Posté le: Lun Mar 13, 2017 8:48 pm Sujet du message: Petite Soeur la Mort - William Gay (Seuil)
Après La Mort au crépuscule (Le Masque, en poche chez Folio Policier) et La Demeure éternelle (Seuil, en poche chez Points), Petite Soeur la Mort, roman posthume de William Gay, vient de paraître dans la nouvelle collection Cadre Noir du Seuil, traduit par Jean-Paul Gratias.
À noter une splendide et passionnante préface du grand Tom Franklin, qui nous aide à mieux connaître l'écrivain et l'homme William Gay, en retraçant leur rencontre et leur amitié.
Le livre :
« Petite Sœur la Mort, c’est comme si Faulkner avait écrit Shining… » Kirkus Reviews
En 1982, David Binder, jeune auteur que son éditeur a convaincu d’écrire un roman de genre, s’installe avec sa femme – enceinte et réticente – et leur petite fille dans l’ancienne maison d’une famille de planteurs, à Beale Station, Tennessee.
La demeure n’a pas bonne réputation : un fantôme cruel et facétieux en a tourmenté les occupants au début du XIXe siècle, persécutant plus particulièrement la jeune Virginia.
Sur la propriété, la pierre tombale de Jacob Beale est éloquente : « 1785-1844. Torturé par un esprit. »
Il semblerait que le fantôme ait été une dame, et qu’elle rôde encore dans les murs.
Or David s’est laissé envoûter par le lieu…
La vie quotidienne, et conjugale, des Binder va s’en ressentir, jusqu’au drame.
Le critique du Times a parfaitement résumé l’affaire : « Voici du gothique du Sud à son plus noir, imprégné d’atmosphère, étincelant d’éloquence, traversé d’éclairs d’un humour atroce. »
Né en octobre 1941 à Hohenwald, Tennessee, William Gay est mort le 23 février 2012 à Hohenwald, Tennessee.
Dans l’intervalle, il a passé quatre ans dans la marine américaine, pendant la guerre du Vietnam, vécu quelque temps à New York, puis il est rentré au pays et a monté des cloisons de placo afin de nourrir sa famille.
À la fin des années 1990, il a vendu ses premières nouvelles à des revues littéraires et a aussitôt été adoubé par ses pairs : Cormac McCarthy, Ron Rash, Barry Hannah, Tom Franklin et Donald Ray Pollock.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Posté le: Lun Mar 13, 2017 9:07 pm Sujet du message:
>> La chronique de Julien Védrenne sur K-Libre.fr :
Citation:
Ennuis de famille
William Gay, avec son écriture lyrique et les trames passées aux frontières du gothique, nous propose un roman posthume sur le thème de la maison hantée et des poltergeists.
Le texte, à la fois très littéraire, puissant et exigeant, est un hommage à l'œuvre de William Faulkner et au roman de Shirley Jackson, La Maison hantée, bâti autour de la légende de la demeure de la famille Bell dans la petite ville d'Adams dans le Tennessee au début du XIXe siècle.
Le personnage principal de l'intrigue, David Binder, est l'auteur d'un livre à succès et qui ne trouve plus l'inspiration.
Son éditeur lui a conseillé d'écrire un ouvrage alimentaire de genre horrifique, et il décide de venir s'installer l'été avec sa femme et sa petite fille dans cette maison afin de pouvoir faire communion avec l'atmosphère.
Nous sommes en 1982, près de deux siècles après les événements tragiques inauguraux narrés de façon sèche et abrupte en prologue du roman.
Peu à peu, c'est surtout un couple qui se délite et qui se révèle à nos yeux à mesure que la maison semble prendre possession de l'âme du narrateur et qu'elle devient une ennemie de Corrie, sa femme.
Des apparitions étranges surviennent, des tensions s'exacerbent, des rencontres avec des autochtones tournent mal, voire très mal, l'alcool et le sexe y sont pour quelque chose, et par-dessus tout un énorme serpent maléfique hante un petit cabanon à outils.
Ce serpent héritera de la part de l'écrivain du nom de Petite Sœur la Mort qui donne le titre à ce roman.
