Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres Index du Forum Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres
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Polars Pourpres

Le cercle Polar (Télérama)
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norbert
Serial killer : Hannibal Lecter


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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Dim Fév 21, 2021 11:25 am    Sujet du message: Répondre en citant

Entre 2 vidéos, le Cercle Polar publie aussi régulièrement des chroniques sur Telerama.fr. Je trouve la dernière en date, signée Michel Abescat, intéressante :

Citation:

Polars : quand deux romans noirs décrivent les dérives cruelles de notre société

L’un explore le désespoir d’un salarié de plateforme de livraison à vélo ; l’autre décrit une redoutable injonction au bonheur… Deux romans noirs, “Tous complices !”, de Benoît Marchisio, et “Les Fragiles”, de Maud Robaglia, retracent avec acuité la férocité de notre époque. Glaçant.


Il se nomme Abel et survit en pédalant jour et nuit dans le dédale parisien pour livrer des cheeseburgers supplément bacon, des poulets tikka ou des sundaes vanille. Elle s’appelle Jérémiade et tente sans succès de cacher à ses voisins et collègues un mal-être devenu inacceptable dans une société vouée à la dictature du bonheur, lisse comme une pub d’assureur santé, où les vieux habillés de blanc font tous du tai-chi. Abel et Jérémiade sont chacun au centre de deux premiers romans qui marquent cette rentrée polar par l’acuité de leur regard sur la férocité de l’époque où nous vivons. Celle du chacun pour soi, du tous concurrents et de l’individu, unique responsable de sa condition.

Le premier de ces romans, Tous complices !, est signé Benoît Marchisio. Il met donc en scène un tout jeune homme, Abel, 19 ans, étudiant contraint de travailler pour aider sa mère, qui surnage entre deux ou trois emplois de femme de ménage. Rincé par les galères du salariat occasionnel, genre serveur dans un resto, Abel croit trouver le graal en devenant auto-entrepreneur et « coursier-partenaire » d’une boîte de livraison de repas à domicile, l’Appli. Il y croit dur comme fer et imagine entrer dans la nouvelle économie, celle qu’on lui décrit comme « libérée des archaïsmes et des conservatismes ». Le voila donc, en quelques clics, « son propre patron, maître de son destin ».

Esclave à vélo

Le roman suit Abel dans son parcours d’entrepreneur du nouveau monde à celui, plus trivial, d’esclave à vélo. Achat d’un VTT premier prix, maîtrise progressive de la ville dont il va bientôt connaître la géographie intime alors qu’il a toujours vécu à Corbeil-Essonnes, premières courses. Et premières désillusions. « Cette soirée lui aura rapporté 35,30 euros brut. Il aura travaillé cinq heures et quarante-trois minutes », et il en reviendra le T-shirt trempé de sueur et les mollets en feu.

De mois en mois, Abel va découvrir le durcissement des conditions de l’Appli, la fin du tarif minimum de la course, la brutalité des strikes, c’est-à-dire des blâmes infligés au moindre retard, deux strikes signifiant désactivation définitive du compte, la lutte entre livreurs, l’arrivée des scooters qui vont peu à peu remplacer les vélos. Et le phénomène des loueurs de comptes, ces coursiers qui prêtent leur coordonnées à ceux qui ne peuvent pas en avoir, mineurs ou migrants sans papiers, moyennant un pourcentage sur chaque course.

Abel va s’accrocher malgré tout, accepter l’inacceptable, rester à l’écart des mouvements de protestation. « Il pédale, c’est tout ce qui lui reste. » Jusqu’au moment où le bon garçon va comprendre dans quelle impasse il s’est engagé. Une fois essoré, isolé, désespéré, il va se rebiffer, laissant monter la rage. Et la violence.

Plongée glaçante dans le nouveau lumpenprolétariat

Tous complices !, qui met en jeu de nombreux autres personnages, en particulier dans le milieu des chaînes d’info continue qui exploitent également une majorité de précaires, est ainsi une mise à nu implacable des pratiques de cette nouvelle économie des services au quotidien, d’Uber à Deliveroo.

Minutieusement documenté, le roman de Benoît Marchisio est une plongée glaçante dans le quotidien, dans l’intimité de leurs espoirs, de leurs gestes, de leurs combats, de leurs souffrances, de ce nouveau lumpenprolétariat de l’économie disruptive. Le style est vif, le rythme soutenu, le regard au couteau. Tous complices ! est un formidable thriller d’une rare brutalité. Le roman noir ultra réaliste d’un monde en perdition dominé par la loi du plus fort.

