Posté le: Dim Jan 31, 2016 7:11 am Sujet du message: La Femme qui avait perdu son âme - Bob Shacochis
Immense succès critique et public aux Etats-Unis, finaliste du Prix Pulitzer en 2014, La Femme qui avait perdu son âme de Bob Shacochis vient de paraître chez Gallmeister, dans une traduction de François Happe.
Le livre :
Jackie Scott, alias Renee Gardner, aussi connue sous le nom de Dottie Chambers ou Dorothy Kovacevic, est retrouvée morte au bord d’une route en Haïti.
Qui était-elle réellement et dans quelles circonstances vient-elle de disparaître ce jour de 1998 ?
Nombreux sont les hommes qui aimeraient répondre à ces questions et comprendre cette femme qui les obsède.
De l’avocat Tom Harrington au membre des forces spéciales américaines Eville Burnette, chacun tente de rassembler les pièces du puzzle.
Mais comment percer le mystère de cette fille de diplomate, familière depuis toujours de ceux qui façonnent l’histoire du monde dans l’ombre des gouvernements.
La Femme qui avait perdu son âme est une fresque envoûtante qui traverse cinq décennies de l’histoire d’un père et de sa fille. Entre roman d’amour et thriller, Bob Shacochis nous entraîne à travers les conflits du monde moderne sur les traces d’une héroïne inoubliable.
Ce livre, finaliste du Prix Pulitzer en 2014 et lauréat du Dayton Literary Peace Prize of Fiction, est considéré comme le Grand Roman Américain de l’ère post-11 septembre.
[Un livre] monumental et passionnant dont le souffle, l’ambition et la densité souffrent difficilement le compagnonnage avec les autres romans de cette rentrée de janvier. Pour qui voudrait comprendre pourquoi l’Amérique se croit sans cesse obligée de se mêler de ce qui ne la regarde pas, pour qui sait que tout bon thriller est aussi un drame shakespearien (et une histoire d’amour), alors, Shacochis sera votre homme.
Olivier Mony, LE FIGARO MAGAZINE
C'est au-delà du bon, c'est exceptionnel. 800 pages de pur bonheur littéraire. […] Une aventure puissante et inoubliable, pleine de violence, pleine de sang, pleine d'amour, aussi, débridée. C'est admirablement écrit, traduit à la perfection.
Bernard Poirette, RTL, C'EST À LIRE
Fresque aux accents shakespeariens, mêlant le thriller au métaphysique, l'humain au géopolitique, La Femme qui avait perdu son âme est le grand roman de l'Amérique post-11 septembre.
Yann Perreau, LES INROCKUPTIBLES
Il faut plus que de l'endurance, disons une absolue confiance, non pas tant en soi-même, mais en la puissance du genre romanesque, pour mener son entreprise comme le fait Bob Shacochis. Refusant de choisir entre roman sentimental, thriller à la John Le Carré et tragédie contemporaine. Renversant la chronologie, saturant son récit d'informations historiques et géopolitiques, semant le trouble sur l'identité des personnages, arrêtant parfois l'histoire le temps de réfléchir ou de méditer. Irriguant sa narration d'interrogations corrosives sur les relations entre religion et politique, foi et sentiment patriotique. Ce formidable roman, sentimental et politique, embrasse le seconde moitié d'un XXe siècle meurtri par la violence. Le retour d'un grand auteur américain.
Nathalie Crom, TÉLÉRAMA
La Femme qui avait perdu son âme est un long roman d’espionnage, passionnant et trompeur comme le veulent les lois du genre, qui traverse divers pays (Haïti, la Croatie, la Turquie, les États-Unis) et diverses époques (de la fin de la Seconde Guerre mondiale à l’aube des années 2000, on voit apparaître Al-Qaeda) - mais ce qui est aussi espionné est le cœur et l’âme de l’être humain, la part d’humanité et d’inhumanité qu’il y a en chacun, et ce n’est pas le moins passionnant et trompeur.
Mathieu Lindon, LIBÉRATION
Ce n'est pas seulement un roman. C'est une boule à facettes qui multiplie les focales en même temps qu'elle en approfondit.
