Posté le: Jeu Nov 22, 2018 6:54 pm Sujet du message: Série Aidan Waits - Joseph Knox (Le Masque)
Après un très gros succès critique et public en Angleterre, Sirènes, le premier roman de Joseph Knox, vient de débarquer le mois dernier en France aux Editions du Masque, traduit par Jean Esch, et inaugure une série consacré aux enquêtes d'Aidan Waits.
Le livre :
« Je commençai les patrouilles de nuit en ayant de la vie nocturne une vision romantique qui devint très vite réaliste. Je ne connaissais pas les vampires, les dealers qui sortaient uniquement la nuit, et je ne savais rien des gangs, je n'aurais pas été capable de vous dire qui vendait quoi, je n'aurais pas su les repérer. Les seuls que j'arrivais à identifier du premier coup d'oeil, c'étaient les smileys. Ainsi surnommés à cause des deux centimètres de cicatrice de chaque côté de leur bouche, tailladée par des dealers parce qu'ils avaient payé en retard ou trop parlé. »
Aidan Waits est un jeune inspecteur tombé en disgrâce, en proie aux tentations et aux excès de la nuit.
Zain Carver est à la tête du plus gros réseau criminel de trafic de drogues à Manchester.
Isabelle est la fille d'un puissant homme politique. Un jour, elle disparaît et Zain n'y semble pas étranger.
Aidan voit là une dernière chance de ressusciter sa carrière naissante.
Mais comment peut-il espérer sauver Isabelle alors qu'il ne peut se sauver lui-même ?
« Un féroce roman noir urbain, d'une authenticité qui vous arrache les entrailles. » Daily Mail
« Il va falloir se souvenir de Joseph Knox comme on n'oublie ni Ian Rankin ou encore John Harvey. Des hommes habités par leur ville elle-même défigurée par la corruption à tous les étages. » Karen Lajon - Le JDD
« Tout ce qu'on aime dans un polar. Le ballet funèbre des truands et des flics, la poésie de la débauche nocturne qui se termine dans le bruit des sirènes. » Philippe Blanchet - Le Figaro Magazine
Joseph Knox est né en 1986 et a passé son enfance à Manchester. Après y avoir travaillé comme barman et libraire, il s’est installé à Londres où il est devenu acheteur de polars pour la plus grande chaîne de librairies au Royaume-Uni. Suite au succès qu'a connu Sirènes, son premier roman acclamé par la critique, devenu best-seller dès sa publication et traduit dans une quinzaine de pays, Joseph Knox se consacre entièrement à l'écriture.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Dernière édition par norbert le Dim Mai 21, 2023 8:43 am; édité 2 fois
LA VIE EN NOIR - Si les Américains sont devenus les maîtres du polar rural gangrené par la dope ces dernières années, les Anglais quant à eux excellent dans le polar urbain vérolé par la même substance. Joseph Knox vient encore de nous le prouver. Premier roman, Sirènes est un condensé de noir visqueux, minéral et mordant avec une brillante traduction signée Jean Esch. Qui dit mieux ?
Au départ pourtant, rien de méga original. Une ville, Manchester, un caïd type criminel en col blanc que la police voudrait bien mettre au trou. Un policier véreux, un autre tombé en disgrâce, défoncé aux amphétamines et des filles, des pauvres filles de papa riche ou de papa gangsters. Mais ça colle et ça marche. L’auteur a du talent. Et des idées. Un prologue d'enfer, un style impeccable, une petite musique dans la tête.
« La première de mes trois fautes éliminatoires étaient mon histoire. Ce que j'étais à l'endroit où j'avais vu le jour. Je me réjouissais de vieillir car chaque seconde qui passait m'éloignait de mon enfance. Du moins le croyais-je. Plus tard, quand Parrs planta ses crocs en moi, je compris que je ne pouvais pas m'en échapper. Les préparatifs d'une putain de plaisanterie qui porte ses fruits au troisième acte. »
Il va falloir se souvenir de Joseph Knox comme on n'oublie ni Ian Rankin ou encore John Harvey. Des hommes habités par leur ville elle-même défigurée par la corruption à tous les étages. Un hymne à l'Angleterre d'un Johnny Rotten des Sex Pistols. Du No Future plein les narines et dans les veines.
« J’ai besoin d’un flic aux mains sales »
Le gangster s'appelle Zain Carter. Il est propriétaire du Rubik bar, "La Franchise", où la drogue est livrée puis distribuée. Il possède aussi un cheptel de filles, surnommées les collecteurs, et qui sillonnent son royaume afin de récupérer le fric des transactions de la came. Et cette came, elle porte un nom, plutôt un chiffre. Huit pour héroïne, trois pour coke, cinq pour ecstasy et onze pour ket. Les clients ont juste à montrer un chiffre avec leur doigt et la transaction se fait sans qu'un seul mot soit prononcé. Carver aime aussi les fêtes, surtout celles du vendredi soir où l'on rentre que si l'on montre patte blanche. Sa maison s'appelle Fairview.
« J’ai besoin d’un flic aux mains sales », lui glisse le Superintendant Parrs. Les dés sont pipés dès le départ. Aiden Wait, anti-héros parfait, a le pire des jeux de cartes en main. Flic en disgrâce, il est bien obligé d'accepter le job d'infiltré que lui colle sur le dos son supérieur Parrs. Il a deux missions. Retrouver Isabelle Rossiter, la fille du député David Rossiter et faire tomber Carver. L'un prime sur l'autre, cela va sans dire. Le Superintendant Parrs qui le drive n'entend pas se faire emmerder et encore moins par un de ces politicards qui se croient omniscients. Waits se coule dans sa double identité et avale les amphétamines comme des smarties. No good.