Chasse aux “faibles”

Noir, le premier roman de Maud Robaglia, Les Fragiles, l’est tout autant, qui navigue entre fiction, et même anticipation, et ressemblance tout sauf fortuite avec le monde contemporain.

Jérémiade, dont on suit, comme celui d’Abel, le parcours, travaille au Parfait Nettoyeur, où elle vend, avec talent, des aspirateurs dernier cri et des shampouineuses à moquette. Ironique passion pour le nettoyage dans une société occupée à faire le ménage parmi ses habitants, comme on nettoie impitoyablement les taches qui salissent la moquette.

Quand s’ouvre le roman, Jérémiade vient de rater sa énième tentative de suicide et s’efforce tant bien que mal de le cacher à ses voisins et collègues de travail. Car la société où elle vit fait la chasse aux « Fragiles », à tous ceux qui ne sourient pas, à tous ceux qui font preuve de la moindre faiblesse.

Après avoir constaté, quelques années auparavant, une hausse brutale des gestes suicidaires et une croissance exponentielle de la consommation de psychotropes, le gouvernement a pris des mesures. Désormais, une crise de larmes peut vous conduire directement dans un Pavillon de la Fragilité, d’où il sera difficile de sortir. N’importe quel membre de votre famille peut demander votre mise sous tutelle, comme l’a fait la fille de Jérémiade, qui a toujours considéré que sa mère avait « une araignée au plafond ». À moins que vous ne tombiez entre les pattes des Patriotes du Vivant, milices de volontaires adeptes de la chasse aux Fragiles.

Injonction au bonheur

Maud Robaglia distille une ironie discrète, déroule son histoire en forme de conte cruel qui met en scène une société dominée par l’injonction au bonheur, l’interdiction des comportements négatifs, la mise sous le boisseau du deuil et de l’échec. Une société qui ressemble beaucoup à la nôtre où les gourous du développement personnel et leurs conseils du genre « Ressens de la gratitude tous les jours », « Rêve ta vie en couleurs » ou « Fais de ton mieux et n’oublie pas d’être heureuse » occupent les pages des magazines. Désormais, il faut être positif, résilient, exposer sans fin sur les réseaux sociaux les images de son bonheur, bouquet de fleurs sur la table basse ou fous rires en famille ou entre potes. Belle manière de rendre chacun responsable de ce qui lui arrive et de dépolitiser le regard.

Belle manière aussi pour Maud Robaglia de nous ouvrir les yeux. Et si, par notre acceptation silencieuse, nous étions tous complices, comme l’affirme un des personnages du roman de Benoît Marchisio ? Complices d’évolutions qui pourraient bien conduire à la violence incontrôlable ? « C’est nous tous qui avons créé ce monstre, et on s’étonne qu’ils se rebellent ? Mais nous sommes tous complices ! Tous ! »

Citation:
À lire
Tous complices ! de Benoît Marchisio, éd. Les Arènes, 304 p., 20 €.
Les Fragiles, de Maud Robaglia, éd. Le Masque, 198 p., 19 €.





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norbert
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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Dim Fév 28, 2021 10:48 am    Sujet du message: Répondre en citant

>> Diffusion le 26/02/2021 -- Durée : 15' 36'' --> Lien

Cercle polar : la crème des crimes de février


Les meilleurs polars parus ce mois-ci voyagent en noir, autour du monde et dans le temps. Dans l’enfer syrien d’“Une guerre sans fin”, dans le Sud profond des États-Unis avec “Bluebird, bluebird”, et sur les hauteurs de la Croix-Rousse lyonnaise, à la fin du XVIIIe siècle, dans “La République des faibles”.





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Le Juge Wargrave
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Dim Fév 28, 2021 11:28 am    Sujet du message: Répondre en citant

Fin XIXe, pas XVIIIe si j'en crois le résumé. Wink
Merci, une nouvelle fois Norbert, de prendre le temps de nous faire partager le Cercle Polar Téléram ici. Wink
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La vie ne devrait consister qu'à trouver les bons mots au bon moment. (Tété, Emma Stanton, 2003).
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norbert
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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Dim Fév 28, 2021 12:08 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Exact, ils ont fait une erreur d'une petite centaine d'années. Laughing
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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Dim Mar 07, 2021 10:52 am    Sujet du message: Répondre en citant

Nouvel article du Cercle Polar, signé Christine Ferniot :

Citation:

Polar : les héros fétiches de Michael Connelly et d’Arnaldur Indridason sont-ils fatigués ?