Hubert Artus, LIRE
Un thriller géopolitique mu par un souffle digne de Graham Greene.
Nathalie Six, AVANTAGES
Un tour de génie oscillant entre roman d'amour, d'espionnage et thriller.
Eliane Gérard, PRIMA
On a toutes les raisons de s’intéresser à un écrivain capable de donner un roman comme celui-ci, qui résonne de toutes les contradictions dans lesquelles nous vivons. Il nous emporte, en puisant à plusieurs registres, du thriller à la romance, à travers quelques grandes énigmes de l’humanité.
Pierre Maury, LE SOIR
Un livre monstre, très documenté et ménageant de spectaculaires retournements de situation qui est plusieurs livres en un : thriller d'espionnage, polar géopolitique, romance sentimentale, chroniques de guerre et peut-être, par dessus tout, un roman familial scrutant les relations entre un père et sa file.
Véronique Rossignol, LIVRES HEBDO
Un chef-d’oeuvre qui tiendra sans doute le rôle du grand thriller politique des années relativement paisibles qui ont précédées le 11 septembre. Une plume miraculeuse et des personnages inoubliables.
SAN FRANCISCO CHRONICLE
L'auteur :
Bob Shacochis est né en 1951 en Pennsylvanie.
Écrivain, journaliste, correspondant de guerre, il a couvert l'invasion d'Haïti en 1994.
Il a obtenu le National Book Award en 1985 pour son premier livre, le recueil de nouvelles Au bonheur des Îles (Gallmeister/Totem, 2016).
Récipiendaire du Prix de Rome de l'American Academy, il enseigne dans plusieurs programmes d'écriture.
Il vit entre le Nouveau-Mexique et la Floride.
Il passera dix ans à l'écriture de La Femme qui avait perdu son âme, son deuxième roman qui a remporté un immense succès aux Etats-Unis et a été finaliste du Prix Pulitzer en 2014.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Age: 47 Inscrit le: 04 Mar 2007 Messages: 1205 Localisation: Paris
Posté le: Dim Jan 31, 2016 10:50 am Sujet du message:
Il me tente beaucoup, mais 800 pages, en ce moment, c'est juste impossible... _________________ "Il faut donc avoir de l'âme pour avoir du goût." (Vauvenargues)
http://cannibaleslecteurs.wordpress.com
Posté le: Dim Jan 31, 2016 11:09 am Sujet du message:
Avec ton programme de lecture je comprends, Dodger !
Un jour ou l'autre je vais me le prendre, il a vraiment l'air assez extraordinaire. _________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Cette année n'est pas une année comme les autres, il s'agit des 10 ans des éditions Gallmeister et je peux vous dire que je compte bien fêter cet anniversaire sur le blog avec des articles, des challenges, etc. : un hommage sur toute l'année bien mérité pour une maison d'exception !
Et cela commence dès aujourd'hui !
La Femme qui avait perdu son âme est un pavé littéraire que l'on dévore en deux jours, une véritable merveille, une pépite, une perle : les qualificatifs ne manquent pas pour décrire ce roman.
Tous les ingrédients sont réunis pour fournir une des meilleures publications de cette maison : une belle couverture, une sublime traduction, une histoire incroyable, des personnages inoubliables.
C'est un véritable chef d'œuvre !
Le gros point fort de ce roman c'est le fait de mélanger une fiction passionnante avec l'Histoire : le lecteur va en apprendre énormément au travers d'une pluralité de protagonistes fascinants, d'une multiplicité de pays traversés et d'évènements historiques cités.
Cela mélange autant l'action via l'espionnage que le pèlerinage introspectif avec des thématiques intimes et philosophiques : la question du destin, de l'identité, de ce pour quoi nous nous battons chaque jour.
Ce roman est l'œuvre de dix ans de travail et on le ressent du fait de l'accomplissement tant dans le style que dans l'intrigue : j'ai été émue, bouleversée, obsédée par cette lecture qui m'a accompagnée pour cette fin d'année.
Vous savez avec quel livre commencer la vôtre !
