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Les mensonges de Locke Lamora de Scott Lynch (Bragelonne)

 
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jarod
Serial Killer : Patrick Bateman


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MessagePosté le: Lun Avr 30, 2007 11:00 pm    Sujet du message: Les mensonges de Locke Lamora de Scott Lynch (Bragelonne) Répondre en citant

je voulais faire un break avec le roman policier alors j'ai commence un livre de fantasy. ceci est un coup de coeur, c'est un melange d'ocean eleven,oliver twist,arsene lupin version fantasy.
ca alterne le passe et le present de locke lamora qui est surnomme Ronce de camorr qui est une sorte de robin des bois volant au riche et donnant au pauvre mais en fait il garde le butin pour lui et sa bande de salauds gentilhommes.
c'est une serie qui comportera 7 tomes.
Scott lynch a 28 ans,c'est son premier roman qui a remporte un gros succes en angleterre, usa.
jerome
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Fredo
Michael Myers


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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Lun Avr 30, 2007 11:18 pm    Sujet du message: Répondre en citant



Les Salauds Gentilhommes, Tome 1 : Les Mensonges de Locke Lamora de Scott Lynch (Auteur), Karim Chergui (Traduction)

# Broché: 551 pages
# Editeur : Bragelonne (5 février 2007)
# Langue : Français
# ISBN-10: 2352940273
# ISBN-13: 978-2352940272

Présentation de l'éditeur
On l'appelle la Ronce de Camorr. Un bretteur invincible, un maître voleur. La moitié de la ville le prend pour le héros des miséreux. L'autre moitié pense qu'il n'est qu'un mythe. Les deux moitiés n'ont pas tort. En effet, de corpulence modeste et sachant à peine manier l'épée, Locke Lamora est, à son grand dam, la fameuse Ronce. Les rumeurs sur ses exploits sont en fait des escroqueries de la pire espèce, et lorsque Locke vole aux riches, les pauvres n'en voient pas le moindre sou. Il garde tous ses gains pour lui et sa bande : les Salauds Gentilshommes. Mais voilà qu'une mystérieuse menace plane sur l'ancienne cité de Camorr. Une guerre clandestine risque de ravager les bas-fonds. Pris dans un jeu meurtrier, Locke et ses amis verront leur ruse et leur loyauté mises à rude épreuve. Rester en vie serait déjà une victoire... Entre Oliver Twist, Il était une fois en Amérique et Arsène Lupin, les aventures d'un audacieux criminel et de sa bande de fripouilles !

Biographie de l'auteur
Scott Lynch est né aux Etats-Unis en 1978. Ce premier roman est un coup de maître : meilleur lancement d'un nouvel auteur de Fantasy en Grande-Bretagne depuis des décennies, unanimement salué par la presse comme une découverte exceptionnelle, traduit en 14 langues et en cours d'adaptation au cinéma à Hollywood par la Warner Bros !

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Dodger
Serial killer : Leland Beaumont


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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Mar Mai 01, 2007 8:55 pm    Sujet du message: Répondre en citant

De tout coeur avec toi sur ce coup, Jarod !
Le prologue à lui tout seul, qui fait environ 40 pages, est un pur régal. Après, les personnages, l'atmosphère à la fois glauque et baroque de la ville... Sacré bon bouquin !
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Fredo
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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Mar Mai 01, 2007 9:57 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Dodger a écrit:
De tout coeur avec toi sur ce coup, Jarod !
Le prologue à lui tout seul, qui fait environ 40 pages, est un pur régal. Après, les personnages, l'atmosphère à la fois glauque et baroque de la ville... Sacré bon bouquin !


Voici les huit premières parties du prologue :