Au revoir Harry Bosch, au revoir Erlendur Sveinsson… L’Américain et l’Islandais, grands maîtres du roman noir, ont pris par hasard la même décision : casser la routine en changeant de personnage principal dans leurs derniers livres. Ils partagent aussi, chacun dans leur style, la même obsession du passé.


Michael Connelly et d’Arnaldur Indridason. En 1992, le journaliste américain Michael Connelly publie son premier polar, Les Égouts de Los Angeles, avec pour héros le policier Harry Bosch. Il décide alors de se consacrer à l’écriture et entame un long compagnonnage avec ce héros récurrent. Son trente-cinquième livre paraît ces jours-ci sous le titre Séquences mortelles. En 1997, l’islandais Arnaldur Indridason, lui aussi journaliste, prend le même chemin en compagnie d’Erlendur Sveinsson, enquêteur à Reykjavik. Son vingt-quatrième livre, La Pierre du remords vient d’arriver sur les tables des libraires.

Et curieusement, en ce mois de mars 2021, ces deux écrivains, qui vendent des millions de livres dans le monde, ont décidé sans s’être concertés, de mettre en pause leurs personnages récurrents. Ce n’est pas la première fois. Michael Connelly a déjà mis en scène l’avocat Mickey Haller dans six romans, dont La Défense Lincoln (adapté au cinéma en 2011). Mais aussi Renée Ballard, policière, et le journaliste Jack McEvoy, découvert dans Le Poète, en 1996. Idem pour Arnaldur Indridason qui, entre 2013 et 2016 s’était lancé dans La Trilogie des ombres, une série historique et policière se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans son nouveau roman, il suit pour la troisième fois les pas de Konrad, un policier à la retraite, dans les rues de Reykjavik.

Si Séquences mortelles donne à Michael Connelly, l’occasion de rompre avec ses habitudes, Indridason cherche avec La Pierre du remords, une façon de creuser le même sillon sans pour autant se répéter. Les personnages changent, mais la manière demeure. Le lecteur retrouvera avec plaisir chez les deux auteurs, certaines obsessions, et surtout un sens aigu de la narration qui leur permet de dérouler des enquêtes psychologiques et sociologiques.

Héros bousculé par les flics

Comme son héros Jack McEvoy, Michael Connelly fut longtemps un homme de presse et on sent chez lui une authentique jubilation à décrire la vie d’une rédaction, l’instant du bouclage, les discussions avec le rédacteur en chef. Mais les choses ont changé depuis les années 1990 où il travaillait au Los Angeles Times. Cette fois McEvoy travaille pour un site web de protection des consommateurs, le Fair Warning. Terminé l’odeur de l’encre et du papier, le voilà derrière son ordinateur en train de pister les arnaqueurs. Le journaliste se retrouve au cœur d’une affaire de meurtre, celui de Tina Portrero, une jeune femme avec laquelle il a passé la nuit un an auparavant. Mis en cause par deux flics du LAPD (Los Angeles Police Department) plutôt teigneux, il mène l’enquête de son côté et s’aperçoit que plusieurs femmes sont mortes de manière identique, le cou brisé. À cette intrigue presque « classique » où sévit un tueur en série, Michael Connelly accole une recherche sur les données génétiques et l’ADN, qui rend sa fiction passionnante et contemporaine. Bien documenté, à la pointe d’une science criminalisée par certains, le roman met en scène un héros bousculé par les flics et sa hiérarchie, mais déterminé à aller jusqu’au bout. Vingt-cinq ans après Le Poète où McEvoy apparaissait pour la première fois, on constate que l’écrivain est resté du côté des victimes et des francs-tireurs qui n’hésitent pas à braver la loi pour parvenir à la vérité.

Écrivain mélancolique

Chez Arnaldur Indridason, le ton est différent, l’univers est glacé comme le paysage. La Pierre du remords évoque une balade parmi les tombes. Son nouveau personnage, Konrad, un flic retraité, est hanté par son passé. La mort d’une femme, prénommée Valborg, étouffée dans un sac plastique, le pousse à reprendre du service. Peu de temps avant d’être assassinée, la victime lui avait en effet demandé de retrouver l’enfant qu’elle avait abandonné à la naissance, il y a cinquante ans, l’enquêteur avait refusé. Konrad cherche donc des témoins oubliés à la mémoire défaillante, voire effacée. « Je suis arrivé trop tard », ne cesse-t-il de répéter comme un leitmotiv dans ce livre d’une grande tristesse. Car, en parallèle, il est taraudé par le fantôme de son père, un escroc odieux, assassiné dans une rue de Reykjavik. Écrivain mélancolique, Indridason réussit à passionner le lecteur mais également à le faire réfléchir sur le temps qui passe, l’ambiguïté des sentiments, la douleur de l’absence, la présence des morts auprès des vivants. Plus âgé qu’Erlandur, son héros récurrent, Konrad instille une sensibilité nouvelle à ce livre d’une lenteur hypnotique.