En définitive, les éditions Gallmeister ont peut-être réussi l'exploit de publier le meilleur roman 2016 dès le 1er janvier !
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Cette année n'est pas une année comme les autres, il s'agit des 10 ans des éditions Gallmeister et je peux vous dire que je compte bien fêter cet anniversaire sur le blog avec des articles, des challenges, etc. : un hommage sur toute l'année bien mérité pour une maison d'exception !
Et cela commence dès aujourd'hui !
La Femme qui avait perdu son âme est un pavé littéraire que l'on dévore en deux jours, une véritable merveille, une pépite, une perle : les qualificatifs ne manquent pas pour décrire ce roman.
Tous les ingrédients sont réunis pour fournir une des meilleures publications de cette maison : une belle couverture, une sublime traduction, une histoire incroyable, des personnages inoubliables.
C'est un véritable chef d'œuvre !
Le gros point fort de ce roman c'est le fait de mélanger une fiction passionnante avec l'Histoire : le lecteur va en apprendre énormément au travers d'une pluralité de protagonistes fascinants, d'une multiplicité de pays traversés et d'évènements historiques cités.
Cela mélange autant l'action via l'espionnage que le pèlerinage introspectif avec des thématiques intimes et philosophiques : la question du destin, de l'identité, de ce pour quoi nous nous battons chaque jour.
Ce roman est l'œuvre de dix ans de travail et on le ressent du fait de l'accomplissement tant dans le style que dans l'intrigue : j'ai été émue, bouleversée, obsédée par cette lecture qui m'a accompagnée pour cette fin d'année.
Vous savez avec quel livre commencer la vôtre !
En définitive, les éditions Gallmeister ont peut-être réussi l'exploit de publier le meilleur roman 2016 dès le 1er janvier !
Posté le: Sam Fév 13, 2016 9:19 am Sujet du message:
>> La chronique-vidéo de Le Rouquin Bouquine, libraire à Nancy (et dont l'enthousiasme est particulièrement communicatif !) :
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Voilà l’occasion de ressortir le concept insaisissable du « grand roman américain » que l’on ne manquera sans doute pas d’accoler ici ou là au livre de Bob Shacochis.
Grand roman américain ?
Allez savoir… grand roman de l’Amérique de la Guerre Froide à nos jours, très certainement.
Et sans doute aussi parce qu’il ne se déroule aux États-Unis qu’à la marge.
Partis d’Haïti en 1996, on passera à la Croatie de 1944-1945 avant de faire un long détour par Istanbul dans les années 1980 et de revenir en Amérique sans négliger quelques petites escapades annexes et quelques aller-retours chronologiques.
Cette femme à la recherche de son âme, c’est Jackie Scott, aussi connue sous les noms de Renee Gardner, Dottie Chambers et Dorothy Kovacevic.
C’est son cadavre qui a été ramassé sur une route haïtienne en 1998 et ce sont les conditions de sa mort que l’avocat Tom Harrington, qui l’a connue, doit éclaircir.
Eville Burnette, soldat des forces spéciales engagées en Haïti entre 1994 et 1996 au sein de la force de maintien de la paix mise en place par les Nations Unies, a lui aussi connu la jeune femme et, comme Tom Harrington, cherche à percer le mystère qu’elle constitue pour lui.
Insaisissable pour les hommes tout comme pour elle-même, ayant vécu la plus grande partie de sa vie hors de son pays, Dottie – appelons-la ainsi – est pourtant au cœur de l’Histoire grise des États-Unis.
« Dans une fulguration de pure clarté, elle comprit aussi que sa vie entière – sa pluralité, le défi de ses improvisations élémentaires, toute cette collection de lieux d’habitation, d’endroits et d’amis, les langues qu’elle apprenait volontiers pour atténuer son caractère étranger – avait été conçue pour faire d’elle un caméléon professionnel, et elle se résolut au fait qu’elle était destinée à vivre de cette façon, comme une actrice dans un théâtre sans mur ni limites ni public. »
Complexe et d’une extrême densité, le roman de Bob Shacochis recèle une multitude de niveaux de lectures.