Surtout, il sera le catalyseur et le révélateur de la tragédie qui se joue.
Plus qu'une enquête littéraire, l'histoire est une interrogation naïve sur une légende, comme les aiment les États-Unis et qui a amené Daniel Myrick et Eduardo Sánchez à réaliser Le Projet Blair Witch en 1999.
Il ne faut pas chercher d'intrigue policière, de crimes passés (même si l'hypothèse est amenée par William Gay).
Nous sommes dans un roman noir sur la noirceur des sentiments, sur les non-dits familiaux – il sera plusieurs fois fait référence aux "Ennuis de famille".
Et puis s'il ne s'agit pas à proprement parler d'enquête littéraire, il y a cette trame qui épouse l'œuvre de William Faulkner jusque dans des choix d'écriture comme cette décision de mêler les dialogues dans le corps du texte sans guillemets, ni tirets d'incise.
Tout cela est joliment expliqué dans la préface de Tom Franklin, un auteur américain dans la veine de William Gay.
Éblouissant !
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Petite Soeur la Mort : William Gay et la légende de la sorcière Bell
William Gay (1941-2012) a été un auteur tardif.
Connaissant le succès, une fois la cinquantaine passée, grâce à La mort au crépuscule et surtout l'excellent La Demeure éternelle (il y a quelques temps).
Pour Petite Soeur la Mort, c'est Tom Franklin qui se charge de la préface de l'édition française.
L'auteur sudiste raconte son amitié avec William Gay, comment celui-ci s'était également rapproché de Cormac McCarthy dont il admirait le travail, lui l'ancien soldat du Vietnam, l'ouvrier.
En quelques nouvelles, et trois romans (au moins ceux traduits en France), William Gay s'est fait un nom.
Et Petite Soeur la Mort (son dernier) donne encore une autre dimension à son talent. Originaire de ce Tennessee qu'il n'a jamais quitté, il s'est là attelé à raconter l'histoire de la sorcière Bell à sa manière.
De ce conte terrifiant, que l'on se passe comme un patrimoine de cet état, William Gay fait (aussi) un roman sur la création littéraire.
Son personnage, David Binder, est un auteur qui, après un premier succès phénoménal, peine à enchaîner.
Son agent lui conseille d'écrire d'abord un roman facile, quelque chose de simple, une histoire d'horreur.
Il va donc loger dans le manoir, supposé "habité" de la famille Beale.
Et non pas Bell ici.
Evidemment, l'ambiance des lieux va peser sur Binder et sa femme.
Ou peut-être est-ce leur situation financière ?
Ou les circonstances de la mort du beau-père de David ?
William Gay sait alterner les narrations, remontant les décennies pour narrer les malheurs des anciens propriétaires, ponctuant ses scènes anciennes de quelques visions ectoplasmiques, quelques nuits à ne pas fermer l'oeil, tandis que son auteur, dans le monde actuel, a surtout peur des innombrables serpents de cet été caniculaire.
Mais il y a aussi des apparitions et cette drôle de version d'un épisode de Winnie l'Ourson où Porcinet fracasse la tête de ses camarades à coups de hache !
L'angoisse s'installe.
« La nuit était porteuse de rêves de fléaux anciens que le matin ne parvenait pas à dissiper entièrement. »
La prose de Gay est toujours aussi incisive, inquiétante, les humains se montrant peu rassurants et la nature franchement inquiétante y compris dans sa normalité.
Le thème de l'écrivain en panne, lui, n'est pas passionnant c'est vrai, les tribulations d'un auteur ne feront jamais autant rêvées que les aventures de Lemmy Kilminster ou George Best, mais le côté fantastique du roman l'extrait de toute normalité.
Si on excepte un moment où Gay s'imagine qu'une maman serpent allaite ses petits (problème de traduction monsieur Gratias ?!), on retrouve là la précision de La Demeure éternelle et tout le substrat d'un monde rural dur, pétri de croyances, de superstitions.
Pas étonnant donc que Ron Rash l'ait apprécié.
A noter, en fin de roman, l'aventure personnelle de l'auteur avec cette sorcière Bell, très connue aux Etats-Unis (pour en savoir plus).
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