Curieusement, ces deux écrivains apparemment si différents s’interrogent sur des thèmes similaires. À la recherche génétique de Connelly répond celle, plus historique, d’Indridason. Mais le désir de comprendre les actions du passé, leurs répercussions sur le présent et leurs manipulations restent sensiblement les mêmes. Finalement, seule la météo les oppose, imposant d’autres rythmes à ces héros du quotidien.


Citation:
À lire
La Pierre du remords, d’Arnaldur Indridason, traduit de l’islandais par Éric Bourry, éd. Métailié, 320 p., 21,50 €.
Séquences mortelles, de Michael Connelly, traduit de l’anglais par Robert Pépin, éd. Calmann-Lévy, 486 p, 21,90 €.
À noter, pour le 25e anniversaire du Poète, une nouvelle édition préfacée par Stephen King.





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MessagePosté le: Dim Mar 28, 2021 12:41 pm    Sujet du message: Répondre en citant

>> Diffusion le 26/03/2021 -- Durée : 21' 06'' --> Lien

Cercle Polar : trois polars en forme de huis clos, addictifs et suffocants


Une auberge à l’écart, dans les années 1960, où trois femmes en quête de liberté se déchirent tandis que se vide le lac en contrebas, révélant peu à peu le village d’autrefois, englouti avec ses secrets. Un hôtel de verre, luxueux et inaccessible sauf à quelques privilégiés, comme la métaphore d’un monde dominé par la finance où la réalité disparaît derrière l’illusion d'une économie de spéculation. Un conte macabre et terrifiant, où une petite fille observe la dérive meurtrière de son père qui, par crainte du monde extérieur, a peu à peu enfermé sa famille dans une maison transformée en forteresse.





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MessagePosté le: Sam Avr 24, 2021 4:42 am    Sujet du message: Répondre en citant

La chronique du 23/04/2021 de Christine Ferniot sur Télérama :

Citation:

Adrian McKinty, nouveau chef de file explosif du polar irlandais


Dans “Ne me cherche pas demain”, troisième volume d’une série, l’Irlandais Adrian McKinty plonge un flic catholique au cœur de la “grande” histoire de son pays. Et rejoint ainsi d’illustres auteurs comme Ken Bruen, Stuart Neville et Sam Millar.



Chaque fois que l’inspecteur Sean Duffy doit prendre sa voiture, il se baisse pour vérifier qu’il n’y a pas de bombe accrochée sous le moteur. Question de réflexe, affaire d’habitude. À Belfast, en 1983, au centre du conflit en Irlande du Nord, il n’est pas question de jouer les imprudents. Duffy est un flic catholique – une rareté dans la police royale d’Ulster à tendance protestante. Son caractère tempétueux, surtout lorsqu’il boit trop, n’est pas apprécié de sa hiérarchie qui l’a rétrogradé et mis au placard. Inutile de dire que lorsque le MI5 vient le chercher pour lui confier une mission, il faut vraiment que ce soit important. Comme retrouver un grand ponte de l’IRA, l’artificier Dermot McCann, avec qui Sean a passé son enfance, connu les mêmes filles et usé ses fonds de culotte sur les mêmes bancs d’école.

Voici le point de départ du nouveau roman signé Adrian McKinty, né à Belfast en 1968, archi récompensé pour ses polars bien ancrés dans l’histoire de son pays. Ne me cherche pas demain (éd. Actes Sud) est le troisième volume paru en français avec ce même policier au tempérament bien trempé. Le premier de la série, Une terre si froide, se déroulait en 1981 au moment de la mort de Bobby Sands après sa terrible grève de la faim. Le second, Dans la rue j’entends les sirènes, se situait un peu plus tard, pendant la guerre des Malouines, dans un pays rongé par le chômage et la crise économique. Sa troisième histoire va permettre de croiser Margaret Thatcher lors de l’attentat de Brighton en 1984.


Regard mélancolique et humour grinçant

Le public français aura dû patienter longtemps pour lire la trilogie enfin complète, mais le jeu en vaut la chandelle car l’écrivain sait parfaitement réunir la fiction et le documentaire, l’enquête et le drame sociopolitique dans les moments les plus brûlants du conflit irlandais. Dans ce troisième volet, il y ajoute même un crime en chambre close, jouant son Agatha Christie version whisky et humour noir.