Chacun y trouvera sans doute le ou les siens – et certains autres, certainement, n’en trouveront aucun – du roman d’espionnage au drame familial intime en passant par la fable politique acérée et la quête existentielle teintée de religiosité.
C’est tout cela qui fait que de nombreuses critiques parlent de La Femme qui a perdu son âme comme d’un roman total.
C’est en tout cas un roman impressionnant par son ambition et la manière dont Shacochis la met en œuvre : faire à travers les yeux d’une femme et de ceux qui la regarde, un portrait lucide, bienveillant parfois et sans concession souvent de l’Amérique et de la manière dont elle a participé à la mise en place du chaos mondial actuel.
Innocentes jusqu’à un certain point, lestées par un lourd héritage, Dottie comme l’Amérique n’en possèdent pas moins un libre arbitre et font des choix conscients.
Il y a aussi, enfin, derrière tout cela la question de la violence des rapports entre hommes et femmes et de leur cruel déséquilibre.
De ce monde et de cette humanité éclatés, Bob Shacochis disperse les fragments avant de guider le lecteur pour qu’il puisse les rassembler à sa façon.
Là encore, ce qui caractérise La Femme qui a perdu son âme, c’est la manière dont l’auteur laisse la possibilité au lecteur de dessiner sa propre carte et d’en tirer les informations qu’il désire.
C’est diablement brillant, d’un accès pas forcément aisé mais propre à stimuler l’intelligence du lecteur sur laquelle compte incontestablement Shacochis.
Belle et louable ambition qui ne peut que séduire.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
La Femme qui avait perdu son âme de Bob Shacochis est un livre monde pour lequel il est préférable de ne pas trop révéler de l’histoire.
Tout de même un contexte, un départ, en trompe-l’œil.
1998, Tom Harrington, avocat et humanitaire, connaisseur du terrain Haïtien est recruté par un agent spécial du FBI à la retraite, Conrad Dolan, pour enquêter avec lui sur la mort d’une américaine, Renee Gardner.
Là-bas, il découvrira qu’il a connu la victime, mais sous un autre nom et d’une manière aussi imparfaite qu’obsessionnelle.
Tout au long du premier livre on se demande qui est vraiment cette femme, Renee/Jackie, soi-disant photographe finalement femme de trafiquant et qui sait, agent de la CIA.
Qui sont ses assassins ?
Et pourquoi cherchait-elle son âme chez les hougans, les prêtres vaudou haïtiens ?
Une seule certitude tout au long de la première partie du roman, le mensonge est partout et rien ne peut être considéré comme acquis quand tous les protagonistes semblent ne détenir que des morceaux de vérités, par manque d’information ou plus souvent par intérêt.
« S’il lui racontait tout, il s’imaginait à juste titre qu’elle voudrait le quitter, ou qu’elle prierait pour le salut de son cœur distant, qui serait le salut d’un homme à un moment donné, dans un endroit et un pays donnés, et non pas le salut d’une âme immortelle, parce que lorsque les Américains prient, ils prient d’abord pour que l’histoire fasse un pas de côté et les laisse tranquilles, ils prient pour la surdité qui va avec une vie confortable. Ils prient pour l’aveuglement apaisant du bonheur, et pourquoi pas ? »
Tout au long du récit, l’auteur joue à cache-cache avec le lecteur.
La façon qu’il a de nous perdre puis de lever par petites touches le voile des événements et des enjeux de la petite et de la grande histoire est admirable.
Bien peu de superflu dans ces 800 pages, où plusieurs histoires nous sont contées.
Cinq parties, cinq livres composent ce roman, transportant le lecteur de la fin de la deuxième guerre mondiale en Croatie aux années 90 entre Haïti, les États-Unis, les Balkans entre autres en passant par les années 80 en Turquie.
De la menace communiste à l’islamisme radical, l’auteur donne à voir comment les États-Unis ont pu soutenir ceux qui allaient devenir leurs ennemis mortels et comment se perpétue l’idée d’une guerre sainte entre le bien et le mal.
Il est en effet beaucoup question de religion, au sens politique du terme, en tant qu’idéologie où tout doute est une hérésie.