Le Virus, un personnage apocalyptique
Celle qui ouvre la porte, c'est Sarah Jane, "la beauté cruelle". Il y a aussi Catherine et Isabelle, bien sûr. Des victimes dans un monde de prédateurs. Chacune joue sa partition comme elle peut. Elles ont toutes en commun de vouloir sauver leur peau, à l'exception d'Isabelle dont les dix-huit scarifications sur les jambes indiquent le nombre de fois où elle a été violée. Le monde de l'inspecteur Aiden Wait est un trou noir frelaté où les règles sont celles du plus fort. Ainsi, Carver est-il contesté par un ancien ennemi bouffé tout cru par le passé et qui vient juste de sortir de tôle. Sheldon White, un rascal qui ne vaut guère mieux que Carver et qui entend bien se venger. Son gang les Burnsiders, exangue, ne demande qu'à être réactivé. Et tous les coups vont être permis.
Dans cet océan de merde urbaine, un personnage apocalyptique porteur d'un surnom à l'évocation diabolique, Le Virus. Véritable légende au royaume de la sous-culture des bug chaser, les chasseurs de virus. A savoir des jeunes gens qui trouvaient hyper hype de choper le sida. Virus se faisait un plaisir d'être leur obligé. Même Carver ne veut pas s'en approcher comme si rien qu'en posant les yeux sur lui, on contractait toutes les bactéries que les chimistes avaient pu produire dans leurs labos blancs et étincelants. « Sa principale menace physique était d'être infectieux, littéralement. Il se vantait d'avoir dans le sang toute une série d'hépatites. »
Entre lui et Waits existe une drôle d'amitié, la seule note d'espoir dans ce polar sacrément bien torché.
Sirènes de Joseph Knox, Traduction de Jean Esch, Editions du Masque, 384 pages, 21,50 Euros.
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Dernière édition par norbert le Sam Mai 20, 2023 3:00 pm; édité 1 fois
C'est toujours un bonheur que de découvrir un nouvel auteur de l'envergure de Joseph Knox. La première fois que j'ai entendu sa voix, c'était en 2017 au festival de Harrogate : il faisait partie du "plateau" des espoirs ("New blood") présidé par Val McDermid. Un plateau qui, traditionnellement, permet de repérer des auteurs prometteurs. De tous ceux présents lors de cette table ronde, Joseph Knox était celui dont la parole semblait à la fois la plus sincère et la plus tourmentée.
L'homme, né en 1986, a travaillé huit ans sur Sirènes, son premier roman, profitant des moments de temps libre que lui laissait son job d'acheteur et vendeur au rayon polar d'une librairie de chaîne ; son exigence envers lui-même était sans doute à la mesure de sa connaissance du polar contemporain... C'est ce qu'il explique, entre autres, dans une interview accordée au site Crime Fiction Lover :
« Je pense que la meilleure chose qui puisse arriver à un jeune auteur - surtout s'il écrit de la littérature noire -, c'est une rupture sentimentale dramatique. C'est ce qui m'est arrivé : pendant des années, j'ai mené une vie de misère et j'ai pourri l'existence de mon entourage : je buvais, je pleurais, je prenais des pilules, je travaillais dans des bars épouvantables, j'habitais des appartements humides, tristes, minuscules, me spécialisais dans les relations minables et sans issue, j'ai perdu beaucoup d'amis, et - surtout - j'ai lu tout ce que je pouvais lire. A l'époque, je ne pensais pas que cette lecture compulsive était en fait un travail de recherche, je pensais que j'avais raté ma vie et que rien de changerait. Sirènes m'a servi à y déverser tout ce noir. Sans ce roman, je n'ose même pas imaginer où j'en serais aujourd'hui. »
Il fallait que Sirènes soit réussi. C'est le cas, et au-delà de toute espérance. En plus, le roman a remporté un grand succès commercial, ce qui n'est pas forcément le cas des romans aussi originaux et résolument noirs que celui-ci. Car autant le dire tout de suite, dans Sirènes, il n'y a pas beaucoup de place pour l'espoir.
Manchester, nord-ouest de l'Angleterre, plus de 500 000 habitants. Ville industrielle, elle a souffert de la crise de l'industrie à partir des années 60 et été la cible de plusieurs attentats revendiqués par l'IRA, notamment en 1996. Depuis les années 2000, le centre ville connaît un renouveau spectaculaire, beaucoup de quartiers populaires sont rasés. Manchester peut se vanter de faire partie des villes qui présentent les contrastes les plus importants : entre les quartiers du centre, largement "gentrifiés", et les quartiers pauvres, on n'est pratiquement plus dans le même monde... Manchester, c'est aussi, bien, sûr, la musique. De Joy Division et New Order à Oasis en passant par les Smiths, la ville peut se vanter d'avoir généreusement nourri la culture rock du Royaume-Uni. Les années 80, en particulier, ont donné naissance à ce qu'on appelait "Madchester", avec les groupes emblématiques de l'époque, et une vie nocturne qui connaîtra son point culminant avec la célèbre Hacienda. On ne s'étonnera donc pas que, malgré son jeune âge, Joseph Knox commence son roman par une citation de Joy Division. Enfonçant le clou, chaque partie de Sirènes porte le titre d'un album de Joy Division : Joseph Knox assume l'héritage, la noirceur, et son style leur rend justice.
L'inspecteur Aidan Waits ne va pas très bien... De sa courte vie de flic, il n'a conservé qu'une sale expérience où il s'est mouillé dans une vilaine affaire, et surtout une situation où il est pratiquement forcé de jouer les sous-marins de certains gros bonnets de la police auprès des milieux de la politique et des affaires de sa bonne ville de Manchester. Patrouilles de nuit - voilà qui convient bien à Aidan. Dormir le jour. Errer la nuit. Se retrouver au petit matin étalé sur un trottoir gelé avec une belle bosse à l'arrière du crâne. Assommé, récupéré par un homme et une femme en BMW. On est à Deansgate, la rue qui traverse toute la ville et qui symbolise à elle toute seule le Manchester d'aujourd'hui : « Sur cette distance, on trouve de tout, des restaurants sur invitation uniquement aux soupes populaires miséreuses, et tout ce que vous pouvez imaginer entre les deux. »
Au bout du chemin, la Beetham Tower, 47 étages de verre et d'acier, un hôtel et des appartements de luxe. Sale souvenir pour Aidan : un an tout juste auparavant, Dasa Ruzicka, travailleuse du sexe, s'est tuée en sautant du 19e étage - suicide, a-t-on conclu...
