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clémence Serial Killer : Patrick Bateman
Age: 41 Inscrit le: 10 Sep 2009 Messages: 882 Localisation: Ain
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Posté le: Sam Nov 05, 2016 8:41 am Sujet du message: Rouge Armé - Maxime Gillio - Ombres Noires |
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Rouge Armé est sorti le 2 novembre 2016 chez Ombres Noires.
Patricia, journaliste au Spiegel, enquête sur les personnes qui, dans les années soixante, ont fui l’Allemagne de l’Est au péril de leur vie. Inge est passée de l’autre côté du Mur quarante ans plus tôt et accepte de lui raconter son enfance, son arrivée à l’Ouest, son engagement…
Mais certains épisodes de la vie d’Inge confrontent Patricia à ses propres démons, à son errance.
Leur rencontre n’est pas le fruit du hasard.
Dans les méandres de la grande Histoire, victimes et bourreaux souvent se croisent. Ils ont la même discrétion, la même énergie à se faire oublier, mais aspirent rarement au pardon.
Je l'ai lu d'une traite tellement c'est bon. Mon avis à venir juste dessous. |
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clémence Serial Killer : Patrick Bateman
Age: 41 Inscrit le: 10 Sep 2009 Messages: 882 Localisation: Ain
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Posté le: Dim Nov 06, 2016 7:43 pm Sujet du message: |
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J'avais déjà lu quelque prose de l'auteur, ici dans un recueil, là dans un roman policio-déjanté, j'ai découvert avec Rouge Armé une toute autre facette de Maxime Gillio et j'ai été bluffée.
Sonnée par ce roman qui traite avec brio d'un sujet sensible (= casse-gueule). Les Sudètes, c'est quoi, c'est qui ? Si j'ai bien compris, ce terme désigne à la fois le territoire et la population qui y habite : une zone frontalière entre la Tchécoslovaquie (à l'époque) et l'Allemagne. et donc par extension les Allemands de cette région qui ne se sentent reconnus nulle part ailleurs, ni vraiment d'un bord ni de l'autre, subissant le syndrome du migrant que ce soit en Allemagne ou en République Tchèque.
" Vous êtes une fille de la guerre, une expulsée, rapidement orpheline, adoptée par une famille véhiculant elle-même son lot de drames".
La documentation est excellente, j'imagine le travail de fourmi pour d'une part rassembler tous les éléments, les lier entre eux, et surtout, prouesse rare, les distiller sans jamais créer de lourdeur narrative. Là un passage en version originale (en allemand, donc - traduit !), ici, quelques notes en bas de page pour rapidement situer le contexte, là encore une anecdote historique mêlée au roman, qui mine de rien apporte de la compréhension générale à l'Histoire dans laquelle se situe Rouge Armé.
La thématique abordée est tristement d'actualité. Sortir un tel livre aujourd'hui, c'est être certain que le lecteur saura suivre le fil tissé entre les époques. Le migrant d'hier et celui d'aujourd'hui, l'influence politique, les combats pour des valeurs, etc.
"Ce passage à l'Ouest, justement. Vous me le racontez ?
(...)
Chaque fois que j'y repense , je me dis que le temps passe si vite, que l'Histoire ne fait que se répéter."
Et puis, la chute du Mur, ce n'est pas si loin, j'ai encore le souvenir des infos de 20 heures qui ont annoncé l'effondrement de ce "mur de la honte", il y aura 27 ans dans quelques jours.
Que dire du destin de ces deux femmes qui portent le roman sans le trahir ?
Patricia trimbale sa carcasse déguingandée, fêlée de partout, négligée mais opiniâtre, dans une attitude de chien de garde (ou de chasse, d'ailleurs) savamment travaillée. Inge s'en sort un peu mieux question apparences dans le rôle de la grand-mère au passé dense mais on se rend vite compte que la tempête gronde en sous-marin.
J'ai trouvé qu'il y avait du "Long Moment de Silence" (de Paul Colize) dans ce roman. Le sujet traité, les différentes histoires qui se côtoient, se frôlent dans des danses parallèles. Maxime Gillio réussit à ordonner parfaitement une histoire plutôt compliqué : les paragraphes s’enchaînent, les mots sont choisis, le lourd alterne avec l'humour pour permettre au lecteur de respirer entre deux passages dont la gravité tord le ventre. C'est très bien écrit, dosé comme il faut. Combien de temps ça prend pour sortir une telle histoire de son chapeau et si bien l'écrire ?