Shacochis nous fait suivre une lignée familiale née dans le sang et l’horreur de la guerre : une dyade mère-fils, puis plus tard père-fille, dont les destinées individuelles sont intimement liées aux soubresauts de l’Histoire, subis ou conçus dans l’ombre.
« …l’Amérique était en guerre derrière des tentures d’ombres et de secrets, presque tout le monde au gouvernement considérait l’idée même de la guerre comme un putain de canular complètement dingue, et lui, Burnette, était lui-même en guerre, mais à moitié seulement, étant donné l’indifférence quasi-totale de ses compatriotes à ce conflit, une indifférence qui pourrait se retourner en une foutue seconde, mais pas en sa faveur, si jamais il venait à être publiquement désigné comme un Américain qui menait réellement cette guerre d’une manière que ces dames et messieurs pourraient juger sale et sournoise. Cette disparité existait dans son corps telle une grippe larvée, une infection qui ne voulait pas partir. Et donc il était là, en Bosnie, qui était, comme l’Afghanistan, un terrain de manœuvres en temps de guerre pour les djihadistes, une université où l’on apprenait à abattre les géants, et désormais un havre livré à l’anarchie, au sein d’une équipe de tueurs sans permis de tuer […] libre de tirer tout son soûl sur ses ennemis mortels, les mahométans, les Turcs de l’Antiquité et toutes leurs incarnations modernes. »
Le roman nous parle beaucoup d’identité.
Celle de femmes et d’hommes mais, à travers eux, celle des peuples, marqués par les terres qui seraient leurs et par les religions qui ont façonné leurs regards et leurs haines.
Les lieux influeraient sur les humeurs et les caractères de ceux qui y vivent.
Il y aurait même une âme du lieu, dans laquelle les êtres pourraient ou non s’épanouir, si toutefois ils savaient qui ils sont.
« Ainsi les hommes ont une âme. Ainsi les singes n’en ont pas. Ainsi l’ordination de la violence. Et ceci -Quand une nation perdait son âme, d’où lui venait cette âme, pour commencer ? Quelle était la genèse de l’âme d’une nation ? La réponse semblait être seulement la guerre. »
Derrière la responsabilité privée et historique des hommes se cacheraient des volontés et des désirs qui les dépassent, presque congénitaux, souvent œdipiens.
On découvre avec une fascination presque morbide comment Jackie/Dottie/Renee a perdu son âme.
Par besoin de protection, dans une lucidité féroce mais sceptique de ce qui est perdu et ne reviendra pas.
De la haute trahison du père et de (presque) tous les hommes.
Ces hommes qui se révèlent à son contact, au-travers des émotions qu’elle suscite chez eux, la plus sérieuse trivialité qui soit.
Son père, Steven Chambers/ Stjepan Kovacevic, le plus grand mystère du roman finalement, un homme marqué par l’horreur dès l’enfance, fou de Dieu, homme de l’ombre dont les haines sont mises au service de qui de quoi ?
Un État, une vision du monde, une folie tout à la fois.
Derrière la fiction, le regard du journaliste, correspondant de guerre et ancien membre des Peace Corps est palpable.
Sa non-fiction The immaculate invasion, traitait de l’invasion américaine en Haïti en 1994 et se situait dans la tradition du nouveau journalisme des années 60 et 70.
On sent très bien la connaissance du terrain Haïtien et le regard désabusé de l’homme en l’auteur.
Fresque familiale, roman d’espionnage, thriller, histoire d’amour, réflexion romanesque sur ce qui mène le monde, La Femme qui avait perdu son âme est un roman dense, sombre et troublant, extrêmement prenant.
Il est paru en janvier chez Gallmeister.
Dix années de travail pour l’auteur et une bien belle publication pour les dix ans de l’éditeur.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
« Elle se dit, pleine de mépris moqueur, Dieu te vomit, espèce de vieux salopard, c’était la toute première fois qu’elle examinait sérieusement celle qui était en elle, qui était à elle, qui était toujours là avec elle, qui était sans cœur, sordide et probablement mauvaise, un moi impénétrable qui occupait un vide. »
La Femme qui avait perdu son âme est au roman d’espionnage ce que Crime et châtiment est au roman noir.