Au 45e étage, un penthouse. Et dedans, David Rossiter, député. Monsieur le député est inquiet : sa fille Isabelle s'est fait la belle... La mission d'Aidan Waits ? La retrouver, la surveiller, veiller sur elle, faire en sorte qu'il ne lui arrive rien de fâcheux. Pas gagné, vu que la jeune Isabelle fréquente les milieux de la drogue et en particulier la maison du "caïd" de Manchester, Zain Carver, qui règne sur un monde de l'ombre - sex, drugs and ... plus vraiment rockn'roll, nous sommes dans les années 2010, c'est l'électro qui a pris le relais pour servir de fond sonore aux soirées des braves gens fortunés qui ont fait du centre de Manchester une sorte de Babylone moderne. Car à Manchester, la gentrification n'est pas l'apanage des "bobos", mais de ceux qui maîtrisent l'empire de la dope, et de leurs adeptes...
C'est donc dans ce monde-là que va devoir s'immiscer Aidan Waits. Double peine pour Aidan : la dope et l'alcool, il connaît... trop bien. Dans ce monde-là, les jeunes filles en fleurs ne le restent pas longtemps : elle servent de livreuses de dope, et pire encore. Dans ce monde-là, on se fiche bien de savoir si les produits qu'on distribue indistinctement aux très jeunes et aux plus vieux sont mortels. Sauf quand les accidents mettent en péril le business. Dans ce monde-là, la beauté, l'argent et le clinquant dissimulent les masques grimaçants de la perdition et de la mort. Double peine donc, puisqu'Aidan s'y trouve à la fois chez lui - il s'enfile allègrement alcool, cocaïne et amphéts, histoire de se fondre dans le paysage - et en danger - après tout, il est encore flic... A la recherche d'Isabelle, qu'il trouvera très vite, Aidan va rencontrer des êtres fragiles, au bord du précipice, des femmes très jeunes, très belles et très insaisissables, des hommes pourris jusqu'à la moëlle, d'autres qui, derrière des apparences repoussantes, dissimulent une véritable humanité. Parviendra-t-il à accomplir sa mission ? A quels obstacles va-t-il se heurter? Quelles découvertes va-t-il faire ? Vous n'imaginez même pas...
Il va être le témoin du pire, jamais du meilleur, avec un des points culminants dramatiques du roman lors d'une soirée dans une somptueuse propriété de Sycamore Way, qui va servir de tombeau à une poignée d'adolescents agonisants, victimes de la dose fatale. Au début du chapitre suivant, Joseph Knox écrit un paragraphe qui résume bien l'atmosphère crépusculaire du roman : « La lumière du jour était épouvantable. Elle illuminait les fous, les malades au stade terminal, remis en liberté pour la journée, riant, pleurant et pissant dans leurs frocs dans les rues. C'était comme lorsque les lumières des pubs se rallumaient pour la dernière commande : les jolies femmes redevenaient ordinaires et les hommes se montraient tels qu'ils étaient, sous leur plus mauvais jour. Laids, identiques. »
Dans Sirènes, il fait toujours nuit, même quand il fait jour.
L'enquête d'Aidan Waits est une véritable descente aux enfers urbaine, telle qu'on en lit peu par les temps qui courent. Un style brillant, un vocabulaire et un sens de l'image rares, une narration qui ne cède jamais à la facilité ni au manichéisme, des personnages complexes et bouleversants : Sirènes est une authentique révélation, à ne rater sous aucun prétexte.
Et on est heureux d'apprendre que le deuxième volume des enquêtes d'Aidan Waits paraîtra en 2019 chez le même éditeur.[/size]
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Dernière édition par norbert le Sam Mai 20, 2023 3:06 pm; édité 1 fois
Premier roman d’un ancien libraire anglais, Sirènes est une plongée vertigineuse dans les nuits de la ville de Manchester. Une vie parallèle s’y est créée, illustrée par une galerie de personnages représentant les différentes strates de la société anglaise. Un roman noir social d’une grande justesse.
Aidan Waits est un jeune inspecteur torturé, accro aux amphétamines et quasi alcoolique. Il est en chute libre après avoir été rétrogradé, jusqu’à ce que son chef lui demande d’infiltrer le réseau de drogue de Zain Carver, le plus gros fournisseur de Manchester. Il se sert de jeunes filles, ses « sirènes », pour récupérer l’argent de la drogue. Or, l’une d’elles se trouve être la fille d’un homme politique influent. Aidan est chargé de la ramener chez son père. Trois mondes vont alors se télescoper violemment.
Nous naviguons entre la haute bourgeoisie mancunienne et les bas-fonds de la ville, plongeons dans les pubs et squats de junkies, pour finir dans des villas et appartements luxueux. Ultra-réaliste, ce roman noir urbain nous dévoile les facettes les plus sombres de la ville. Il brouille les pistes en jouant sur les faux-semblants, chaque personnage ayant sa part d’ombre. Joseph Knox nous fait découvrir Manchester by night, peuplée de personnages cabossés au passé douloureux, dévastés par les drogues et l’alcool.
PAGE — Vous avez été barman, libraire puis acheteur pour Waterstones. Comment en êtes-vous venu à l’écriture ? Quelles ont été vos principales inspirations ?
Joseph Knox — D’une certaine manière, j’ai toujours écrit. J’étais un drôle d’enfant, anxieux et insomniaque. Mes parents se sont vite rendu compte que le meilleur moyen pour m’empêcher d’errer à travers la maison tard dans la nuit était de m’offrir des livres. Puis je me suis penché sur la collection familiale, si bien que j’en suis arrivé à lire des ouvrages sur les théories du complot de mon père ou l’intégrale des Dickens dont ma mère avait hérité. Sauter de l’un à l’autre était très amusant et je suis véritablement tombé amoureux du sentiment de découverte. J’ai ensuite pris conscience qu’avec un crayon et du papier, je pouvais écrire mes propres histoires. J’ai alors passé d’innombrables nuits, étranges mais plaisantes, où, éclairé à la lampe de chevet, j’écrivais des pièces de théâtre et des sketches.
