Posté le: Mer Nov 16, 2016 7:19 am Sujet du message: Le Port secret - María Oruña (Actes Sud)
La collection « Actes Noirs » nous gratifie une nouvelle fois d'une découverte espagnole fort prometteuse avec Le Port secret de María Oruña, véritable succès critique dans son pays, qui vient de paraître chez Actes Sud dans une traduction d'Amandine Py.
Le livre :
En délicatesse avec Londres et avec ses fantômes, Oliver Gordon gagne un petit village côtier de Cantabrie afin de redonner tout son lustre à l’imposante bâtisse familiale héritée de sa mère espagnole et de la transformer en havre de paix pour citadins stressés.
Au cours des travaux, les ouvriers exhument le cadavre momifié d’un nouveau-né (qui semble dater de la Guerre civile) accompagné d’une mystérieuse et anachronique amulette aztèque.
À la macabre découverte succèdent l’assassinat d’un vieil homme puis celui d’un paisible médecin de campagne – autant de faits divers qui détonnent dans ces contrées tranquilles.
La garde civile est dépêchée sur place.
À mesure qu’avance l’enquête, se mêlent au récit les fragments d’un journal anonyme ouvert pendant les prémices de la Guerre civile.
On y lit l’existence d’une famille ordinaire dont le destin bascule sous les mitrailleuses des avions de chasse nationalistes.
À la suite de la mort de la mère et de son plus jeune fils, le père, incapable d’élever seul ses enfants, commet l’irréparable en séparant la fratrie ; qui partira travailler à la ferme et qui ira “servir” chez les riches.
La rancoeur et l’ambition nourries par les années d’infortune ont engendré un monstre insatiable qui crie vengeance.
Pourrait-il être lié aux inquiétants secrets que recèle sa maison ?
Pour le découvrir, Oliver devra laver tout le linge sale de sa famille sous le regard intrigué d’un mystérieux lieutenant aux yeux vairons.
Passionnant thriller où passé et présent s’épient et s’entrecroisent dans le décor époustouflant d’une côte cantabrique sauvage et austère, où bruissent encore des hiérarchies d’un autre âge.
María Oruña est née à Vigo en 1976.
Elle est avocate en droit du travail.
Le Port secret est son premier roman noir.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
C’est un premier roman très réussi.
Maria Oruña capte vite notre attention dans cette enquête entre présent et passé et les personnages sont attachants : Oliver Gordon, un Anglais un peu paumé venu panser ses plaies en Espagne et chercher une vie plus lumineuse que celle qu’il menait dans son pays, Valentina Redondo, policière maniaque de l’ordre qui cache elle aussi de sacrées blessures…
Et beaucoup d’autres, qui se débattent face à des vies parsemées de difficultés aujourd’hui ou broyées par la violence de la guerre civile et les années de dictature de Franco hier.
Car les enquêteurs vont devoir remonter assez loin dans le temps, au moment où ont été commises des horreurs dans la folie meurtrière de la guerre.
Maria Oruña alterne le récit de l’enquête, menée par des personnages dont les vies sont tourmentées par des drames actuels, et le journal d’un mystérieux narrateur, dont on comprend vite qu’il est lié de près à la tragédie sans pour autant savoir qui il est.
Et le suspense fonctionne, il va même aller crescendo au fur et à mesure de la lecture.
Le mystère s’épaissit et on se rend compte que la découverte de ce cadavre de bébé a réveillé un monstre qui n’hésite pas à tuer encore pour couvrir ses méfaits.
Maria Oruña rappelle ce que fut la vie en Espagne pendant la guerre civile et juste après : les attaques des avions, la terreur, la misère, les républicains pourchassés, les franquistes triomphants, les riches encore plus puissants parmi toute cette détresse.
Un temps d’horreurs, de traumatismes énormes, propice à l’éclosion d’un tueur psychopathe.
Pour survivre ou échapper à la misère, certains ont dû passer outre certains scrupules, mais quelqu’un y a pris goût et est tombé dans une malfaisance profonde…
Un temps béni pour un meurtrier : il est facile de camoufler une disparition ou de faire endosser un meurtre à d’autres.
Un temps pas si lointain dont les souvenirs sont encore vifs dans certaines têtes avec des conséquences violentes.
Maria Oruña réussit à mêler les deux récits habilement, l’enquête est bien menée et le journal dévoile un personnage de plus en plus inquiétant mais dont l’identité n’est percée qu’à la fin.
Le roman se finit sur un début d’idylle qu’on voyait venir, elle, à grand pas et sur un rebondissement qui laisse à penser qu’on pourrait peut-être retrouver ces personnages… et pourquoi pas ?
Le voyage n’était pas déplaisant.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Posté le: Jeu Déc 01, 2016 7:09 pm Sujet du message:
>> La chronique de Marie Hirigoyen, de la Librairie Hirigoyen, sur Page des Libraires :
Citation:
Le Port secret, de María Oruña (Actes Sud)
Découvrez la côte Cantabrique.
Ses paysages maritimes à couper le souffle, ses villes austères enrichies depuis les grandes découvertes par le commerce avec le Nouveau Monde, grâce aux indianos, ceux qui ont fait fortune en Uruguay ou au Mexique, ses incroyables villas gothiques, construites au début du XXe siècle face à l’océan.
C’est dans l’une de ces villégiatures en rénovation que l’on exhume le squelette d’un nouveau-né enseveli avec une amulette aztèque.