Spoiler:
Prologue
Le garçon qui volait trop
1
C’est au plus fort de l’été long et humide de la soixante-dix-septième année de Sendovani, que le Faiseur de voleurs de Camorr rendit une visite soudaine et impromptue au Prêtre Aveugle du temple de Perelandro. Il souhaitait désespérément lui vendre le petit Lamora.
— J’en ai un pour toi, tu m’en diras des nouvelles ! entama le Faiseur de voleurs, dont la venue n’était généralement pas placée sous les meilleurs auspices.
— Des nouvelles comme j’en ai eu de Calo et Galdo, peut-être ? J’ai encore toutes les peines du monde à débarrasser ces deux débiles de toutes les mauvaises habitudes que tu leur as données pour les remplacer par celles dont j’ai besoin.
Le Faiseur de voleurs haussa les épaules.
— Écoute, Chains. Quand on a fait affaire, je t’ai dit que c’étaient des petits cons, et ça te convenait bien, sur le mo…
— Ou bien une autre affaire comme Sabetha ? (La voix de basse du prêtre fit taire le Faiseur de voleurs.) Je suis certain que tu te rappelles que tu ne m’as laissé que les doigts pour me gratter. J’aurais dû te payer en pièces de cuivre, pour te voir t’échiner à essayer de les emporter.
— Ahhhhhh, mais elle était spéciale ! Et ce garçon, ce garçon, il est spécial, lui aussi. C’est ça que tu m’as demandé de chercher après que je t’ai vendu Calo et Galdo. Tout ce que tu aimais tant chez Sabetha ! C’est un Camorrien, mais métis. Il a du sang thérin et vadran. Il a le larcin dans la peau, aussi sûr que les poissons pissent dans l’eau. Et je peux même te le laisser à… avec une ristourne.
Le Prêtre Aveugle passa un long moment à ruminer tout ça.
— Tu me pardonneras, dit-il enfin, mais cette prétendue « générosité » me donne envie de prendre les armes et couvrir mes arrières.
Le Faiseur de voleurs tenta d’afficher une expression vaguement sincère, qui se mua en rictus gêné. Il haussa les épaules, d’un mouvement exagérément décontracté.
— Ah, il y a des problèmes avec ce garçon, ça oui ! Mais, de ceux dont je m’occupe, il est le seul à avoir ce genre de problèmes. Si tu le prenais, je suis sûr qu’ils, ahhhh, s’évanouiraient.
— Oh oh ! C’est un garçon magique ? Pourquoi tu l’avais pas dit ? (Le prêtre se gratta le front sous le bandeau de soie blanche qui couvrait ses yeux.) Magnifique. Je vais le foutre en terre, il en poussera peut-être un haricot fabuleux qui m’emmènera dans un pays enchanté, au-dessus des nuages.
— Ahhhhh ! Ha ha ha ! Je connais ce genre de sarcasmes, Chains, dit le Faiseur de voleurs en lui adressant une courbette aussi ironique qu’arthritique. C’est vraiment si dur que ça de me dire que tu es intéressé ?
Le Prêtre Aveugle cracha.
— Bon, imaginons que Calo, Galdo et Sabetha aient besoin d’un nouveau camarade de jeux, ou du moins d’un souffre-douleur. Imaginons que j’aie envie de dépenser trois pièces de cuivre et un bol de pisse pour un gniard mystère dont personne ne veut – c’est quoi, son problème ?
— Son problème, c’est que si j’arrive pas à te le vendre, je vais devoir lui trancher la gorge et le foutre à la baille, répondit le Faiseur de voleurs. Et il faudra que je le fasse ce soir.
2
La nuit où le petit Lamora fut recueilli par le Faiseur de voleurs, le vieux cimetière de la Colline des Ombres était rempli d’enfants, silencieux et au garde-à-vous ; ils attendaient que l’on conduise leurs nouveaux frères et sœurs dans les mausolées.
Les protégés du Faiseur de voleurs portaient tous des torches ; la froide lueur bleue des flambeaux filtrait entre les rideaux d’argent que formait la brume sur le fleuve, tel le scintillement de réverbères à travers une fenêtre souillée de suie. Depuis le sommet de la Colline, un écheveau de lumières fantomatiques serpentait. Il progressa parmi les tombes et les chemins cérémoniels, jusqu’au large pont de verre qui enjambait le canal de Fumehouille, à moitié caché par le brouillard tiède qui montait des restes humides de Camorr les nuits d’été.
— Venez, à présent, mes amours, mes tout nouveaux, gardez l’allure, murmura le Faiseur de voleurs comme il poussait les derniers des trente orphelins de Prendfeu sur le pont de Fumehouille. Ces lueurs sont vos nouveaux amis, venus ici pour vous guider sur la Colline. Avancez, maintenant, mes trésors. Nous laissons s’échapper les ténèbres, et il y a tant de choses dont nous devons parler.
En de rares moments de réflexion oiseuse, le Faiseur de voleurs aimait à se voir comme un artiste. Un sculpteur, plus exactement. Les orphelins pour argile et les sépultures de la Colline des Ombres pour atelier.
Quatre-vingt-huit mille âmes produisaient en permanence un certain volume d’ordures ; dont un filet continu d’enfants perdus, inutiles et abandonnés. Les marchands d’esclaves en attrapaient quelques-uns, c’est sûr – ils les emportaient jusqu’à Tal Verrar ou sur les îles Jérémites, toujours en douce. En principe, l’esclavage était illégal à Camorr, mais l’asservissement lui-même ne suscitait rien de plus qu’un haussement de sourcils, comme s’il ne se trouvait personne pour parler au nom des victimes.
Ainsi, les marchands d’esclaves en attrapaient quelques-uns, et la stupidité la plus pure en emportait encore davantage.
Parmi ceux qui n’avaient pas le courage ou les compétences pour plumer la ville dans laquelle ils habitaient, la famine et les maladies étaient également des façons répandues de tirer le rideau. Et, bien entendu, les courageux sans talent finissaient souvent devant le Palais de la Patience, pendus au Pont Noir. Les magistrats du duc se débarrassaient des petits voleurs avec la même corde que celle dont ils se servaient pour les plus grands, mais ils s’assuraient que les petits passent de l’autre côté de la rambarde les chevilles solidement lestées – pour les aider à pendre comme il faut.
Infailliblement, après avoir jonglé avec toutes ces joyeuses possibilités, les orphelins restants étaient ramassés par l’équipe personnelle du Faiseur de voleurs, un à un ou en petits groupes, pour entendre son discours apaisant et manger un repas chaud. Ils apprenaient bien vite quelle vie les attendait sous le cimetière – le cœur de son royaume –, là où cent quarante enfants abandonnés courbaient l’échine sous l’autorité d’un vieillard voûté.
— Au trot, mes adorables nouveaux enfants ; suivez la file lumineuse et marchez jusqu’au sommet. Nous sommes bientôt arrivés, loin de la pluie, de la brume et de cette chaleur puante.
Pour le Faiseur de voleurs, les épidémies étaient une occasion en or, et c’était sa préférée que les orphelins du quartier de Prendfeu fuyaient péniblement : le Souffle Noir. Il s’était abattu sur eux sans que l’on sache d’où, et la quarantaine avait été instaurée (quiconque tentait de franchir un canal ou de fuir en bateau était condamné à être criblé de flèches), à temps pour sauver le reste de la ville de tout sauf du malaise et de la paranoïa. Si on avait plus de onze ou douze ans, le Souffle Noir annonçait une mort épouvantable (pour autant que les medekiners avaient pu en juger, car cette épidémie ne suivait pas de règles précises). Plus jeune, on s’en tirait avec quelques jours d’yeux enflés et de joues rougies.
Après cinq jours de quarantaine, les cris s’éteignirent et plus personne ne tenta de franchir les canaux. Ainsi, Prendfeu échappa au sort si courant en temps de pestilence qu’il lui avait donné son nom. Le onzième jour, quand la quarantaine fut levée et que les Goules du duc vinrent constater l’étendue des dégâts, peut-être un huitième des quatre cents enfants avaient survécu. À des fins de protection mutuelle, ils avaient déjà formé des bandes et appris certaines des nécessités cruelles qu’impose la vie sans adultes.
Le Faiseur de voleurs attendait pendant qu’ils étaient regroupés et emmenés loin du silence sinistre de leur ancien quartier.
Il paya une bonne somme en pièces d’argent pour les trente meilleurs, et plus encore pour acheter la discrétion des Goules et des agents de police qu’il soulageait de ces enfants. Puis, il les conduisit dans les brumes de la nuit camorrienne – sonnés, puants, les joues creuses –, vers le vieux cimetière de la Colline des Ombres.