P. — Le roman décrit le côté sombre de Manchester avec un réalisme à couper le souffle. Est-ce un milieu que vous connaissez personnellement ou avez-vous enquêté ?
J. K. — J’ai personnellement acquis une expérience concrète de cet aspect de Manchester. C’est là-bas que j’ai eu pour la première fois le cœur – mais aussi le nez – brisé. J’y ai fait mes études, j’y ai grandi, mûri. J’étais, à l’époque et de manière générale, pauvre, affamé, saoul, drogué et, pour couronner le tout, je travaillais dans des bars. Il y avait un bar en particulier où j’ai travaillé et qui m’a beaucoup inspiré pour ce roman. Par ailleurs, le moment qui fut pour moi décisif dans la création de Sirènes est une fête clandestine à laquelle je suis allé, très semblable à celles que peut organiser Zain Carver dans le livre. Je lisais à l’époque Gatsby le Magnifique et j’ai pensé qu’en faire une sorte de remake noir pourrait être passionnant. Au lieu de ces somptueuses soirées jazzy à la Gatsby, nous aurions ces soirées illégales organisées par Carver. À la place de l’amour perdu de Gatsby, j’affublerais Carver d’une petite amie disparue. Enfin, à la place d’un voisin un peu naïf, séduit par ce monde, je créerais un détective qui, malgré lui, y serait attiré comme un aimant. Je suis rentré chez moi en pensant que je pouvais écrire ce roman en quelques mois, à condition de travailler vraiment dur. Finalement, ça m’a pris huit ans.
P. — La dimension sociale est très prégnante dans votre roman. Souhaitiez-vous dès le départ confronter des personnages issus de milieux différents ?
J. K. — Absolument, oui. C’est une des raisons pour lesquelles ce roman fonctionne particulièrement bien dans une ville telle que Manchester qui connaît des disparités sociales gigantesques entre les plus riches et les plus pauvres. Carver a créé un empire en vendant de la drogue et sait trouver les mots qui vont précisément toucher les jeunes. C’est d’ailleurs très intéressant de souligner que l’empire bâti par Rossiter, le politicien dont la fille a disparu, est du même acabit. Si ce n’est qu’il vend de l’alcool et que cette forme de drogue est légale. Mais globalement, mon objectif a toujours été de proposer des personnages qui ne sont ni bons ni mauvais. Je veux que les criminels que je dépeins possèdent aussi quelques qualités humaines et que mes victimes dissimulent parfois de lourds et sombres secrets qui peuvent changer le regard que les autres portent sur eux.
P. — L’inspecteur infiltré Aidan perd peu à peu conscience de sa mission, de la légalité et se perd lui-même. Comment avez-vous construit ce personnage aux multiples facettes, tout en mêlant quête personnelle et enquête ?
J. K. — Aidan est un personnage que j’ai construit et travaillé sur plusieurs années. Plusieurs de mes nouvelles avaient pour personnage principal un petit garçon séparé de sa mère abusive et pris en charge par l’assistance publique. Alors qu’il traverse cette épreuve, il est également séparé de sa jeune sœur. Bien que ça n’apparaisse que par touches dans l’intrigue de Sirènes, c’est un pan de l’histoire du personnage que j’avais déjà élaboré. Lorsque vous dites que ce personnage a tendance à perdre de vue sa mission, au point d’en oublier la loi, au point surtout de se perdre, de s’oublier, je pense que c’est très juste. Aidan a quelque chose du héros classique de littérature noire, abîmé par la vie, capable du pire mais qui, on l’espère, finira par s’en sortir. Le plus gros problème d’Aidan est qu’il est autodestructeur. C’est notamment ce qui participe à la tension de Sirènes car il n’est pas en mesure de reconnaître cet aspect de lui-même, de le contrôler ou d’en faire bon usage pour aider d’autres personnes. Dans le deuxième tome, Chambre 413, Aidan est déjà un peu plus mature et déterminé à ne plus refaire les mêmes erreurs qu’il a pu faire dans Sirènes. Malheureusement, la noirceur du monde continue de l’attirer et de le tirer vers le bas.
Lu et conseillé par :
Librairie L'Écriture à Vaucresson - Anne-Sophie ROUVELOUX
Librairie Page et Plume à Limoges - Sébastien LAVY
Librairie des Halles à Niort - Joachim FLOREN
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Dernière édition par norbert le Sam Mai 20, 2023 3:09 pm; édité 2 fois
Les sirènes, ce sont ces trois femmes qui vont causer la perte de Aidan Waits, jeune flic de la Criminelle à Manchester. Trois femmes impliquées dans le trafic de came, d'héroïne surtout, qu'organise savamment Zain Carver, petit parrain de la cité. Il y a Sarah Jane, "beauté cruelle" qui fait portier et veille sur le Maître, connaît tous ses secrets. Et puis il y a Catherine, une "fille à part", encaisseuse pour Carver dans les pubs qui lui appartiennent. Enfin, il y a Isabelle Rossiter, 17 ans, fille du secrétaire d'Etat à la Justice. Lequel vient de demander à Aidan Waits de la protéger d'elle-même, de la ramener éventuellement à la maison. Waits, lui-même aux prises avec les amphets, a une enquête interne qui lui colle au cul depuis qu'il a fauché de la coke dans le bureau des pièces à convictions. Son supérieur le démet de ses fonctions pour lui permettre de mieux pénétrer le monde de Zain Carver et pourquoi pas répondre aux attentes du ministre Rossiter.
Polar très noir, Sirènes, première oeuvre de l'Anglais Joseph Knox, répond à tous les codes du genre : intrigue à triple tiroir, violences physiques entre hommes mais surtout sur les femmes, rivalités entre criminels, errances urbaines, drogues diverses et en surconsommation... Alors qu'est ce qui pourrait faire l'originalité de ce roman ? La présence des femmes justement, au coeur d'un trafic de stupéfiants ; sans en être, loin s'en faut, les cerveaux, elles en sont les rouages et les victimes à divers degrés. Prisonnières d'un milieu qui ne peut pas tolérer les faibles, un monde cannibale où, malgré leur beauté, leur intelligence, elles vont se faire broyer. Knox a vraiment ce regard sensible sur Isabelle, Sarah Jane, Catherine mais aussi sur cette fille disparue depuis dix ans, après avoir voulue témoigner contre la Franchise, le système mis en place par Carver.