McKinty brosse donc le portrait d’une Irlande rongée par les tensions, le racisme et la misère. Sa description de la ville de Derry (et non Londonderry, nom rejeté par les nationalistes et catholiques d’Ulster) est d’une précision à la fois rigoureuse et émouvante. « Des groupes d’enfants et des meutes de chiens errants écument le quartier. Détritus et vieilles nippes s’étalent dans les rues ou s’entassent en petites pyramides à la Charles LeDray. Tous les arbres qui avaient été plantés avec optimisme dans la cité ont fini en feu de trottoir… On trouve la cage d’escalier et on monte jusqu’au quatrième… Ça pue le vomi, la bière, les feuilles en décomposition et les poubelles. Les taches noires qu’on voit à l’occasion, de la taille d’une chaussure, ne sont pas, comme je l’ai cru au début, des moisissures, mais des rats bruns… »

Quand l’inspecteur Duffy s’aventure dans les quartiers de son enfance, il n’est plus le bienvenu mais reste un natif du coin, comme son créateur. Ne me cherche pas demain est une œuvre mélancolique sauvée par l’humour très grinçant de son personnage principal. Mais il a un atout supplémentaire : une bande-son remarquable, entre Blind Willie Johnson, les Smiths et surtout Tom Waits, auquel le titre du livre fait référence. Un homme de goût.


Le clan des Irlandais

Adrian McKinty n’est pas le seul à écrire des polars où le conflit irlandais est prégnant. Il rejoint des écrivains comme Ken Bruen, Stuart Neville et Sam Millar, trio de choc pour fictions noires à lire absolument.

Ken Bruen est né à Galway en 1951. Parmi ses romans, on lira en priorité sa série consacrée à Jack Taylor, ancien policier reconverti en détective privé, grand lecteur, qui sème habilement des conseils romanesques pendant ses enquêtes. Comme son créateur, Taylor est un enfant de Galway, y revient régulièrement et montre sa préférence pour les bas-fonds, les bars sordides où le mauvais whisky et les pintes de Guinness l’entraînent au bord du gouffre. Sur l’ensemble de sa longue série, Toxic Blues et La Main droite du diable (réédités en Folio) composent l’essentiel de son œuvre d’une noirceur empathique.

Stuart Neville est l’auteur des Fantômes de Belfast (éd. Rivages), qui met en scène Gerry Fegan, un ancien tueur de l’IRA hanté par son passé et les figures de ses victimes. Sorti de prison après les accords de 1998, Fegan doit se libérer de ses « fantômes » en réglant ses comptes, pour tenter de se racheter. À la fois héros et assassin, ce personnage de Neville est forcément trouble et déroutant, survivant comme il peut dans un monde qui change, où les commanditaires d’hier sont les politiciens d’aujourd’hui.

Avec Sam Millar, c’est autre chose. Né à Belfast en 1958, il a combattu dans les rangs de l’IRA, a connu la prison de Long Kesh, avant d’être libéré et de partir pour les États Unis. Puis, à la suite d’un braquage à Rochester, il retourne en prison. Gracié par le président Clinton, il décide de rentrer à Belfast pour se consacrer à l’écriture. Tout cela paraît bien romanesque et pourtant ses romans, tels Au scalpel ou Un sale hiver (réédité chez Points), vont encore au-delà de la « vraie » vie de ce cher Millar, en mêlant fiction et réalité. On y fait la connaissance de Karl Kane, un privé de Belfast. Ce type un peu paumé, toujours à chercher trois sous, se retrouve dans des aventures mêlant le passé et le présent, où la ville de Belfast est une héroïne à part entière, où l’humour est toujours derrière les oppositions avec la police. Il y a de la sauvagerie chez cet auteur qui ne prend pas de gants avec les politiciens, les flics et les religieux, d’où qu’ils viennent. Pas de doute, Sam Millar est un coriace. Un Irlandais, quoi !


Citation:
À lire

Ne me cherche pas demain, de Adrian McKinty, éd. Actes Sud, coll. Actes noirs, 384 p., 22,50 €.






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MessagePosté le: Sam Mai 01, 2021 7:03 pm    Sujet du message: Répondre en citant

>> Diffusion le 30/04/2021 -- Durée : 20' 58'' --> Lien

Cercle Polar : trois auteurs français qui bousculent les codes


De la chaleur brûlante de Séoul aux trottoirs glacés de Montréal, Dominique Sylvain tisse une double intrigue, entre pédo-criminalité et vengeance familiale, dans son nouveau roman choral. Entre harcèlement en ligne, attentats « masculinistes » et réseaux sociaux devenus des escadrons de l’ombre, Benjamin Fogel développe une enquête policière sur fond de musique et d’acouphènes. Enfin, François Médéline nous plonge dans le Vercors en 1944, où l’on retrouve une femme assassinée, violée et tondue.