Le petit Lamora était le plus jeune et le plus petit de tous. Il avait cinq ou six ans. Ses os saillaient sous une peau crasseuse. Le Faiseur de voleurs ne l’avait pas choisi ; Lamora s’était simplement faufilé avec les autres, comme si ç’avait été sa place. Le Faiseur de voleurs l’avait bien vu, mais la vie lui avait appris que même un seul orphelin libre était une aubaine à ne pas laisser passer.
Cela se passait l’été de la soixante-dix-septième année de Gandolo, père des Chances, seigneur de la Monnaie et du Commerce. Dans la nuit voilée, le Faiseur de voleurs faisait avancer son troupeau d’enfants en guenilles.
À peine deux ans plus tard, il supplierait le père Chains, le Prêtre Aveugle, de le débarrasser du petit Lamora et aiguiserait ses lames, au cas où il refuserait.
3
Le Prêtre Aveugle gratta les poils gris de sa gorge.
— Sans déconner ?
— Sans déconner. (Le Faiseur de voleurs mit la main à la poche d’un pourpoint miteux depuis des années, et en sortit une bourse de cuir pendue à un mince cordon ; la bourse avait la couleur rouille du sang séché.) J’ai déjà été voir le ponte et j’ai sa permission. Le gosse, je lui fais un second sourire et je lui apprends à nager.
— Par tous les dieux ! J’en pleurerais presque. (Pour un Prêtre Aveugle, les doigts qu’il ficha dans le sternum du Faiseur de voleurs surent vite trouver leur cible.) Trouve-toi un autre benêt pour tirer le boulet de ta conscience, enfoiré de poltron.
— Ma conscience, je m’en bats l’œil, Chains. Je cause avarice, la tienne et la mienne. Je ne peux pas garder le mioche et je t’offre une chance unique, une véritable aubaine.
— Si ce garçon est si agité, pourquoi est-ce que tu ne lui mets pas un peu de plomb dans la cervelle et le laisses assez grandir pour le vendre ?
— Pas question, Chains. Mes options sont limitées. Je peux tout simplement pas le baffer, parce que je veux pas que les autres morveux apprennent le tour, ahhh, qu’il a joué… Par tous les dieux ! Je ne pourrais plus jamais les contrôler. Je peux soit le tuer vite, soit le vendre encore plus vite. Y a pas de petits profits. Je préfère quoi, à ton avis ?
— Ce garçon a fait quelque chose dont tu ne peux même pas parler devant les autres ? (Chains se massa le front et soupira.) Putain. On dirait bien que c’est quelque chose que j’ai envie d’entendre, finalement.
4
Selon un vieux proverbe camorrien, la seule constante de l’âme humaine, c’est son inconstance ; tout peut passer de mode, même une chose aussi pratique qu’une Colline truffée de cadavres.
La Colline des Ombres était le premier cimetière de qualité de l’histoire de Camorr, idéalement situé pour conserver les restes de ceux qui avaient eu le ventre plein, loin de l’emprise salée de la mer de Fer. Pourtant, au fil du temps, les rapports de force s’étaient modifiés au sein des familles des sculpteurs de caveaux, de croque-morts et de porteurs de cercueils professionnels. À mesure que, à proximité, la Colline aux Murmures offrait plus de place pour de plus grands et plus voyants monuments (ainsi que des honoraires considérablement plus élevés), on enterrait de moins en moins de gens de bien sur la Colline des Ombres. À la fin, les seuls visiteurs réguliers furent les prêtres et les prêtresses d’Aza Guilla, qui dorment dans des tombes lorsqu’ils sont apprentis, et les orphelins sans toit qui se tapissaient dans la poussière et les ténèbres des caveaux mal entretenus.
À l’époque où il avait touché le fond, le Faiseur de voleurs (même s’il n’était, bien entendu, pas encore connu sous ce nom) avait dû partager un de ces caveaux. Il n’était alors qu’une misérable rareté : un pickpocket avec neuf doigts cassés.
Au début, ses relations avec les orphelins de la Colline des Ombres se partageaient entre persécutions et supplications ; qu’ils aient encore un peu besoin d’une figure d’autorité les empêcha de le tuer dans son sommeil. Pour sa part, il commença, à regret, à leur expliquer quelques-unes des combines qui faisaient son métier.
Alors que ses doigts se remettaient lentement en place (si l’on peut dire, car une bonne moitié d’entre eux garderait toujours l’aspect de brindilles malmenées), il se mit à partager davantage de sa sagesse véreuse avec les enfants sales qui se protégeaient de la pluie et des gardes de la ville, à ses côtés. Leur nombre augmenta, ainsi que leurs revenus, et ils commencèrent à occuper plus de place dans les salles de pierre humides du vieux cimetière.
Avec le temps, le pickpocket aux os fragiles se fit Faiseur de voleurs – et la Colline des Ombres devint son royaume.
Le petit Lamora et ses compagnons orphelins de Prendfeu pénétrèrent dans ce royaume quelque vingt années après sa fondation. D’abord, ils ne virent ce soir-là qu’un cimetière aux vieilles tombes très peu profondes. Un vaste réseau de tunnels et de galeries avait été creusé pour relier les caveaux principaux ; des étais en soutenaient les parois bien tassées, semblables aux côtes de dragons morts depuis longtemps. Les précédents occupants avaient tous été tranquillement exhumés et balancés dans la baie. La Colline des Ombres fourmillait alors de voleurs orphelins.
Les orphelins de Prendfeu s’enfoncèrent dans la gueule noire du mausolée le plus élevé, par le tunnel corseté de bois qu’illuminaient les feux, vacillants et argentés, de globes alchimiques ; des vrilles de brume s’enroulaient autour de leurs chevilles. Tapis dans chaque recoin et dans chaque terrier, les enfants de la Colline des Ombres les observaient, d’un regard froid mais intéressé. De fétides odeurs corporelles et d’humus saturaient l’atmosphère épaisse du tunnel.
— Entrez ! Entrez ! cria le Faiseur de voleurs en se frottant les mains. Ma demeure, votre demeure ! Soyez-y les bienvenus ! Ici, nous avons tous quelque chose en commun – pas de mère, pas de père. C’est regrettable, mais maintenant, vous aurez autant de frères et de sœurs que vous en voudrez, et de la terre sèche au-dessus de vos têtes ! Un endroit… une famille.
Une procession d’orphelins de la Colline des Ombres s’engouffra dans le tunnel à sa suite, tout en éteignant les étranges torches bleues ; seul l’éclat argenté des globes muraux éclairait désormais leur chemin. Au cœur du domaine du Faiseur de voleurs s’ouvrait une cavité vaste et confortable de vingt-cinq mètres de large et autant de long, au sol de terre battue, et dont la hauteur atteignait peut-être deux fois la taille d’un homme. Un siège à haut dossier en bois-sorcier verni était placé contre le mur du fond ; le Faiseur de voleurs s’y installa en poussant un soupir de soulagement.
Des dizaines de couvertures pelées étaient éparpillées sur le sol, couvertes de nourriture – des bols de viande de poulets maigrichons marinée dans du vin d’amande bon marché, de douces queues de requin batteur enroulées dans du bacon et trempées dans le vinaigre, et du pain bis aromatisé à la graisse de saucisse. Il y avait aussi des pois salés, des lentilles et des bols de tomates et de poires blettes. Ce n’était pas grand-chose, mais la plupart des orphelins de Prendfeu n’avaient jamais vu une telle quantité ni une telle variété de vivres. Ils se jetèrent immédiatement et dans le plus grand désordre sur ce festin ; le Faiseur de voleurs sourit avec indulgence.
— Je ne suis pas assez stupide pour me mettre entre vous et un bon repas, mes chéris. Alors servez-vous ; abusez, même. Rattrapez le temps perdu. On parlera après.
Pendant que les orphelins de Prendfeu s’en mettaient plein la lampe, ceux de la Colline des Ombres se massèrent autour d’eux et les observèrent sans dire un mot. L’endroit fut vite rempli et l’air se fit encore plus fétide. La ripaille se poursuivit, jusqu’à ce qu’il ne reste presque plus rien. Les rescapés du Souffle Noir léchèrent ce qu’il restait de vinaigre et de graisse sur leurs doigts, avant de porter un regard méfiant sur le Faiseur de voleurs et ses sous-fifres. Comme en réponse, le Faiseur leva trois doigts crochus.