Parfois, c'est aussi un des codes du genre, le lecteur se perd dans les pistes avec la multiplication des personnages secondaires, de Grip à Kernick, Laskey, Riggs, Neil, White, le Virus... Mais on retombe sur ses pieds, un peu secoué, déstabilisé par tant de sales coups, de tabassages, de meurtres aussi. Manchester est violente, dure, il y a une forme de fatalité, d'impossibilité à circonscrire l'énormité, la complexité de ce trafic.
Sirènes n'est sans doute pas le polar de l'année mais il demeure un très bon roman du genre, bien construit, avec une sale ambiance, un sacré décor nocturne. Forcément, on attend la suite des oeuvres de Joseph Knox.
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Dernière édition par norbert le Sam Mai 20, 2023 3:12 pm; édité 2 fois
Posté le: Mer Sep 25, 2019 9:01 am Sujet du message:
Vraiment un très bon polar urbain anglais que je conseille vivement, un suspense captivant avec son atmosphère nocturne électrique, son jeune flic infiltré attachant, Aidan Waits, qui va frôler la ligne jaune et être durement éprouvé, et de beaux personnages féminins, touchants et très bien campés.
À découvrir en poche aujourd'hui en librairie :
On retrouvera une nouvelle enquête d'Aidan Waits dans Chambre 413, le nouveau roman du prometteur Joseph Knox, à paraître mercredi prochain 2 octobre au Masque :
Citation:
« Habituellement, je ressentais la présence d’un cadavre comme une absence, mais dans ce cas précis, j’avais l’impression qu’un trou noir s’ouvrait devant moi. »
Tournant le dos à sa vie d’avant, indifférent à son avenir, l’inspecteur Aidan Waits s’est résigné à intégrer la patrouille de nuit – cycle sans fin d’appels insignifiants et de solitudes insolubles. Jusqu’à ce que lui et son coéquipier, l’inspecteur principal Peter Sutcliffe, soient dépêchés au Palace, un immense hôtel désaffecté au cœur d’une ville en ébullition. Sur les lieux, dans la chambre 413, ils découvrent un homme. Il est mort. Et il sourit. On a retiré toutes les étiquettes de ses vêtements. On a limé et remplacé ses dents. Même ses empreintes digitales ne sont pas les siennes. Seule une pièce cousue à l’intérieur de son pantalon donne un indice sur son ultime acte désespéré…
Tandis qu’Aidan s’immerge dans le passé de l’inconnu, il se rend compte qu’un fantôme surgi du sien hante le moindre de ses faits et gestes. Mystérieux incendies, appels anonymes et menaces pures et simples : Aidan va devoir affronter ses démons avant de découvrir la véritable identité de l’homme de la chambre 413.
« Les écrivains de la trempe de Joseph Knox se manifestent rarement plus d'une fois par génération. Chambre 413 est un chef-d'oeuvre de la littérature policière. » Metro
Présentation du roman par l'auteur :
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Dernière édition par norbert le Lun Jan 13, 2020 12:57 pm; édité 1 fois
Jeune inspecteur inexpérimenté mais déjà borderline, la faute à une fascination certaine pour la nuit et pour la drogue, Aidan Waits n’est pas loin de se faire virer de la police de Manchester. C’est cette tendance à flirter avec les limites qui en fait l’homme idéal pour approcher Zain Carver, qui tient le trafic de drogue et un certain nombre de boîtes de nuit de la ville, et Isabelle Rossiter, fille fugueuse d’un député puissant et sulfureux. Dans le sillage des sirènes, les filles chargées de collecter l’argent du trafic, Aidan Waits va pénétrer dans le monde de Zain. Peut-être jusqu’à s’y perdre.
Dit comme ça, on se dit qu’on a lu ce genre de roman environ mille fois. Ce n’est d’ailleurs pas totalement faux. Il est d’autant plus remarquable dès lors que Joseph Knox arrive à sortir du lot.
Il y a d’abord ce héros, presque archétypal mais fort bien incarné et dont Knox arrive à faire un personnage véritablement ambigu. Partagé entre sa fascination pour le milieu dans lequel il pénètre et si ce n’est l’envie, du moins le besoin de garder sa place dans la police, mais aussi entre le dégoût que lui inspirent sa hiérarchie et Rossiter et son attirance pour certaines sirènes, Waits se consume littéralement sous nos yeux. Opiniâtre ou juste engagé sur une pente trop glissante pour pouvoir en sortir, c’est avec une certaine fascination qu’on le voit s’enfoncer.
Il y a ensuite une ambiance que Joseph Knox installe avec aisance. Malsaine, lourde de menaces, qui maintient une tension constante, elle est pour beaucoup dans la manière dont le roman agrippe le lecteur.
Tout cela associé à un récit haché par les diverses pertes de connaissance d’Aidan Waits, entre abus de drogues et d’alcool, épuisement et passages à tabac, donne l’impression de découvrir cette histoire à la lumière d’un stroboscope.
Si Sirènes ne changera sans doute pas l’histoire de la littérature noire, il n’en demeure pas moins que, intelligemment construit, bien écrit, percutant, il est de ces livres que l’on n’a pas envie de lâcher une fois qu’on les a commencés.
Polar efficace et avec un héros incontestablement attachant, il vaut donc le détour.