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MessagePosté le: Dim Mai 30, 2021 6:37 pm    Sujet du message: Répondre en citant

>> Diffusion le 28/05/2021 -- Durée : 12' 36'' --> Lien

Cercle polar : Valerio Varesi, un Simenon à l’italienne


Six romans traduits en français auront suffi à nous convaincre. Valerio Varesi est un futur classique du roman noir italien. Son personnage, le commissaire Soneri, idéaliste sans illusions, bon vivant pétri d’inquiétude, a un charme fou. Comme lui, Varesi connaît intimement la ville de Parme et la Bassa, au bord du Pô, leurs géographies secrètes et leurs mémoires à vif. Mélancolique et addictif, le nouvel épisode qui paraît (“La Maison du commandant”) en témoigne à nouveau.


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Le Juge Wargrave
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MessagePosté le: Lun Mai 31, 2021 6:51 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Norbert.

On sait pourquoi Agullo a abandonné ses couvertures si singulières ?
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MessagePosté le: Lun Mai 31, 2021 7:00 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Le Juge Wargrave a écrit:


On sait pourquoi Agullo a abandonné ses couvertures si singulières ?


Pas officiellement, mais j'imagine que leurs nouvelles couvs (très réussies, je trouve) sont plus "commercialement adaptées", ou en tout cas plus attractives pour les clients.
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Le Juge Wargrave
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MessagePosté le: Lun Mai 31, 2021 7:05 pm    Sujet du message: Répondre en citant

C'est ce que j'imaginais aussi (mais du coup elle sont plus lambdas, peu identifiables).
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MessagePosté le: Lun Mai 31, 2021 7:37 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je pense que maintenant qu'Agullo s'est fait connaître et reconnaître, notamment auprès des libraires, des critiques, a reçu plusieurs prix, a mis en avant au moins 2 auteurs avec Varesi et Paulin, ces nouvelles couvs visent forcément à atteindre un public plus large. D'ailleurs, comme Gallmeister, il me semble que la distinction entre les titres "Agullo Noir" et les autres s'est un peu plus effacée.
Les premières couvs étaient sympas mais sans doute trop "conceptuelles" pour un large public. Et puis je trouve que les nouvelles restent quand même identifiables, même si c'est évidemment moins prononcé qu'avant.
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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Sam Juin 05, 2021 7:47 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Chronique Polars du 04/06 par Christine Ferniot sur Télérama :

Citation:

Polars : dans les eaux noires du Mississippi


Corruption endémique chez Greg Iles. Nature vénéneuse chez Michael Farris Smith. Le grand fleuve américain charrie deux nouveaux polars à l’atmosphère poisseuse. Qui ne sont pas sans rappeler les romans du regretté Larry Brown, jonchés de bars louches et de mobile homes décrépits.


Depuis sa trilogie noire dite Natchez BurningBrasier noir, L’Arbre aux morts et Le Sang du Mississippi (2014-2017) –, on se doutait bien que Greg Iles (né en 1960) avait le Mississippi dans les veines. Cette fresque de presque trois mille pages, située dans la petite ville de Natchez, traversait le sud des États-Unis, bousculait les souvenirs de crimes racistes des années 1960, accompagnait les Aigles Bicéphales, groupuscule hyperviolent issu du Ku Klux Klan. Son nouveau thriller, Cemetery Road, revient près des eaux boueuses du grand fleuve américain, à Bienville, en compagnie du journaliste Marshall McEwan.

Cet homme a fait une belle carrière à Washington et n’aurait jamais dû retourner dans sa ville natale, près de son père qui ne lui pardonne rien. Mais le vieillard va mourir et Marshall a des histoires à finir de régler, une femme à retrouver : « Depuis plus de trente ans, j’essaie de me débarrasser de ce qui est certainement une phobie associée au Mississippi, toujours en vain. Il va falloir que je la déracine de mon être », songe-t-il. Le fleuve s’impose au cœur de ce roman puissant qui décrit aussi le pouvoir de l’argent et les malversations politiques, à travers le « Poker Club » et les secrets de ses membres, qui tiennent la région.


