souvenir douloureux et difforme de mes mois de souffrance. Puis un soir, on avait toqué à ma porte. Il était là, grand, beau, souriant : Simon. Il avait besoin de sel. Bien sur. Excuse typique, j’allais te croire mon bonhomme !

Je passai ma main dans ses cheveux et embrassai son front. Te souviens-tu mon amour de cette première rencontre ? Il ne répondit rien, mais sa tête reposa un peu plus sur ma poitrine. Tu es bien mon amour. Je le ressens au fond de moi. Nous serons bien ici tous les deux.

Il avait besoin de sel, donc. J’étais restée un instant stupéfaite devant son audace. Depuis « le drame », mes voisins évitaient soigneusement mon regard, me saluant du bout des lèvres quand ils me croisaient dans le hall de l’immeuble, détournant vite les yeux de peur de se brûler en me regardant dix secondes de trop. Le malheur est contagieux, c’est bien connu, une maladie honteuse de laquelle on ne se préserve que d’une façon : en cultivant l’indifférence. Il faut dire qu’un homme qui bat sa fiancée comme plâtre et lui verse du déboucheur à évier sur le corps, ça avait causé un choc dans la très select Résidence des Thermes, digicode, parc ombragé, piscine commune, espace de vie sécurisé loin des agitations de la ville. Mais bien sur, « le drame » leur avait fait comprendre que souvent, la violence est à l’intérieur des murs et non au loin, par delà les grillages qui entouraient leur îlot de pseudo confort pour cadres supérieurs. Impensable, inimaginable.
Puis Simon avait emménagé. J’étais certaine que mes voisins l’avaient déjà mis au courrant de qui j’étais, et, bien sur, de la nécessité absolue de m’éviter comme la peste sous peine de propager le malheur et le drame dans la résidence, voire le quartier tout entier. J’imaginais la blonde du dessus, toute brushing, talons et vernis à ongle, lui susurrer à l’oreille « Vous comprenez, le mal est circonscrit au 2e étage, maintenons la quarantaine et tout ira bien ». Mais tu as passé outre, mon chéri, et tu es venu frapper à ma porte, bravant les barrières invisibles sur mon palier. Et tu es revenu, ensuite. Plusieurs fois, sous les regards foudroyants et les murmures courroucés de nos chers « co-résidenciens » de plus en plus mal à l’aise devant notre relation. Je riais souvent intérieurement, imaginant M. Brusquet (directeur de l’Agence Régionale de l’Eau) et M. De Vigean (notaire de père en fils depuis 1925) soulevant le problème à la prochaine réunion de copropriété. « Vous comprenez, nous tolérons la présence de Mlle Lurier – pauvre femme, quel drame tout de même- mais si tout le monde se met à approcher le malheur d’aussi près que ce Simon Weibel, où va-t-on ? Bon, passons maintenant aux frais d’entretien du parc … »

Puis il y a eu hier. Un bouquet de roses à la main, tu as frappé à la porte. Je t’ai ouvert, comme toujours, le cœur battant, fébrile, impatiente. Tu t’es assis sur le canapé, tu avais l’air gêné, triste presque. Tu m’as dit que tu quittais la Résidence le mois prochain, que ta fiancée avait obtenu sa promotion au siège zurichois de son groupe, que c’était l’occasion de vivre ensemble, que vous aviez pris la décision de vous marier, que notre amitié te manquerait, mais enfin, il y avait le téléphone, et puis je viendrais vous voir bien sur, la Suisse est tellement jolie. Un sourire figé sur les lèvres, je me suis levée pour mettre les fleurs dans un vase. Je suis allée à la cuisine et j’en suis revenue avec ce couteau.

Je sursautai quand un oiseau passa à quelques centimètres de nos têtes. Perdue dans mes souvenirs, je n’avais pas réalisé à quel point le temps passait vite. Déjà 16h00 à la montre de Simon. J’avalais quelques comprimés de plus, lui proposai de l’eau, sans succès. Je comprends mon chéri, ma vie, mon Simon. J’arrive, je te rejoins dans ton silence, dans notre paix à nous. Tous les deux. Je t’aime chéri.
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Memess
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Mer Mai 07, 2008 7:58 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Bien, le style est agréable, la résidence réaliste mais je regrette l'absence d'explication pour la "première fois" et le petit manque de précision pour le trajet bordeaux -> le marais.
Où était Simon ?dans le coffre ?une petite précision n'aurait pas été malvenue.
Et aussi pourquoi ce marais ?

En résumé c'est une bonne nouvelle mais peut-être pas assez attachée au sujet. (Enfin moins que certaines autres nouvelles)
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Dodger
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Jeu Mai 08, 2008 8:47 am    Sujet du message: Répondre en citant

Bonne idée que de situer l'action passée dans cette résidence. C'est vrai que le cadre fourni par Marin n'est pas vraiment exploité, mais la nouvelle raconte davantage, et de belle manière, pourquoi on en est arrivé là.
Point totalement positif, le style est très agréable. Une bonne lecture, donc !
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MessagePosté le: Mar Juin 17, 2008 1:39 pm    Sujet du message: Répondre en citant

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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Mer Juin 18, 2008 11:33 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Nouvelle plutôt sympa, malgré une intrigue un peu (trop ?) simple.
C'est bien écrit.
La chute n'est pas mal non plus.
Je l'ai classé en 3e position.
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