— Trois choses ! cria-t-il. J’ai trois choses importantes à vous dire.
» Primo, poursuivit-il, vous êtes ici parce que j’ai payé pour vous avoir. J’ai même payé plus pour le faire avant quiconque. Je peux vous assurer que tous vos petits amis pour qui je n’ai pas payé ont fini chez les marchands d’esclaves. Y a pas d’endroit où vous garder, personne pour vous recueillir. Les gardes vendent les gamins comme vous pour s’acheter du vin, mes chéris ; les sergents omettent de vous mentionner dans les rapports, et les capitaines omettent d’en avoir quelque chose à foutre.
» Et maintenant que la quarantaine de Prendfeu est levée, tous les marchands d’esclaves et ceux qui veulent le devenir vont être très agités et très attentifs. Vous êtes libres de vous lever et de quitter cette Colline quand vous voulez – mais si vous le faites, je suis sûr que vous ne tarderez pas à sucer des queues ou que vous finirez enchaînés à une rame pour le restant de vos jours.
» Cela m’amène à la deuxième chose importante. Tous mes amis, que vous voyez, là, autour de vous (il fit un geste en direction des orphelins de la Colline des Ombres alignés contre les murs), sont libres de partir quand ils le désirent, et la plupart vont là où ça leur chante, parce qu’ils sont sous ma protection. Je sais (il prit une expression solennelle et dépitée), je n’ai pas l’air bien impressionnant ; ne vous méprenez pas. Mes amis sont puissants, mes chéris. Ce que je vous offre, c’est la sécurité grâce à eux. Si quelqu’un, un marchand d’esclaves, par exemple, osait poser la main sur l’un de mes petits, eh bien, les conséquences seraient immédiates et agréablement, ahhh, impitoyables.
Comme aucun des nouveaux venus n’avait l’air d’avoir bien compris, le Faiseur de voleurs se racla la gorge.
— Ça veut dire que je ferai tuer n’importe quel connard qui s’approche trop de vous. C’est pigé ?
Oui, ils avaient pigé.
— Ce qui nous amène tranquillement à la troisième chose importante, à savoir : vous tous. Cette petite famille a toujours besoin de nouveaux frères et sœurs, et vous pouvez vous considérer comme invités – encouragés, même –, à, ahhh, condescendre à nous offrir le plaisir d’une relation sincère et durable. Faites de cette Colline votre foyer, de moi votre maître, et de ces gentils petits enfants des frères et sœurs sur lesquels vous pouvez compter. Vous serez nourris, logés et protégés. Ou bien vous pouvez partir dès maintenant et finir chair fraîche dans un bordel de Jerem. Ça tente quelqu’un ?
Aucun des nouveaux venus n’ouvrit la bouche.
» Je savais que je pouvais compter sur vous, mes bijoux. (Le Faiseur de voleurs ouvrit grands les bras et sourit, révélant ainsi une demi-lune de dents aussi noires que les eaux d’un marais.) Mais, bien sûr, il doit y avoir des responsabilités. C’est donnant donnant, un sou c’est un sou. La bouffe ne pousse pas dans le trou de mon cul. Les pots de chambre ne se vident pas tout seuls. ’Voyez ce que je veux dire ?
Environ la moitié des orphelins de Prendfeu eut un hochement de tête hésitant.
— Les règles sont simples ! Vous les apprendrez toutes en temps voulu. Pour l’instant, on va faire comme ça. Qui mange, travaille. Qui travaille, mange. Ce qui m’amène à la quatrième chose, le boulot – oh là là ! Mes enfants, mes enfants, accordez à un vieillard distrait la faveur de faire comme s’il avait levé quatre doigts. Voici la quatrième chose importante.
» Bon, il y a bien sûr beaucoup à faire sur la Colline, mais il y a des choses à faire ailleurs. D’autres boulots… des boulots délicats, des boulots inhabituels. Des boulots amusants et passionnants. Tous en ville, certains le jour, d’autres la nuit. Il y faut du courage, de l’habileté et, ahhh, de la discrétion. On aimerait tellement bénéficier de votre aide pour ces… à-côtés. Ces tâches délicates.
Il pointa le doigt sur le garçon qu’il n’avait pas payé, la petite incruste, qui lui lançait à présent un regard dur et morne, la bouche encore pleine de pulpe de tomate.
— Toi, le mioche en plus, trente et unième sur trente. Qu’en dis-tu ? Tu es du genre serviable ? Acceptes-tu d’aider tes nouveaux frères et sœurs dans toutes ces activités captivantes ?
Le petit réfléchit quelques instants.
— Vous voulez dire que vous voulez qu’on vole des choses, dit-il d’une voix haut perchée.
Le vieil homme toisa longuement le petit garçon ; quelques orphelins de la Colline des Ombres pouffèrent.
— Oui, dit-il enfin en hochant lentement la tête. Ce pourrait bien être tout à fait ça, même si tu vois d’un œil plutôt peu complaisant le genre d’initiatives personnelles que nous préférons désigner en des termes plus artistiquement vagues. Mais ça m’étonnerait que tu aies compris quoi que ce soit à ce que je viens de dire. Comment t’appelles-tu, mon garçon ?
— Lamora.
— Tes parents devaient être de sacrés grigous pour ne te laisser qu’un nom de famille. Quel est l’autre nom qu’ils te donnaient ?
Le garçon eut l’air de profondément réfléchir.
— Je m’appelle Locke, dit-il enfin. Comme mon père.
— Très bien. Ça roule sur la langue, ah ça oui ! Eh bien, Locke-comme-ton-père-Lamora, approche et viens causer avec moi. Les autres, barrez-vous. Vos frères et sœurs vont vous montrer où vous dormirez ce soir. Ils vous montreront également quoi jeter et quoi ranger – des corvées, si vous voyez le genre. Juste nettoyer cette salle, pour l’instant ; mais il y aura d’autres travaux pour vous dans les jours à venir. Je vous promets que tout sera limpide, une fois que vous saurez comment on m’appelle dans le monde qui se trouve au-delà de notre petite Colline.
Locke se dirigea vers le trône du Faiseur de voleurs ; la foule des nouveaux arrivants se leva et piétina jusqu’à ce que des orphelins de la Colline des Ombres, plus grands et plus âgés, les chopent par le col et leur donnent des instructions simples. Bien vite, Locke et le maître de la Colline des Ombres se retrouvèrent aussi seuls qu’ils pouvaient l’espérer.
— Mon garçon, dit le Faiseur de voleurs, j’ai l’habitude de débarrasser mes nouveaux enfants d’une certaine réticence, lorsqu’ils visitent la Colline des Ombres pour la première fois. Tu sais ce que c’est, la réticence ?
Lamora secoua la tête. Ses mèches noircies par la crasse étaient plaquées sur son petit visage rond ; les traces de tomate autour de sa bouche avaient séché et étaient encore plus écœurantes. Le Faiseur de voleurs les tamponna délicatement de la manche de son manteau bleu et usé ; le garçon ne broncha pas.
— Ça signifie qu’on leur a dit que voler n’est pas bien et que je dois travailler là-dessus jusqu’à ce qu’ils se fassent à l’idée, tu piges ? Eh bien, tu n’as pas l’air de souffrir d’une telle réticence, alors on va peut-être pouvoir s’entendre. T’as déjà volé, non ?
Lamora opina.
— Avant l’épidémie, même ?
Derechef.
— Bien ce que je pensais. Mon cher, cher, enfant… Tes parents n’ont pas été, ahhh, emportés par l’épidémie, si ?
Le garçon regarda ses pieds et n’eut qu’un petit mouvement de tête.
— Donc, tu t’es déjà, ahhh, débrouillé tout seul, pendant un temps. Il n’y a pas de quoi avoir honte. Ici, ça pourrait même peut-être te valoir du respect, si seulement je pouvais trouver le moyen de te mettre à l’épreuve…
Pour toute réponse, le petit Lamora passa la main sous ses guenilles et en sortit quelque chose, qu’il tendit au Faiseur de voleurs. Deux petites bourses de cuir tombèrent dans la paume ouverte du vieillard – c’étaient de pauvres bourses, rigides et tachées, aux cordons effilochés.
— Où donc as-tu trouvé ça ?
— Sur les gardes, murmura Locke. Des gardes nous ont ramassés et nous ont portés.
Le Faiseur de voleurs sursauta, comme si une vipère avait planté ses crocs dans sa main, et il posa un regard incrédule sur les deux bourses.
— Tu as chapardé ça aux cognes ? Aux Vestes Jaunes ?
Locke hocha la tête, plus enthousiaste.
— Ils nous ont ramassés et ils nous ont portés.
— Par les dieux ! murmura le Faiseur de voleurs. Oh, par les dieux ! Il est bien possible que tu nous aies tous mis dans une sacrée merde, Locke-comme-ton-père-Lamora. Une foutue sacrée merde.