“Cemetery Road” : tragique, toxique

Ici, on tue les rêveurs souhaitant protéger un site archéologique car il n’est pas question d’empêcher la construction d’une usine bien polluante qui fera travailler la région. « Une ville comme Bienville est pareille au fleuve qu’elle côtoie, pleine de courants contradictoires sous la surface. » La découverte d’un cadavre flottant dans les eaux du Mississippi ne sera que le premier mystère de cette enquête, gonflée de haine, sur les rouages d’une économie parallèle. Dépôts toxiques, petits arrangements avec la morale, violence endémique, rien n’arrête les malfrats en col blanc.

Greg Iles a le sens de la mise en scène et des revirements à répétition. Il ajoute une histoire d’amour avec un héros qui se sentira toute sa vie responsable de la mort de son frère. Ça sent bon la tragédie au fil de l’eau. Et l’écriture, toujours efficace et rythmée, parvient aussi à traduire l’émotion.


“Blackwood” : fantomatique, biblique

Michael Farris Smith est un peu le voisin de Greg Iles, avec son nouvel opus, Blackwood. Si Greg Iles situe sa fiction pendant l’ère Trump, Michael Farris Smith choisit les années 1980, à Red Bluff, entre les plaines du delta et les collines du Mississippi. Il décrit un monde brumeux, fantomatique et rongé par une plante invasive, le kudzu, dont il fait le symbole de la région. Là aussi, c’est le retour d’un enfant du pays qui va tout bousculer, fixant les haines et les méfiances des habitants.

Il y a de la magie noire dans ce livre sur la culpabilité et la rédemption. La scène finale, transformée en un brasier en rouge et or, a quelque chose de biblique, de dantesque : « Il avait pénétré dans le Kudzu et arraché des feuilles aux vignes et les avait tenues dans ses mains ensanglantées, puis il les avait brandies au-dessus de sa tête en hurlant et en gémissant et en invectivant avant de s’effondrer dans les vignes et de rester allongé là. Incapable de résister à leur emprise. » Dans l’océan vert du kudzu, les hommes comme la nature sont étouffés et le romancier compose une œuvre gothique où le passé ne se répare jamais.


“Fay”, “Père et fils” : éthylique, chimérique

Parler du Mississippi sans citer Larry Brown (1951-2004) serait une faute de goût. Des romans comme Joe (1991), Père et fils (1996) ou Fay (2000) plongent le lecteur chez des péquenots qui passent un temps fou à écluser leurs bières au seul bar de la petite ville. Dehors, les vieux pick-up continuent de prendre la poussière. Les familles survivent dans des mobile homes qui pourrissent sur place et les enfants rêvent de partir le plus loin possible.

Né à Oxford – ville d’enfance aussi du grand Faulkner –, dans le Mississippi, Larry Brown attendit longtemps pour vivre de sa plume, enchaînant comme ses personnages les petits boulots, jusqu’à devenir pompier professionnel pour faire vivre sa famille. Il n’avait qu’à regarder par la fenêtre pour trouver ses personnages, antihéros qui s’ennuient et paumés rongés de violence. Fay met ainsi en scène une adolescente qui aspire à quitter sa vie sans aspérités, ses parents ouvriers agricoles. Mais Larry Brown ne lui réserve pas forcément le meilleur...

Même chose avec Père et fils, dont la narration s’écoule au rythme du fleuve, tantôt nerveuse et vengeresse, tantôt comme endormie par la chaleur. Dans ce livre poignant, Glen, ex-taulard, rentre chez lui après avoir purgé sa peine, mais dans la petite ville, personne n’a oublié le passé. Chez Larry Brown, tout est juste, et le style est apparemment sec, mais superbement ramassé. Derrière son écriture et ses thèmes du quotidien, on sent que Faulkner est passé par là, avec sa tristesse et son empathie jamais larmoyante.

Tous ces écrivains ont le Mississippi dans la peau, sous les ongles, dans le cœur. Derrière eux, on aperçoit les ombres d’une même famille, celle des perdants magnifiques qui n’ont plus que l’humour et l’alcool pour tenir jusqu’au lendemain.


Citation:
À lire

Cemetery Road, de Greg Iles, traduit de l’anglais (États-Unis) par Thierry Arson, éd. Actes Sud, 766 p., 25 €.
Blackwood, de Michael Farris Smith, traduit de l’anglais (États-Unis) par Fabrice Pointeau, éd. Sonatine, 288 p., 21 €.
Fay, de Larry Brown, traduit de l’anglais (États-Unis) par Daniel Lemoine et Françoise Merle, et Père et fils, de Larry Brown, traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Ferragut, éd. Gallmeister, coll. Totem-Noir, respectivement 560 p., 12 € et 368 p., 10 € (dans la même collection : Joe, Sale boulot, L’Usine à lapins et Affronter l’orage).