Un monument.
Par son ampleur tout d’abord.
Bob Shacochis nous livre une véritable fresque embrassant cinquante ans d’Histoire, à travers l’existence de Stjepan Kovacevic devenu le très influent sous-secrétaire du Département d’Etat Steven Chambers, membre du trio des FOG (Friends of the Golf) constitué d’un sous-secrétaire de la Défense et d’un haut responsable de la CIA, trois hommes qui décident de renverser un régime tout en disputant une partie de golf.
Par sa construction savante ensuite.
Cinq "livres" qui ne suivent pas l’ordre chronologique.
Bob Shacochis commence par relater la disparition de Jackie Scott, alias Renee Gardner, aussi connue sous le nom de Dottie Chambers ou encore de Dorothy Kovacevic, retrouvée morte au bord d’une route à Haïti en 1998, avant de remonter le cours de l’Histoire jusqu’aux derniers jours de l’occupation allemande en Croatie en 1944.
Stjepan Kovacevic est alors âgé de huit ans.
C’est en Croatie que tout commence.
C’est aussi en Croatie que Bob Shacochis clôt cette saga de la famille Kovacevic.
Entre les deux, s’étend l’ombre de Dottie, cette jeune femme façonnée par son père, cet ogre monstrueux, ce démiurge incestueux, qui initie sa fille dès son plus jeune âge aux jeux d’espions.
Entre les deux, Dottie meurt, pour de faux, une première fois, et peut-être une seconde, – qui peut savoir ?
Car le récit puise sa force dans une mise en abîme constante.
Qui est Dottie ?
L’héroïne l’ignore elle-même, elle qui s’examinant dans un miroir à Istanbul pense « Je suis l’invention d’autres personnes ».
Il serait vain de tenter d’appréhender en quelques mots toute la richesse de ce roman-fleuve.
Et comme le conseillait Doris Lessing, plutôt que de perdre du temps à lire inutilement des critiques, lisez des livres.
La Femme qui avait perdu son âme n’est pas seulement un grand roman d’espionnage, une magnifique saga familiale, une sublime fresque historique.
C’est un chef-d’œuvre.
Lisez-le.
« The rest is silence. »
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Le moins que l’on puisse dire c’est que Bob Shacochis est peu prodigue dans sa production littéraire puisque sur l’espace de trois décennies l’on compte à son actif deux romans, deux recueils de nouvelles et quelques essais, tous encensés par la critique.
Ecrire peu mais bien et prendre surtout son temps pour ce journaliste baroudeur, correspondant de guerre, membre du Peace Corps, qui a mis une dizaine d’année pour rédiger La Femme Qui Avait Perdu Son Âme publié en 2013 et qui figura parmi les finalistes du prix Pulitzer 2014 dont la récipiendaire fut Donna Tartt pour son roman Le Chardonneret, ce qui confirme le fait qu’il faut davantage s’intéresser aux ouvrages qui ne sont pas parvenus à fédérer un jury plutôt qu’à ceux qui ont pu générer un consensus de circonstance.
Fresque historique, essai géopolitique, drame familial, aventure romanesque ou récit d’espionnage, La Femme Qui Avait Perdu Son Âme est avant tout un grand et somptueux roman qui parvient à concilier toutes ces formes de narration pour nous dépeindre le cheminement trouble qui a entraîné une nation en perpétuel conflit, tout d’abord sur le plan idéologique, à se retrouver sur le seuil d’un champ de batailles où les belligérants affichent désormais leurs antagonismes confessionnels.
Qui pouvait bien être Dorothy Chambers que l’on a retrouvée morte d’une balle dans la tête au bord d’une route en Haïti ? Avec une alternance de fougue inconsciente et de spleen, la jeune femme aux identités multiples, fascinait et envoûtait les hommes qui croisaient son chemin. On trouvera peut-être la réponse avec Tom Harrington, avocat idéaliste, intrigué par la quête de cette fille étrange qui prétend avoir perdu son âme. Il faudra également chercher du côté d’Eville Burnette, membre des forces spéciales américaines qui a côtoyé cette citoyenne américaine lors d’une échauffourée qu’elle avait déclenchée avec des rebelles autochtones. Difficile de cerner la personnalité de cette fille de diplomate qui a vécu dans l’ombre de ce père mystérieux, tout en séduction, forgeant, dans l’ombre des puissants, la destinée d’une nation.