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Dernière édition par Fredo le Jeu Jan 31, 2008 1:02 pm; édité 1 fois
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Fredo
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MessagePosté le: Mar Mai 01, 2007 9:58 pm    Sujet du message: Répondre en citant

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5
— Il a violé la Paix Secrète dès le premier soir, ce petit con.
Le Faiseur de voleurs était à présent installé plus confortablement, dans le jardin sur le toit du temple du Prêtre Aveugle, une chope de vin résiné à la main. C’était la pire des piquettes, mais cela laissait penser que d’authentiques négociations auraient peut-être lieu.
— C’était jamais arrivé avant, et c’est jamais arrivé depuis.
— Quelqu’un lui a appris comment soulager un manteau, mais n’a pas pris la peine de lui expliquer que les Vestes Jaunes ne doivent jamais faire partie des victimes. (Le père Chains fit la moue.) C’est très curieux, ça. Notre cher capa Barsavi adorerait rencontrer un tel individu.
— Je n’ai jamais pu en savoir plus. Le petit m’a raconté qu’il avait appris tout seul, mais il bobarde. Quand on a cinq ans, on joue avec des poissons morts et du crottin, Chains. On n’invente pas les plus subtiles façons de faire les poches et de couper les bourses.
— Qu’est-ce que tu as fait, pour les bourses des gardes ?
— J’ai filé au commissariat de Prendfeu et j’ai léché des culs et des pompes à m’en faire tomber la langue. J’ai expliqué au capitaine qu’un des petits nouveaux n’avait pas compris comment fonctionnent les choses à Camorr, que je rendais les bourses avec un bonus, et j’ai supplié qu’ils me pardonnent avec la plus grande magnanimité – le bla-bla habituel.
— Et ils ont accepté ?
— L’argent, ça rend joyeux, Chains. J’ai truffé les bourses de pièces d’argent. Après, j’ai donné à tous les hommes de l’escouade assez de blé pour picoler cinq ou six soirs, et on a tous convenu qu’ils boiraient quelques coups à la santé du capa Barsavi, lequel n’avait sûrement pas, ahhh, besoin d’être mis au jus de choses aussi inconséquentes que les bourdes de son loyal Faiseur de voleurs quand il laisse un mioche de cinq ans violer cette foutue Paix Secrète.
— Donc, dit le Prêtre Aveugle, ça s’est passé le tout premier soir de ta collaboration avec mon gosse-mystère-pas-cher-tombé du ciel.
— Ça me fait plaisir que tu commences à envisager ce petit chiard de façon plus possessive, Chains, parce que ça commence à devenir assez folklorique. Je ne sais pas trop comment le tourner. J’ai des gosses qui aiment voler. J’en ai d’autres que ça n’intéresse pas, et d’autres encore qui le tolèrent juste parce qu’ils savent ne rien pouvoir faire d’autre. Mais personne, et je dis bien personne, n’en a autant envie que lui. S’il se faisait ouvrir la gorge et qu’un medekiner essaie de le recoudre, Lamora lui volerait aiguille et fil. Et ça ne le dérangerait pas d’en crever. Il… vole trop.
— Il vole trop, médita le Prêtre Aveugle. Il vole trop. De tous les griefs, je ne pensais pas entendre celui-ci de la bouche d’un homme qui gagne sa vie à former de petites fripouilles.
— Ris tant que tu le peux, dit le Faiseur de voleurs. T’as pas tout entendu.
6
Les mois passèrent. Parthis, Festal, Aurim et les orages de l’été firent place aux pluies battantes et éprouvantes de l’hiver ; la soixante-dix-septième année de Gandolo se fit soixante-dix-septième année de Morgante, père de la Ville, seigneur des Nœuds Coulants et des Truelles.
Huit des trente et un orphelins de Prendfeu, moins doués pour les tâches délicates et captivantes du Faiseur de voleurs, furent pendus au Pont Noir, devant le Palais de la Patience. Et la vie continua ; les rescapés étaient trop pris par leurs propres tâches, délicates et captivantes, pour s’en préoccuper.
La société de la Colline des Ombres, comme Locke le découvrit bien vite, était rigidement divisée en deux tribus : la Rue et les Fenêtres. Cette dernière consistait en un petit groupe plus fermé, qui gagnait sa vie après le coucher du soleil. Ses membres rampaient sur les toits et passaient par les cheminées, crochetaient les serrures et se faufilaient entre les barreaux des fenêtres ; ils volaient tout, des pièces de monnaie aux bijoux, en passant par les blocs de saindoux qu’ils subtilisaient dans les garde-manger trop mal surveillés.
Les garçons et les filles de la Rue, de leur côté, écumaient les allées, les pavés et les ponts qui enjambent les canaux de Camorr, de jour, en équipe. Les plus âgés et les plus expérimentés, les Pognes, s’occupaient des poches, des bourses et des étals, tandis que les plus jeunes et les moins compétents, les Mariolles, géraient les diversions – ils pleuraient après une mère imaginaire, feignaient un malaise ou couraient comme des fous dans toutes les directions en hurlant : « Arrêtez-le ! Au voleur ! », pendant que les Pognes se tiraient avec leur butin.
De retour au cimetière, chaque orphelin se faisait dépouiller par un gamin plus grand ou plus vieux ; tout ce qui avait été volé ou engrangé passait par une hiérarchie de cogneurs et de petites frappes, jusqu’au Faiseur de voleurs, qui cochait des noms sur une liste mentale étrangement précise, tout en faisant le compte des rentrées de la journée. Ceux qui rapportaient avaient le droit de manger ; ceux qui ne rapportaient pas devaient s’entraîner deux fois plus le même soir.
Soirée après soirée, le Faiseur de voleurs s’exhibait dans les terriers de la Colline des Ombres, chargé de bourses, de mouchoirs en soie, de colliers, de boutons de manchette et de plein d’autres articles de valeur. Ses protégés lui tendaient des embuscades ou faisaient semblant de le bousculer ; ceux qu’il prenait la main dans le sac ou dont il avait repéré la comédie étaient immédiatement punis. Le Faiseur de voleurs avait choisi de ne pas battre ceux qui perdaient à ce jeu ; il les forçait plutôt à boire une bouteille d’huile de gingembre pure, en présence de leurs pairs, hilares. L’huile de gingembre camorrienne est une substance pénible, dont l’ingestion (comme le Faiseur de voleurs lui-même le confirmait) n’était pas sans rappeler celle des cendres fumantes d’un chêne-poison.
Un enfant la versait dans le nez de ceux qui ne voulaient pas ouvrir la bouche, pendant que les autres gamins les maintenaient la tête en bas. Cela n’arrivait jamais deux fois au même.
À force, même ceux dont l’huile de gingembre avait brûlé la langue et enflé la gorge finirent par apprendre les rudiments de la fauche et de « l’emprunt » contracté auprès de marchands imprudents. Plein d’enthousiasme, le Faiseur de voleurs leur apprit les secrets des pourpoints, des gilets, des redingotes et des bourses de ceinture, sans oublier de leur détailler les dernières modes, à mesure que celles-ci débarquaient sur les docks ; ses protégés apprirent ce qu’on pouvait couper, ce qu’on pouvait déchirer et ce qu’on devait adroitement dénicher du bout des doigts.
— Le but, mes chéris, ce n’est pas de s’accrocher à la jambe du sujet comme un chien ou de lui prendre la main comme un gamin perdu. Une demi-seconde de contact avec le sujet, c’est souvent trop long, bien trop long. (Le Faiseur de voleurs fit mine de se passer une corde autour du cou et laissa sa langue dépasser de sa bouche.) Vous vivrez, ou mourrez, par ces trois lois sacrées : primo, assurez-vous toujours de bien déconcentrer le sujet, avec l’aide de vos Mariolles, ou avec celle d’une entourloupe sans rapport – comme une bagarre ou une maison en feu. Les incendies servent nos desseins à merveille ; chérissez-les. Deuzio, minimisez, et je le dirai pas une seconde putain de fois, minimisez le contact avec le sujet, même si vous l’avez roulé dans la farine. (Il se libéra de sa corde imaginaire et sourit d’un air entendu.) Et tertio, une fois que vous avez fait votre affaire, barrez-vous, même si le sujet est con comme un manche. Qu’est-ce que je vous ai dit ?
— Choure une fois et sauve-toi, entonnèrent ses étudiants. Choure deux fois, fini pour toi !
Les nouveaux orphelins arrivaient par petits groupes ; les plus vieux donnaient l’impression de quitter la Colline toutes les deux ou trois semaines, sans trop de salamalecs. Locke supposait que ça prouvait que la discipline ne se limitait pas à l’huile de gingembre ; mais il ne posa aucune question, car il se trouvait trop bas dans la hiérarchie de la Colline pour s’y risquer ou prêter foi aux réponses qu’on lui donnerait.
Concernant sa formation, Locke rejoignit la Rue le lendemain de son arrivée et fut immédiatement incorporé aux Mariolles – il soupçonna une punition. Au terme de son deuxième mois, ses talents lui avaient valu une offre des Pognes. C’était considéré comme une promotion, mais Lamora était le seul dans toute la Colline à préférer travailler chez les Mariolles même bien après qu’on lui eut donné le droit de changer de poste.
Il était maussade et solitaire dans la Colline, mais il avait un don pour jouer le Mariolle qui l’éveillait à la vie. Son usage de la pulpe d’orange pour simuler les crises de foie se perfectionna ; là où d’autres Mariolles se contentaient de se tenir l’estomac en gémissant, Locke épiçait ses représentations en crachant une bouillie chaude et orange aux pieds de son public – et, s’il était vraiment d’humeur perverse, sur l’ourlet des jupons ou les jambières.