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MessagePosté le: Jeu Nov 18, 2021 7:21 pm    Sujet du message: Répondre en citant




La chronique du 13/10/2021 de Nathalie Crom dans Télérama :

Citation:

“Hangsaman”, de Shirley Jackson, brillant roman d’apprentissage aux frontières de la folie


Les confessions troublantes d’une jeune fille désorientée. Un roman paru en 1951, hors norme et puissant, par la nouvelliste américaine de la troublante “Loterie”.



L’édition américaine des lettres de Shirley Jackson (1916-1965), parue l’été dernier, a révélé qu’il était arrivé à la romancière et nouvelliste de s’écrire à elle-même – la missive endossant la mission dévolue au journal intime : la réflexion, l’introspection, l’aveu.
Dans la solitude vespérale de sa chambre d’étudiante, Natalie, l’héroïne adolescente de Hangsaman, fait de même, alors qu’ayant quitté la maison familiale elle vient d’entrer à l’université et tente sans succès de se fondre dans la pseudo-convivialité de la vie sur le campus. Mais les confessions qu’elle couche sur le papier résonnent de façon bien étrange. « Je suppose que tu te demandes depuis longtemps, Natalie ma chérie, à quoi je peux bien penser. Je suppose aussi que tu l’as remarqué : Natalie semble tellement bizarre ces jours-ci, elle paraît si réservée, distante et silencieuse, je me demande si elle va bien, ou s’il y a quelque chose qui la trouble. »

Natalie parle à Natalie, et ensemble elles s’inquiètent de Natalie… Mais combien sont-elles au juste ? Et, parmi elles toutes, laquelle écrit cela : « Je me demande où les gens trouvent les mots pour dire toutes les drôles de choses qu’ils ont dans la tête. Personnellement, je tourne en rond, je trouve comment les choses s’assemblent mais ce n’est jamais complet. Je crois que si je pouvais tout dire à quelqu’un, absolument tout ce qu’il y a dans ma tête, alors, moi, je disparaîtrais, je n’existerais plus, et je coulerais au fond de ce charmant néant où les inquiétudes se dissolvent, où personne ne vous entend ni ne prête attention à vous… » ?

Des moments d’étrangeté, on en traverse tout au long de Hangsaman, roman d’apprentissage désaxé et poignant, paru en 1951. Trois ans plus tôt, Shirley Jackson avait publié un premier roman (non traduit à ce jour), et surtout, dans le New Yorker, la nouvelle La Loterie, récit d’une fête de village en Nouvelle-Angleterre tournant à la cérémonie barbare, dont la noirceur avait fait tressaillir d’effroi l’Amérique.


“Quelle tristesse, quelle idiotie.”

L’univers romanesque de Hangsaman est tout aussi troublant, dérangeant, où l’on se tient d’un bout à l’autre au plus près de la psyché d’une jeune fille désorientée, désemparée. Sans doute victime, à la veille de son départ pour l’université, d’une agression sexuelle qu’elle a décidé de refouler – « Je ne veux pas y penser […] Un jour, pensa-t-elle, ce sera parti. Un jour, j’aurai 60 ans, 67 ans, 80 ans, et en me remémorant, je me souviendrai peut-être que quelque chose de ce genre est arrivé une fois (où ? quand ? qui ?) et je sourirai peut-être avec nostalgie en pensant, sûrement : quelle tristesse, quelle idiotie » –, mais rien n’est explicite, rien n’est limpide ni incontestable, dans ce récit rongé par les non-dits, les dénis, les frayeurs enfouies, la répulsion de soi et une peur des autres parfois proche de la haine.

La permanence de cette indécision fait toute la puissance d’attraction, de fascination inquiète qu’exerce ce bildungsroman hors norme, dans lequel les personnages qui entourent l’héroïne (son père, tantôt intellectuel bonhomme, tantôt minotaure ; sa mère, tendre et névrosée ; les amis de ses parents, aimables et sournois ; son enseignant, affable et corrupteur…) semblent tous évoluer masqués, endossant un rôle social qui dissimule tant bien que mal leur vénéneuse nature. Et bientôt se liguer pour acculer la jeune fille dans un cul-de-sac mental… Shirley Jackson l’en sauvera par le biais d’une épreuve initiatique, dont on ne saurait dire si elle relève du réel ou du cauchemar. Ainsi fonctionnent les sortilèges de Jackson : impénétrables et souverains.



Hangsaman, traduit de l’anglais (États-Unis) par Fabienne Duvigneau, éd. Rivages, 280 p., 21 €.


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