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Joseph Knox, "Chambre 413" : quand un auteur tient ses promesses
Le premier roman de Joseph Knox, Sirènes (voir chronique ici ) révélait un auteur inspiré, tourmenté, surdoué. Dans l’interview qu’il m’accordait lors de Quais du polar à Lyon (à lire ici), où il présentait son premier roman, il m’avait prévenue : « Je pense que le deuxième est bien meilleur ! Le premier, j'ai la sensation que c'était du pur instinct. Je l'adore parce qu'il a changé ma vie, mais je pense que pour le deuxième, je contrôle mieux les choses. »
J’ai pris cela pour une promesse, et elle est tenue haut la main…
Chambre 413 commence par une scène de cauchemar, première d’une série de « flashes » qui vont émailler tout le roman. Tout de suite après, nous sommes replongés dans la vie de la patrouille de nuit : Aidan Waits et son coéquipier Sutcliffe - qu’on appelle plus volontiers Sutty, vu sa fâcheuse homonymie avec le célèbre éventreur du Yorkshire – répondent à un appel venant d’une résidence étudiante de Manchester. Une jeune fille est victime de harcèlement : un homme avec qui elle a couché une fois menace de rendre publique une vidéo de leurs ébats si elle ne veut pas "remettre le couvert".
C’est Aidan Waits qui s’y colle : Sutty n’a pas beaucoup de goût pour ces histoires de filles, comme il dit. Il n’a pas de goût pour grand-chose à vrai dire, c’est même pire que cela. Selon Aidan, son partenaire nocturne n’a pas de plus grand plaisir que de voir les humains s’enfoncer aussi bas que possible. Misogyne, misanthrope, raciste, odieux, Sutcliffe a choisi la patrouille de nuit. Aidan, lui, vu son passé pour le moins chargé, n’a pas vraiment le choix. Le maître-chanteur vit dans un des nouveaux appartements luxueux de Manchester, et Aidan va lui rendre une petite visite et se montrer dissuasif. Mais Aidan ignore encore à qui il a affaire : l’homme dirige une web TV d’extrême-droite, et dispose d'un réseau puissant…
La nuit n’est pas finie. Direction le centre de Manchester. L’appel vient de l’ex-Palace Hôtel. C’est la responsable de la société immobilière chargée de la vente du bâtiment qui donne l’alerte : l’alarme s’est déclenchée, et le veilleur de nuit ne l’a pas arrêtée. Et pour cause, on le retrouve assommé au 3° étage. Et la fête continue… Aidan grimpe jusqu’au 4° étage de ce bâtiment désert, désolé, aux portes fermées. Sauf celle de la chambre 413, une suite qui a dû être somptueuse. Là, un homme est assis face à la fenêtre, immobile. Mort. Elégament vêtu, de type moyen-oriental, le regard bleu acier, et les lèvres largement ouvertes sur une dentition éclatante, en un sourire terrifiant. L’homme est impossible à identifier : plus d’empreintes, aucun papier, aucune étiquette sur ses vêtements. L’affaire promet d’être ardue.
Elle va l’être, bien plus qu’Aidan ne l’imagine. Cette enquête-là va tourner entièrement autour de la question de l’identité : qui est qui, au-delà des apparences ? Faux-semblants, fausses pistes, fausses victimes, faux coupables : comment le malheureux Aidan Waits va-t-il se sortir de cet épouvantable jeu de miroirs ?
Question d’identité pour lui aussi, qui voit ressurgir d’un passé lointain l’être diabolique qui a fait de lui ce qu’il est. Aidan est seul, certes, car son partenariat avec Sutcliffe n’a rien d’une franche camaraderie. Seul, vraiment ? Alors qu’il passe sa vie à recevoir des appels anonymes et menaçants, à trouver dans sa boîte à lettres des courriers anonymes et menaçants, à regarder par-dessus son épaule à la recherche d’un suiveur anonyme et menaçant ? Jamais un moment de répit pour cet homme-là, jamais une lueur d’espoir.
Ajoutons à cela qu’il nourrit la fâcheuse habitude, tout comme le Jack Taylor de Ken Bruen, de se faire sévèrement passer à tabac, et que sa hiérarchie continue à le traiter comme un malpropre dont il conviendrait de se débarrasser, et vous vous ferez une idée de l’état dans lequel se trouve le malheureux Aidan Waits.
Vous aimez votre roman noir très noir ? Joseph Knox est fait pour vous.
Il serait dommage de passer sous silence le style de Joseph Knox : il travaille ses atmosphères comme personne, décrit sa ville sous le soleil écrasant de l’été, esquisse ses décors à coups de crayon puissants, fait naître des personnages qui, d’emblée, prennent leur place dans le récit et l’esprit du lecteur, émaille ses dialogues d’expressions particulièrement fleuries et imaginatives, véritables défis à la créativité de la traductrice !
Il met au service d’un sens du suspense singulier une construction habile et efficace, avec des noms de chapitres inspirés par l’univers musical. Il alterne ainsi les intrigues contemporaines qu’il mène de front et les flash-backs de plus en plus longs qui lèvent le voile, en partie, sur l’effroyable histoire personnelle d’Aidan Waits.
Et ce n’est pas le moindre de ses mérites que de réussir à nous accrocher à de multiples intrigues parallèles, sans jamais nous perdre, tout en tissant sa toile de fond qui finit par unir ces histoires en un drame passionnant, émouvant, éprouvant.
Car au final, c’est sans doute cela la grande réussite de Joseph Knox : parvenir, dès le deuxième roman, à imposer un héros littéraire profondément humain, à développer une fresque urbaine moderne, violente et chaotique, tout en se livrant à une introspection sans concession.
Il y a quatre mois, je vous ai présenté Sirènes (lire ici), premier volet d’une série consacrée à Aidan Waits, flic à Manchester, muté à la patrouille de nuit en guise de « punition » pour corruption, fabrication de preuves et vol et usage de drogue.
Ce premier volet était déjà excellent.
Avec Chambre 413, nous retrouvons Aidan affublé en guise de coéquipier de l’inspecteur-chef Sutcliffe qui lui voue un dégout farouche.
L’enquête qu’ils vont mener va se révéler plus compliquée que prévu mais superbement ficelée autour de la jalousie, de l’adultère, des sextapes, des magouilles financières et des réfugiés qui disparaissent des radars en changeant d’identité.
L’auteur tisse une intrigue complexe où rien n’est ce qu’il paraît être, c’est très bon travail au niveau du scénario.
Parallèlement, on suivra une famille pour le moins asociale : la mère et les enfants sont battus par le chef de famille et l’ainé des enfants assiste le compagnon de sa mère pour des cambriolages et des meurtres. Si on ne voit pas le lien entre les deux intrigues, ce lien enfin révélé apportera beaucoup à l’histoire et au personnage principal.