Parmi ses autres blagues préférées : une brindille longue et sèche attachée à sa cheville, dissimulée dans une des jambes de son haut-de-chausses. En tombant rapidement sur les genoux, il pouvait faire craquer cette brindille de façon fort audible ; cela, suivi d’un cri perçant, attirait irrémédiablement l’attention et la pitié, surtout lorsqu’il se trouvait à proximité immédiate d’un chariot. Lorsqu’il avait occupé la foule suffisamment longtemps, l’arrivée d’autres Mariolles – qui racontaient à voix forte qu’ils l’emmenaient chez maman pour voir un medekiner – lui permettait de se tirer d’affaire. Dès qu’il passait le coin de la rue, il récupérait miraculeusement la faculté de marcher.
En fait, il s’était constitué un répertoire de subtiles diversions si rapidement que le Faiseur de voleurs eut des raisons de le convoquer une seconde fois pour discuter avec lui (après que Locke se fut arrangé pour faire tomber de façon inconvenante la jupe et le corsage d’une jeune dame en public, de quelques gestes adroits de son canif).
— Écoute-moi bien, Locke-comme-ton-père-Lamora, dit le Faiseur de voleurs. Y aura pas d’huile de gingembre, cette fois, je te l’assure, mais je préférerais grandement que tes diversions virent brusquement de bord et qu’elles passent de l’amusement au sens pratique.
Locke se contenta de lever les yeux sur lui en traînant les pieds.
— Je n’irai donc pas par quatre chemins. Les autres Mariolles sortent tous les jours pour t’observer toi, pas pour faire leur fichu boulot. Je ne suis pas là pour entretenir une troupe de théâtre. Fais en sorte que mes joyeux branleurs retournent à leurs affaires et arrête de jouer les cabotins.
Après cette entrevue, tout se passa de façon sereine pendant un temps.
Puis, à peine six mois après être arrivé à la Colline, Locke fit accidentellement brûler la taverne Les Verres d’Antan et provoqua un mouvement de panique à l’idée d’une épidémie qui faillit rayer les Goulets de la carte de Camorr.
Les Goulets formaient un dédale de taudis et de taupinières, au nord du pire quartier de la ville ; ressemblant à un grand amphithéâtre en forme de haricot, le cœur de l’île se trouvait dans une dépression de douze mètres. De guingois, des rangées de vieux immeubles et d’échoppes aveugles débordaient des gradins de ce grand bassin grouillant. Un à un, les murs s’effondraient, et les ruelles brumeuses s’enfilaient l’une après l’autre ; de ce fait, on ne pouvait traverser les Goulets à plus de deux de front.
La taverne Les Verres d’Antan était tapie sur les pavés de la route de l’ouest, qui menait, par un pont de pierre, des Goulets aux vertes profondeurs de la Mara Camorrazza. Il s’agissait d’un monstre délabré de trois étages, au bois déformé par les intempéries, dont les escaliers branlants (à l’intérieur comme à l’extérieur) estropiaient au moins un client par semaine – en fait, on y pariait avec entrain sur le nom du prochain habitué qui s’y fracasserait le crâne. Ce lieu était hanté par les fumeurs de pipe et les accros à la Mire, ceux qui versaient devant tout le monde les précieuses gouttes de leur drogue dans leurs yeux et qui tombaient, tétanisés par les visions qu’elles leur inspiraient, pendant que des inconnus les détroussaient ou se servaient d’eux comme de tables.
La soixante-dix-septième année de Morgante venait de voir le jour, lorsque Locke Lamora fit irruption dans la salle commune des Verres d’Antan. Il reniflait et pleurait à chaudes larmes – arborant les joues rouges, les lèvres en sang et les yeux bleuis du Souffle Noir.
— Je vous en prie, monsieur, murmura-t-il à un videur horrifié, tandis que ceux qui jouaient aux dés, les serveurs, les putains et les voleurs s’arrêtaient pour le regarder avec des yeux ronds. S’il vous plaît. Mère et père sont malades ; je ne sais pas ce qu’ils ont. Je suis le seul à pouvoir encore bouger – il faut que vous… snif… Aidez-moi ! Je vous en prie, monsieur…
C’est du moins ce qu’on aurait entendu si les hurlements du videur – « Le Souffle ! Le Souffle Noir ! » – n’avaient provoqué un exode précipité hors de la taverne. Aucun garçon de la taille de Locke n’aurait pu survivre aux bousculades frénétiques qui s’ensuivirent, mais les stigmates de la maladie étaient le meilleur des boucliers. Les dés roulèrent sur les tables et les cartes tombèrent comme des feuilles mortes ; en se renversant, les chopes de fer-blanc et les verres de bière répandirent leur alcool bon marché. Une vague indisciplinée de détritus humains jaillissait de toutes les portes (à l’exception de celle où se tenait Locke – où il suppliait, apparemment en vain, en butte aux cris et aux dos tournés), les tables furent renversées, on sortit les couteaux et les bâtons pour exhorter son voisin à la fuite, et les Mirés se firent piétiner.
Lorsque la taverne ne fut plus occupée que par quelques Mirés gémissants ou inertes, les compagnons de Locke se faufilèrent derrière lui : dix Pognes et Mariolles, membres de la Rue, invités là exprès par Lamora pour cette expédition. Ils se répandirent parmi les tables renversées et derrière le bar à présent détruit, et s’affairèrent à récolter tout ce qui avait de la valeur. Ici une poignée de pièces oubliées, là un joli couteau, ou un jeu de dés en os de baleine aux points de grenat. Dans le garde-manger, des paniers de pain, rassis mais comestible, et du beurre salé enveloppé de papier huilé, ainsi qu’une dizaine de bouteilles de vin. Locke ne leur donna que quelques secondes, qu’il égrena dans sa tête tout en se débarrassant de son maquillage ; arrivé à trente, il fit signe à ses associés de disparaître dans la nuit.
Les tambours d’émeute battaient déjà l’appel à la garde et, plus fort, les premières notes des cornemuses se faisaient entendre – les sons à glacer le sang qui alerteraient les Goules du duc : la Garde Quarantaine.
Ceux qui avaient participé à l’escapade de Locke se frayèrent un chemin dans la foule grandissante des habitants des Goulets paniqués, avant de se disperser vers la Mara Camorrazza ou le quartier de Fumehouille.
Ils s’en retournèrent avec le plus gros butin – biens et nourriture – de mémoire d’orphelin, et plus de demi-barons de cuivre que ne l’avait espéré Locke (il ignorait que les hommes qui jouaient aux dés laissaient leur argent en évidence car, sur la Colline des Ombres, de tels jeux étaient exclusivement réservés aux orphelins les plus vieux et les plus populaires, et il n’était ni l’un ni l’autre).
Pendant quelques heures, tout cela laissa le Faiseur de voleurs perplexe.
Cette nuit-là, des ivrognes paniqués mirent le feu à la taverne Les Verres d’Antan et, lorsqu’elles virent que la garde de la ville était incapable de localiser le garçon qui avait tout déclenché, des centaines de personnes tentèrent de fuir les Goulets. Les tambours d’émeute retentirent jusqu’à l’aube, on bloqua l’accès aux ponts, et les archers du duc Nicovante embarquèrent à bord de barges sur les canaux qui entouraient les Goulets, avec assez de flèches pour tenir une longue nuit.
Le matin trouva le Faiseur de voleurs une fois de plus en conversation privée avec son petit orphelin.
— Le problème avec toi, petit con, c’est que tu n’es pas circonspect. Tu sais ce que ça veut dire, ce mot-là ?
Locke fit signe que non.
— Je vais te le dire comme ça : cette taverne avait un propriétaire. Ce propriétaire travaillait, tout comme moi, pour le capa Barsavi – le grand ponte. Vois-tu, ce proprio payait le capa, tout comme moi, pour éviter les accidents. Grâce à toi, il a eu un putain d’accident, même s’il n’était pas en retard sur ses paiements et que rien de fâcheux ne s’annonçait. Donc, si tu me suis, inciter un tas de mecs bourrés à réduire son rade en cendres à l’aide d’une fausse alerte à l’épidémie, c’était l’opposé d’une stratégie circonspecte. Tu dois avoir une idée de ce que ça veut dire, maintenant, non ?
Locke savait quand il fallait vigoureusement opiner du chef.
— À la différence de la dernière fois où tu as essayé de me faire passer trop tôt l’arme à gauche, je ne peux pas m’en tirer avec des dessous-de-table. Et heureusement que je n’ai pas à le faire, parce que c’est un sacré merdier. Hier soir, les Vestes Jaunes en ont tabassé deux cents, avant de se rendre compte que personne n’avait le Souffle Noir ; le duc a appelé ses fumiers de réguliers et a failli passer les Goulets au feu grégeois. Maintenant, la seule raison, et je dis bien la seule, pour laquelle tu ne flottes pas encore dans l’estomac d’un requin avec un sourire surpris sur les lèvres, c’est que la taverne est à présent un tas de cendres fumantes ; personne ne sait qu’il y a eu de la fauche. Personne sauf nous.
» Alors on va tous se mettre d’accord pour que personne sur cette Colline ne sache ce qui s’est passé. Et toi, tu vas réapprendre un peu de cette réticence dont je t’ai parlé la première fois qu’on s’est vus. Tu te rappelles la réticence, non ?
Locke acquiesça.
— Je ne te demande qu’une seule chose, Lamora. Je veux de gentils petits boulots. Je veux une bourse par-ci, une saucisse par-là. Je veux que tu ravales ton ambition, que tu la chies comme un mauvais repas et que tu sois un sympathique petit Mariolle pendant le million d’années à venir. Tu peux faire ça pour moi ? Ne vole plus rien aux Vestes Jaunes, ne brûle plus de tavernes, ne déclenche plus de ces foutues émeutes. Fais juste semblant d’être un voleur à la petite semaine, comme tes frères et sœurs. C’est clair ?