Je suis allée vérifier la définition du mot qui va suivre dans le dictionnaire avant de l'employer, mais je pense qu'avec ce livre qui parle du combat des femmes, Inge, Patricia, mais aussi des autres qui parsèment le roman, on a affaire à quelque chose qui confine au féminisme. Pas dans sa dimension MLF et trop galvaudée de nos jours façon égalité hommes-femmes (encore que), mais dans son côté honorifique, si j'ose m'exprimer ainsi. Il ne s'agit pas là de gommer les différences entre genres mais bien de rendre hommage aux femmes d'exception, c'est à dire toutes celles et chacune qui se bat(tent) au quotidien au nom de leurs valeurs et de leurs idéaux. On adhère ou non, il y a de l’extrémisme dans ce bouquin, c'est évident. De l'intensité, toujours.
On trouve aussi et surtout de l'amour familial en exergue à chaque détour de page et en point d'orgue, la maternité en filigrane, ce fabuleux espoir, cette valeur saine, vieille comme le monde mais novatrice à chaque fois que le miracle de la vie jaillit.
Un magnifique roman, qui au vu de la force qui s'en dégage, a probablement un écho très personnel pour l'auteur.
J'ai adoré ! |
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Alice Serial Killer : Patrick Bateman
Age: 44 Inscrit le: 19 Mai 2011 Messages: 554
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Posté le: Lun Nov 07, 2016 11:23 am Sujet du message: |
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merci de nous faire partager un tel enthousiasme Clémence ! C'est beau ça vient d'une passionnée... _________________ Sometimes the obvious occludes the truth. And sometimes things are exactly as they appear.
Saints of NY _ R. J. Ellory |
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Hoel Patrick Kenzie (modo)
Age: 36 Inscrit le: 06 Oct 2005 Messages: 11462 Localisation: Au bout du monde
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Posté le: Dim Déc 10, 2017 11:30 pm Sujet du message: |
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Mon avis vient de paraître sur Polars Pourpres.
Citation: | Histoires dans l'Histoire
Přestanov, Tchécoslovaquie, 1943.
Anna a beau être une citoyenne tchèque et avoir un comportement exemplaire, elle se met à craindre les réactions des habitants de son village. Elle n'a rien à se reprocher mais elle sent bien que la tension est palpable dès qu'elle arrive quelque part. Les regards se font fuyants, les conversations se muent en messes basses. La raison ? Elle est sudète, c'est- à-dire tchèque d'origine allemande. Pire, son mari est parti au front avec les Nazis.
Heidenau, Basse-Saxe, 2006.
Patricia est journaliste au Spiegel. Elle prépare un livre sur les Est-Allemands qui ont réussi à rallier l'Ouest après l'instauration du rideau de fer. Pour ce faire, elle a consulté les archives de la Stasi et se rend chez des personnes âgées pour collecter leurs témoignages. Celui d'Inge ne la laissera pas indifférente.
Outre les sommes de témoignages et autres documentaires, la littérature, tout comme le cinéma, nous a proposé de nombreuses fictions de qualité sur la Seconde Guerre mondiale, la partition de l'Allemagne puis la rivalité RFA/RDA. Alors un énième roman sur ce sujet, écrit par un jeune Français qui plus est... L'on pouvait émettre quelques doutes.
Quelques poncifs sont au rendez-vous, il est vrai, mais pouvait-il en être vraiment autrement ? Pour autant, le texte de Maxime Gillio vaut le détour, pour la qualité de ses personnages comme pour celle de son intrigue à tiroirs.
Si le roman met en scène de multiples personnages à travers les décennies, le nœud de l'intrigue repose sur le dialogue entre Inge et Patricia. La vieille dame, peu avenante pour ne pas dire acariâtre au départ, va s'adoucir peu à peu en apprenant à connaître Patricia. La journaliste quant à elle, sur le fil du rasoir et à l'extrême limite du burn out, n'est pas sans rappeler Carole Matthieu, le médecin du travail à l’œuvre dans Les visages écrasés de Marin Ledun et incarnée à l'écran par Adjani. Patricia n'arrive pas à avoir d'enfants, enchaîne les conquêtes d'un soir et boit en se désespèrant de trouver l'âme sœur. En se livrant à Inge presque autant qu'elle recueille son témoignage, sa carapace va se fissurer.
Rouge armé, de par les sujets évoqués, laissera sans doute certains lecteurs sur le bord du chemin. Les amateurs de polars historiques, en revanche, y trouveront sans doute leur bonheur tant le roman est riche à ce niveau-là, lui qui, des exactions des Einsatzgruppen au terrorisme d'extrême gauche de la Fraction armée rouge, embrasse un demi-siècle d'histoire allemande avec une certaine maestria.
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_________________ Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)
http://hanniballelecteur.wordpress.com/ |
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