L'auteur s’attache encore un peu plus à son personnage si imparfait et si touchant, en trouvant ce qui fera mouche et finira par tous nous faire succomber à ce flic paria mais obstiné, au flair indéniable. Un homme profondément humain par son imperfection.
Joseph Knox aborde encore une fois des thèmes classiques du polar mais il se démarque toujours aussi bien. Son style s’affirme et suis la trace de son compatriote David Peace sans avoir à en rougir.
Ce second volet des enquêtes d’Aidan Waits et un vrai bijou de polar, encore meilleur que Sirènes.
J’attends le suivant avec impatience.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Joseph Knox est un auteur intelligent. Il a aussi du talent, ce qui ne gâche rien. Il le démontre avec son deuxième roman, Chambre 413, suite des enquêtes de son détective borderline Aidan Waits.
Appelés pour une agression dans un hôtel désaffecté, Waits et son coéquipier de patrouille de nuit, le très antipathique Peter Sutcliffe, découvrent un cadavre. L’homme mort affiche un sourire aussi immense que crispé et, surtout, est totalement impossible à identifier : il n’a pas de papiers, les étiquettes de ses vêtements ont été découpées, ses doigts n’ont pas d’empreintes digitales, ses dents brillent trop pour être vraies… Si cette affaire est au cœur du roman, d’autres encore préoccupent Waits : une jeune fille dont un patron de presse menace de diffuser les ébats après les avoir enregistrés, de mystérieux coups de fil, aussi, et la réapparition des fantômes du passé.
On l’avait déjà dit à propos de Sirènes, Joseph Knox ne renouvelle pas foncièrement le genre. Résolument tourné vers le polar hardboiled, il en utilise tous les codes et pousse les curseurs au maximum, s’arrêtant tout juste avant qu’ils ne versent dans la caricature. Autant dire que cela donne des romans extrêmement vifs et noirs.
Il y a Aidan Waits, son passé, ses immenses parts d’ombre, la manière dont tout le monde à Manchester, criminels et hiérarchie, attend de le voir chuter définitivement, des femmes malmenées qu’il voudrait sauver, et Sutcliffe, qui prend ici beaucoup d’importance et se révèle plus ambigu que ce qu’il paraît au départ, partagé entre sa haine et son admiration à l’égard de Waits. Il faut dire que la manière dont ce dernier sabote méthodiquement sa carrière et sa vie pour pouvoir, au moins fugacement, se regarder dans une glace force le respect.
Il y a aussi l’atmosphère. Et c’est certainement là que Joseph Knox se montre particulièrement malin. Il aurait été facile de jouer à nouveau sur la fascination qu’exerce la nuit sur Waits, sur ses pertes de connaissances dues autant à ses abus de drogue qu’à des passages à tabac réguliers. Knox choisit de changer de cap.
Aidan Waits est toujours aussi torturé, mais sobre, et c’est moins la nuit qui permet d’installer une ambiance pesante, que la chaleur écrasante qui vient encore alourdir l’aura de menace constante qui poursuit son héros. Et si Waits se prend encore quelques râclées mémorables, elles n’ont ici d’autre intérêt que de montrer à quel point son opiniâtreté agace ses ennemis et combien il est lui-même animé par une rage qui le dépasse bien souvent.
On pourra peut-être regretter une résolution d’enquête qui révèle une histoire un peu trop rocambolesque, tout en convenant que la manière dont Joseph Knox arrive à gérer les différents fils de son histoire sans jamais perdre le lecteur incite au respect.
En l’espace de deux romans, Knox s’impose sans conteste comme un des auteurs de noir sur lesquels il faut désormais compter. Habile conteur, écrivain doué au style imagé et pas dénué d’un certain humour noir, il s’impose grâce à des romans tendus et désespérés et des personnages attachants et fascinants.
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Posté le: Ven Nov 01, 2019 9:43 pm Sujet du message:
La chronique de Jean-Marc Laherrère sur Actu du Noir :
Citation:
Sirènes
Autre auteur découvert pendant TPS, l’anglais Joseph Knox, et j’ai commencé par le commencement avec Sirènes, son premier roman.
Manchester. Aidan Waits est un jeune policier en pleine chute libre. Relégué au service de nuit, il s’est fait prendre alors qu’il prélevait un sachet de cocaïne saisi pour sa consommation propre. Son supérieur lui met alors un marché en main. C’est soit le renvoi et la prison, soit il infiltre le réseaude trafic de drogue d’un des caïds de la ville, Zain Carver. Un réseau qui s’appuie entre autres sur un groupe de jeunes femmes qui servent de relais avec les gros points de vente.
En parallèle David Rossiter, député, lui demande de l’aider à faire revenir sa fille de 17 ans qui a fugué et qui aurait été vue dans l’entourage de Carver. Une double mission qui risque de précipiter la descente en enfer de Waits.
Un flic en pleine plongée en enfer, des histoires de trafic de drogue, une ville la nuit, la corruption et le monde politique … On est dans du grand classique, mais ce n’est pas une raison pour bouder son plaisir.
Car si on est dans le classique, c’est le bon, voire le très bon.
Joseph Knox qui, au travers de son personnage, s’attache particulièrement aux victimes les plus fragiles et fait preuve d’une véritable empathie se situe dans la lignée des romans de Robin Cook ce qui, avouez-le, est une très belle référence. Certes, je ne dis pas que Joseph Knox est le nouveau Robin Cook, il n’y a pas de nouveau Robin Cook. Mais pour moi la filiation est là.
Un personnage principal très fragile, et en même temps capable d’encaisser le pire et de se relever, un décor nouveau (je n’avais pas encore lu de polar se déroulant à Manchester), une véritable puissance d’évocation dans certaines scènes se déroulant dans les bas-fonds de la ville, et la peinture sans concession de la corruption policière et politique, tout pour plaire chez cet héritier de Robin Cook ou Ted Lewis pour situer les influences que j’ai cru déceler chez cet auteur.