Locke fit signe que oui une fois de plus, s’efforçant d’adopter un air contrit.
— Bien. Et, à présent (le Faiseur de voleurs sortit une fiole presque pleine d’huile de gingembre), nous allons, ahhh, procéder à une petite confirmation de tout ce que je viens de te dire.
Locke récupéra la faculté de parler et de respirer sans effort et tout se passa sereinement pendant un temps.
Mais la soixante-dix-septième année de Morgante se fit soixante-dix-septième année de Sendovani et, même si Locke réussit quelque temps à dissimuler au Faiseur de voleurs ce qu’il faisait, il y eut plus d’une occasion où il manqua remarquablement de circonspection.
Lorsque le Faiseur de voleurs réalisa ce que le garçon avait fait, il alla voir le capa de Camorr et obtint l’autorisation de laisser un tout petit cadavre derrière lui. Ce n’est qu’après réflexion qu’il rendit visite au Prêtre Aveugle, pas par pitié, mais dans l’espoir de faire un dernier bénéfice.
7
Le rouge envahissait progressivement le ciel, et il ne subsista bientôt plus rien du jour, en dehors d’une bande dorée qui s’évanouissait peu à peu à l’horizon. Locke Lamora traînait dans l’ombre allongée du Faiseur de voleurs, qui le conduisait au temple de Perelandro pour y être vendu. Locke comprit enfin où ses aînés avaient disparu.
Une grande arche de verre conduisait du pied nord-ouest de la Colline des Ombres aux limites orientales du vaste quartier des Temples. Parvenu au milieu du pont, le Faiseur de voleurs observa une pause et regarda vers le nord, par-delà les maisons aveugles de la Quiétude, par-delà les eaux brumeuses du tumultueux Angevin, jusqu’aux manoirs ténébreux et aux boulevards de pierre blanche bordés d’arbres du quartier d’Alcegrante, dont l’opulence s’étendait sous l’impossible toise des Cinq Tours.
Les Cinq formaient la plus imposante structure de Verre d’Antan d’une ville imprégnée de magie ; la plus petite (et la moins somptueuse), Pince-Aurore, ne faisait que vingt-cinq mètres de large et cent vingt mètres de haut. La couleur véritable de chaque tour se mélangeait à présent aux lueurs de forge du soleil couchant, et le réseau arachnéen des câbles qui retenaient les paniers de marchandises, tendus à leur sommet, se détachait à peine sur le fond carmin du ciel.
— On va patienter ici quelques instants, mon garçon, déclara le Faiseur de voleurs d’un ton empreint d’une inhabituelle mélancolie. Ici, sur mon pont. Si peu de gens passent par là pour venir sur la Colline des Ombres qu’il pourrait tout aussi bien m’appartenir.
Le vent du Duc, qui le jour venait de la mer de Fer, s’était apaisé ; la nuit, comme toujours, serait le royaume du lourd vent du Pendu, qui soufflait des terres vers la mer, chargé des chaudes odeurs des champs et des marais pourrissants.
— Je vais me débarrasser de toi, tu sais, ajouta le Faiseur de voleurs au bout d’un moment. Je ne, ahhh, plaisante pas. Adieu, et pour toujours. Dommage qu’il te manque quelque chose… Du bon sens, peut-être.
Locke ne répondit rien, se contentant de regarder les grandes tours de verre tandis que le ciel derrière eux perdait toute couleur ; les étoiles dardèrent leur lueur bleutée et les derniers rayons du soleil disparurent à l’ouest comme un grand œil qui se ferme.
Comme les ténèbres semblaient sur le point de recouvrir la ville, une clarté nouvelle surgit, faible et vacillante ; elle émanait du Verre d’Antan même des Cinq Tours et du verre translucide du pont sur lequel ils se tenaient. C’était une aura, que chaque souffle amplifiait jusqu’à baigner la ville du demi-jour féerique d’un ciel couvert.
C’était l’heure du faux-jour.
Des hauteurs des Cinq Tours à la douceur d’obsidienne des vastes digues de verre et aux récifs artificiels sous les vagues ardoise, le faux-jour émanait à Camorr de chaque fragment de Verre d’Antan, ce matériau étrange oublié là par les créatures qui avaient conçu la ville, bien avant. Chaque nuit, comme l’ouest avalait enfin le soleil, les ponts de verre se faisaient lucioles. Les tours, les avenues et les étranges jardins sculptés lançaient leurs tristes chatoiements de violet, d’azur, d’orange et de blanc de perle ; les lunes et les étoiles s’évanouissaient dans la grisaille.
À Camorr, c’était ce qui faisait office de crépuscule – la fin d’une journée de travail pour les ouvriers, l’appel des gardes de nuit et la fermeture des portes qui donnaient vers les terres ; c’était ce rayonnement surnaturel qui, une heure plus tard, ferait place à la vraie nuit.
— Revenons à nos moutons, dit le Faiseur de voleurs.
Alors, ils se dirigèrent tous deux vers le quartier des Temples, portés par de douces et étranges lueurs.
8
Traditionnellement, le faux-jour était la dernière heure d’ouverture des temples de Camorr, et le Prêtre Aveugle de la maison de Perelandro n’en perdait pas une seconde, dès qu’il s’agissait de remplir le tronc de cuivre disposé devant lui sur les marches de son temple décrépit.
— Orphelins ! tonna-t-il d’une voix qui n’aurait pas été déplacée sur un champ de bataille. Ne nous retrouvons-nous pas tous orphelins, tôt ou tard ? Hélas ! pour ceux que l’on enlève si jeunes au sein de leur mère !
Deux sveltes jeunes garçons – orphelins, sûrement – étaient assis de part et d’autre du tronc, vêtus de robes blanches à capuche. Comme ils observaient les hommes et les femmes qui s’affairaient sur les places et les avenues des dieux, la lueur féerique du faux-jour embrasait leurs yeux mornes.
— Hélas ! pour ceux qu’un destin cruel a rejetés dans un monde perfide qui n’a nulle place à leur offrir ! poursuivit le prêtre. Un monde qui n’a nul besoin d’eux. Des esclaves, voilà ce que ce monde en fait ! Des esclaves, ou pire, des jouets, destinés à assouvir le désir d’iniques et d’impies, condamnés à un simulacre de vie d’indicible décadence, à côté de laquelle l’esclavage a l’air d’une bénédiction !
Candide, Locke était sidéré, bouche bée. Il n’avait jamais été au spectacle ni entendu d’orateur. Ce discours aurait pu enflammer des brindilles mouillées ; ces remontrances attisaient sa honte et lui affolaient le pouls, même si lui-même était orphelin. Il voulait que cet homme à la voix de stentor continue de le haranguer.
Le père Chains, le Prêtre Aveugle, était si célèbre que même Locke Lamora avait entendu parler de lui ; c’était un homme d’un certain âge, au torse aussi large qu’un bureau de scribe et dont la barbe s’accrochait en une brosse dure à son visage taillé au couteau. Un épais bandeau blanc lui recouvrait le front et les yeux ; un habit de cérémonie de coton blanc était noué sur ses hanches, et des menottes de fer noir lui liaient les poignets. De lourdes chaînes d’acier partaient de ces menottes et remontaient les marches du temple jusqu’aux portes donnant vers l’intérieur. Alors que le père Chains faisait de grands gestes à l’adresse de son auditoire, Locke vit que ces chaînes étaient bien tendues. Il n’était qu’à deux pas de l’incarcération.
Pendant treize ans – à ce qu’on disait –, le père Chains n’avait jamais mis les pieds hors de son temple. Pour prouver sa dévotion à Perelandro, père des Miséricordes et seigneur des Oubliés, il s’était enchaîné à l’un des murs de son sanctuaire à l’aide de menottes démunies de serrure, et avait payé un medekiner pour lui arracher les yeux devant la foule.
— Le seigneur des Oubliés veille sur tous les fils et filles des morts, ça, je peux vous l’assurer ! Il bénit de son regard celui qui, libéré des liens du sang, apporte aide et réconfort à ceux qui n’ont plus ni mère ni père…
Même si tout le monde savait qu’il était aveugle et qu’il portait un bandeau, Locke aurait pu jurer que le père Chains avait tourné la tête vers lui et le Faiseur de voleurs dès qu’ils s’étaient avancés sur la place.
— … Par l’indubitable bonté de leurs cœurs, ils nourrissent et protègent les enfants de Camorr ; non par froide avarice, mais par pure bonté ! Véritablement bénis sont les protecteurs des gentils orphelins de Camorr qui ont besoin d’aide.
Lorsque le Faiseur de voleurs atteignit les marches du temple et commença à les monter, il prit bien soin de claquer des talons sur les pierres pour annoncer sa présence.
— Quelqu’un approche, déclara le père Chains. Ils sont deux, c’est du moins ce qu’affirment mes oreilles !
— Je vous amène le garçon dont nous avons parlé, mon père, annonça le Faiseur de voleurs (assez fort pour que plusieurs passants puissent l’entendre si jamais ils prêtaient attention). Je l’ai préparé aussi bien que je l’ai pu pour les, ahhhh, épreuves d’apprentissage et d’initiation.
Le prêtre s’avança d’un pas peu assuré en direction de Locke, tout en tirant ses chaînes cliquetantes derrière lui. Les garçons encapuchonnés qui gardaient le tronc lui lancèrent un bref regard, mais ne dirent rien.
— Tiens donc ? (Avec une précision alarmante, le père Chains tendit la main, et ses doigts calleux, arachnéens, vinrent se poser sur le front, les joues, le nez et le menton de Locke.) Un petit garçon, dirait-on, un très petit garçon. Mais non dénué d’un certain caractère, si je ne m’abuse, et si j’en crois les creux de son triste visage d’orphelin.