La Femme Qui Avait Perdu son Âme est tout d’abord le portrait d’une incroyable acuité, sans concession, d’une Amérique que l’on distingue au travers du prisme des zones d’influence sur lesquelles elle a déployé son combat idéologique, que ce soit en Haïti bien sûr, mais aussi du côté de la Turquie et des conflits dans les Balkans.
Comme marqueur des événements qui secoueront ces différentes régions, le lecteur tente de cerner la personnalité mystérieuse de Dorothy Chambers, personnage central du roman autour de laquelle gravitent tous les autres protagonistes.
De faux-semblants en temporalités disloquées, la tâche n’est pas aisée et nécessitera une attention de tous les instants pour appréhender les différents enjeux qui se mettent en place au fur et à mesure de l’avancée du récit.
Outre la destinée d’une nation dont les contours géopolitiques se dévoilent peu à peu sur une cinquantaine d’années, on découvrira les machinations mystérieuses qui vont hanter l’ensemble des protagonistes qui n’ont qu’une vision très tronquée de la situation dans laquelle ils évoluent, à l’exception d’un maître du jeu qui n’hésite pas à sacrifier les pièces les plus importantes et les plus chères à ses yeux pour influer sur l’ensemble des événements historiques qui ponctuent le récit tout en échafaudant ses funestes projets de vengeance.
Avec ce roman ambitieux qui se déploie sur cinq parties en adoptant chaque fois le point de vue d’un des protagonistes du roman, ceci sur différentes époques, Bob Shacochis tisse une intrigue complexe qui n’est pas sans rappeler les ouvrages de John Le Carré, auquel il rend d’ailleurs un hommage appuyé.
On y retrouve bien évidemment tous les ingrédients d’un roman d’espionnage sophistiqué et subtil qui se joue dans l’intimité des personnages jusqu’au moment de la mise en œuvre, où le lecteur peut enfin distinguer les implications et conséquences de l’opération qui résonne dans l’ombre des tragédies qui ont secoué les diverses périodes et lieux que l’auteur dépeint avec force de précisions et minuties, soulignant ainsi cette capacité confondante à intégrer la fiction dans le contexte historique des faits.
On partage ainsi les aléas des forces onusiennes et américaines, dépassées par le chaos de la misère en Haïti avec le retour au pouvoir d’Aristide pour se retrouver en Croatie, au terme de la seconde guerre mondiale pour suivre le parcours de ces réfugiés fuyant les purges des partisans du maréchal Tito.
La Turquie, et plus particulièrement la ville d’Istanbul, des années 80 devient l’échiquier sur lequel se déroule la guerre froide entre les deux blocs qui influençaient l’ordre mondial, et quelques épisodes durant la guerre des Balkans et sur le sol américain achèveront le lecteur décontenancé par ce tourbillon de lieux atypiques que Bob Shacochis parvient à décliner dans l’ambiance et l’atmosphère du moment, au gré d’un texte dense qui nécessite toute notre attention pour décortiquer ces longues phrases soignées et sophistiquées, permettant également de saisir toutes les subtilités de personnages d’une incroyable intensité que l’on découvre au fil de leurs réflexions et de leurs introspections d’une richesse peu commune.
Maelström géopolitique sur fond de romance dévastatrice et de vengeance transgénérationnelle destructrice, La Femme Qui Avait Perdu Son Âme est un roman flamboyant et bouleversant qui, au travers de l’émotion d’une jeune femme sacrifiée, renvoie, comme le reflet d’un miroir, l’image tragique d’une nation qui a peut-être également perdu son âme dans les marasmes d’un monde bien plus complexe qu’il n’y paraît.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Posté le: Ven Oct 06, 2017 7:09 pm Sujet du message:
Vient de sortir en poche dans la collection Totem :
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
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