Comme l’intrigue, malgré parfois quelques complications peut-être inutiles, est dans l’ensemble bien menée, avec deux ou trois coups de théâtre que je n’avais pas du tout vu venir, et qu’on s’attache énormément à Aidan Waits, je ne peux que conseiller ce premier roman, et je vais de ce pas me procurer le second déjà paru d’une série très prometteuse.
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Posté le: Jeu Déc 05, 2019 10:46 pm Sujet du message:
La chronique de Jean-Marc Laherrère sur Actu du Noir :
Citation:
Chambre 413
J’ai découvert Joseph Knox lors du dernier Toulouse polars du Sud. Et comme la lecture de son premier roman, Sirènes, m’avait convaincu, j’ai réédité avec le suivant, Chambre 413.
Aidan Waits est donc flic à Manchester. Un flic qui n’a pas vraiment la côte auprès de sa hiérarchie. Pris la main dans le sac de came, il est obligé d’obéir aveuglément à son supérieur. Après avoir été détaché pour une mission d’infiltration dans Sirènes, il revient aux patrouilles de nuit avec l’abominable Sutcliffe, qui hait le monde entier, et plus particulièrement ceux qu’il a sous la main, à savoir Aidan.
Alors qu’une chaleur étouffante écrase la ville, les deux flics découvrent un cadavre dans une chambre d’un grand hôtel désaffecté en attente de vente. Rien ne permet de savoir qui est cet homme qui a rendu ses dents et empreintes digitales non identifiables, et coupés toutes les étiquettes de ses vêtements. Le début d’une enquête qui va tenir Aidan sur le pont jour et nuit, alors que son passé vient le rattraper.
Chambre 413 confirme tout le bien que j’avais pensé de Sirènes. On verra ce que va donner la suite, mais avec ce deuxième roman, je suis impressionné par la capacité de ce jeune auteur à garder une continuité tout en évitant les redites.
Continuité grâce au personnage d’Aidan Waits, toujours fragile et têtu. Un personnage dont il révèle avec un vrai sens du suspense des pans importants de ses traumatismes (le mot est faible) d’enfance. Continuité parce que nous sommes toujours à Manchester, et continuité dans son empathie pour les victimes, pour les plus faibles.
Mais Joseph Knox dans le même temps n’écrit pas le même roman. Il quitte le monde des truands et des trafics de drogue, remplace les errances de nuit par la chaleur étouffante de l’été, nous décrit un Aidan qui, peu à peu, se détache de la drogue (finis les gros trous noirs, les pertes de mémoire et les lendemains atroces) et donne une importance grandissante à l’abominable Sutcliffe qui était à peine présent dans le premier roman.
Du changement dans la continuité, toujours du très beau travail, une intrigue assez étonnante, et l’émotion de ces personnages désespérés. Joseph Knox semble parti pour s’installer dans la continuité des illustres anciens, de Ted Lewis à Robin Cook, et c’est tant mieux.
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Posté le: Dim Mai 24, 2020 8:47 am Sujet du message:
Je viens de finir Sirènes, et j'ai beaucoup aimé! J'attaque la suite, du coup...
J'ai voté sur le site :
Un jeune flic anglais infiltré qui évolue dans les milieux des trafiquants de drogue et des laissés-pour-compte; lui-même enfant abandonné, déprimé et consommateur de drogue, a tout ce qu'il faut pour se fondre dans ce monde sinistre et violent. Un peu Charlie Parker, un peu Jack Caffery... Raconté à la première personne, on se laisse emporter par cet étrange policier qui poursuit sa propre idée de la justice. Un très bon roman que j'ai dévoré!
Posté le: Lun Mai 25, 2020 7:05 pm Sujet du message:
J'ai trouvé la suite Chambre 413 encore meilleure! Je viens de la finir et de mettre mon avis sur le site :
Très bon! Pour preuve, j'ai fini Sirènes hier et je finis la suite ce soir! Je l'ai trouvé encore mieux que le premier et je l'ai littéralement dévoré. C'est bien construit, avec un bon rythme, et les personnages sont intéressants - les récits sont sordides et violents, mais racontés avec pudeur, sans étalage d'horreur, c'est dosé juste comme j'aime : une lecture bien agréable à s'offrir!
Age: 60 Inscrit le: 07 Mar 2020 Messages: 861 Localisation: 77 sud
Posté le: Dim Oct 11, 2020 8:36 pm Sujet du message:
Bonjour
Je viens de finir
mon vote sur PP
Je découvre ce jeune auteur avec un thriller très noir , je dirais même qu'il est plus noir que thriller .
Cà n'as pas été facile de rentrer dans ce bouquin ,avec une histoire qui au début ne m'as pas réellement passionnée , je la trouvais trop compliquée ,que çà partait trop dans tous les sens ,bref pas vraiment convaincu .
Et puis petit à petit grâce a l'excellente écriture de l'auteur ,je me suis accroché et ma foi je me suis surpris à prendre un certain plaisir à découvrir la deuxième partie du roman .
C'est l'histoire d'un jeune flic déchu ,plus que borderline ,pas plus attachant que çà ,qui doit infiltrer "La Franchise" , un réseau de drogue de la ville de Manchester afin de peut être se faire réhabiliter dans ses fonctions . En parallèle , il doit aussi retrouver la fille fugueuse d'un député haut placé .
L'auteur nous emmène dans une aventure bien noire ,poisseuse à souhait dans les bas fonds de Manchester.
Ce roman a été pour moi déroutant , pas facile de mette un commentaire sur ce livre tellement mes perceptions de ce bouquin ont été changeantes tout au long de sa lecture et donc au final peu sure .
en gros je n'ai pas totalement adhéré a l'histoire mais impossible de lâcher ce bouquin avant la fin .
pour finir je voudrais citer cette phrase qui n'est pas de moi mais qui résume parfaitement ma pensée sur ce bouquin...
"Je sors de ce livre avec une gueule de bois , sans pouvoir dire que j'ai aimé, mais incapable de nier que le job est fait".
La suite existe , bon ben y'as plus qu'a... _________________ Je vais toujours bien.....ou presque
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