Source : http://www.bragelonne.fr

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MessagePosté le: Mar Déc 25, 2007 3:56 pm    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai eu le tome 1 pour Noël !
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MessagePosté le: Jeu Jan 03, 2008 11:25 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je l'ai fini aujourd'hui et j'ai a-do-ré ! Déjà le fait de lire un avis enthousiaste de GRR Martin en 4è de couverture me faisait partir avec un à priori positif, et puis j'ai totalement accroché à l'histoire de ce jeune homme, Locke Lamora, et de sa bande de voleurs et arnaqueurs, "les Salauds gentilhommes", dans cette ville aux allures vénitiennes.

Ca va être très dur d'attendre la sortie des 7 tomes...
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MessagePosté le: Jeu Jan 03, 2008 11:45 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Sybil,le tome 2 sort au mois de fevrier, je l'attends avec impatience celui ci.
Spoiler:
j'etais trop degoute que les freres sanza et moucheron meurent,ca ete un choc, j'y croyais pas,il a ose le faire

j'adore le personnage du fauconnier...
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MessagePosté le: Jeu Jan 03, 2008 11:53 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Le Fauconnier est le genre de personnage que l'on adore détester !
Moi je craque totalement pour Locke ! Mais c'est sûr qu'il a de bonnes raisons d'être en colère...

Je serai en librairie le 20 février, c'est sûr, j'attend la suite avec impatience

Wink
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jarod
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MessagePosté le: Jeu Jan 03, 2008 11:55 pm    Sujet du message: Répondre en citant

les 200 dernieres pages,c'est du tres lourd...on n'a pas le temps de respirer!!!
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Fredo
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MessagePosté le: Jeu Jan 31, 2008 1:03 pm    Sujet du message: Répondre en citant


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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Jeu Jan 31, 2008 7:22 pm    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans Les mensonges de Locke Lamora, pas mal de descriptions de la ville que j'ai trouvé pour ma part un peu pesantes, et puis au fur et à mesure que les pages défilaient, le déclic s'est produit et j'ai vraiment adoré l'histoire de Locke Lamora. Les personnages sont super attachants et je suis entièrement d'accord avec ton spoiler Jarod.
J'attends le 2ème tome avec impatience ! Very Happy
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Sybil
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MessagePosté le: Jeu Jan 31, 2008 7:25 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Et la couv' est toujours aussi superbe, je suis devenue fan de Benjamin Carré ! Wink
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claire_redfield
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MessagePosté le: Jeu Jan 31, 2008 7:46 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ca va vite etre là, le 21 février !!! J'suis carrément fan aussi !!!!!!!!!!
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MessagePosté le: Dim Fév 24, 2008 8:32 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je viens de finir le 2è, et malgré quelques similitudes, il est tout aussi génial que le premier, et ça va être très très long d'attendre la suite maintenant...

Quand le mélange d'Arsène Lupin et de gamins des rues à la Gavroche ou Oliver Twist (mais qui ont bien grandi...) rencontre Pirates des Caraïbes, cela donne cet opus plein d'aventures, d'action, d'humour, de fanfaronnades de la part de mon cher Locke, de bagarres où Jean peut prouver son art, d'émotions, le tout avec un vocabulaire assez "typique"...

Bref, j'adore !
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