Les enquêteurs remontent jusqu’aux années sombres de la guerre civile, quand ouvriers, pêcheurs et paysans se réfugiaient dans les grottes des montagnes pour échapper aux bombardements nationalistes.
La défaite des Républicains se révèle le creuset de tant de rancœurs, de frustrations, de haines familiales, de soif de vengeance, que son onde de choc est encore sensible quatre-vingts ans plus tard.
Une belle matière pour un premier polar saturé d’iode et impeccablement mené, qui rendra nécessaire un voyage à Santillana del Mar et à Comillas.
_________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Posté le: Mer Déc 14, 2016 8:55 pm Sujet du message:
Eh bien, visiblement je ne m'étais pas trompé en parlant d'une découverte espagnole prometteuse, car pour l'instant j'aime beaucoup.
Je n'ai lu jusque là qu'une centaine de pages environ et j'essaie justement de savourer cette lecture, car en plus d'être bien écrit, ce polar est passionnant.
Les chapitres au présent, sur les découvertes et l'enquête, alternent régulièrement avec des flashbacks plutôt courts, mais saisissants et poignants, durant lesquels on suit le destin tragique et mouvementé d'une famille modeste en 1936-1937 qui doit faire face aux conséquences de la guerre civile civile espagnole opposant républicains et nationalistes.
Le tout se déroule dans le décor original - et peu visité par le polar il me semble - de la côté cantabrique espagnole, ce qui ajoute encore un charme supplémentaire à ce fascinant polar.
Pour l'anecdote, la lieutenant qui dirige l'enquête porte le nom de Redondo.
Je ne sais pas si c'est un simple hasard ou un clin d'oeil de la part de l'auteure à Dolores Redondo, qui doit avoir à peu près le même âge qu'elle, et à laquelle je trouve que Maria Oruna ressemble assez... _________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Posté le: Mar Déc 27, 2016 8:37 pm Sujet du message:
Voilà le genre de roman que je pourrais adorer. Je le note dans mes achats prévus. _________________ “Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut".
Cicéron.
Posté le: Mar Déc 27, 2016 11:09 pm Sujet du message:
J'ai beaucoup aimé ce Port secret, c'est vraiment un très bon polar brillamment construit, avec une alternance entre le présent et un journal intime dans lequel un mystérieux narrateur décrit l'enfance, la vie et l'évolution pendant et après la guerre civile espagnole, des années 1930 à 1950, de personnages qui se retrouvent impliqués de nos jours dans l'enquête.
Et pour une fois cette alternance, loin de plomber ou de ralentir le récit, le dynamise au contraire et prend quasiment l'ascendant, émotionnellement et "mystérieusement" parlant.
Mais je reviendrai en parler plus en détails...
[ HS ]
PS : Iron', m'est avis qu'il faut absolument que tu t'intéresses aussi à Station Eleven de ma femme, plus connue sous son nom de jeune fille : Emily St John Mandel. ( )
Sérieusement, je mettrais ma main à couper que tu tomberas comme moi en pâmoison devant son écriture, sa subtilité, la finesse psychologique de ses personnages et sa puissance d'évocation.
Et tout ça combiné à du post-apocalyptique et de la dystopie revue et corrigée à sa sauce dans ce roman, ça doit être juste monumental !
(J'attends d'ailleurs fiévreusement mon exemplaire...)
[/ Fin du HS ] _________________ « Il vaut mieux cinq mille lecteurs qui ne vous oublieront plus jamais à des centaines de milliers qui vous auront consommé comme une denrée périssable. » Jérôme Leroy
Posté le: Jeu Fév 09, 2017 8:46 am Sujet du message:
>> La chronique de Patrice Gagnant dans Le Progrès :
Citation:
« Le Port secret », de María Oruña
« Le plus grand danger vient de l'imprévisible », prévient l'auteur du journal anonyme qui rythme le premier roman de María Oruña.
Cette avocate espagnole, avec Le Port secret, offre un polar aussi surprenant que passionnant, en tout cas l'un des meilleurs parus ces derniers mois.
L'imprévisible, justement, Oliver Gordon y est confronté dès qu'il débarque sur la Côte cantabrique où il a choisi de se réfugier après avoir été proprement largué par la femme qu'il aimait.
Sa mère espagnole vient de mourir et le jeune Londonien mélancolique hérite d'une imposante bâtisse qui fait face à l'océan et qu'il projette de transformer en hôtel.
Mais avant même qu'il débarque, les ouvriers découvrent le cadavre momifié d'un bébé dans le sous-sol de la maison, accompagné d'une mystérieuse statuette aztèque.
La mort semble remonter à la période de la guerre civile et l'enquête, au fil des pages, révèle bien des secrets de famille qui s'organisent dans un puzzle improbable autour de la grande maison.
D'autant qu'on meurt beaucoup, par balle ou empoisonné : un pêcheur à la retraite puis un médecin de famille en font les frais.
Des décès que les policiers relient vite au bébé mort et à Oliver Gordon.
Ce Port secret que chacun des protagonistes porte en lui rappelle une période terrible de l'Histoire espagnole.
Le thriller parle aussi des amours interdites entre les maîtres et les serviteurs, dans un ordre social pétrifié, parmi les paysages somptueux d'une côte cantabrique balayée par les vents.
Mais la plus belle réussite de María Oruña, sans conteste, c'est qu'elle brouille en permanence les cartes autour d'un passé qui se recompose, jusqu'à la dernière page.
Avec un art consommé de la chausse-trappe et une maîtrise qui rappelleront à certains Jaume Cabré et son Confiteor.
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