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Nico Commissaire Niémans (site admin)
Age: 43 Inscrit le: 28 Oct 2002 Messages: 9308 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Dim Mar 19, 2006 9:55 pm Sujet du message: Interview de Thierry Serfaty |
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Bonsoir à tous,
J'ai rencontré cet après-midi, sur le stand Albin Michel au Salon du Livre, Thierry Serfaty pour une petite interview.
Thierry Serfaty, pour ceux qui l'ignorent, a d'abord commencé une carrière de médecin avant d'écrire en 2000 son premier roman, Le Sang des Sirènes, qui a remporté le Prix Polar. Ses romans (4 à ce jour), ont tous comme thème la médecine, la recherche scientifique et les dérives possibles que cela comporte.
Je vous livre ici la retranscription d'une première partie de l'interview, et j'en profite pour remercier encore une fois Thierry qui a été d'une gentillesse incroyable.
Nicolas - Thierry Serfaty, vous avez commencé à écrire relativement tard dans votre vie, à l’âge de 30 ans, et d’une manière assez soudaine. Comment l’expliquez-vous ?
Thierry Serfaty - Je pense qu’il y a différentes circonstances. D’abord, ça correspondait à une période de ma vie où j’ai changé beaucoup de choses. J’avais un cabinet à Strasbourg, un poste à l’hôpital en même temps et la nuit je donnais un coup de main à Médecins du Monde. A un certain moment, j’ai pris des vacances, je suis revenu au bout de deux semaines, et ma remplaçante m’a alors dit : « C’était formidable, j’ai beaucoup aimé ». Je lui ai répondu : « Très bien, alors tu gardes les clés ! ». Je crois que j’avais besoin de changer quelque chose, de repartir sur de nouvelles bases.
J’avais également ce besoin de regard sur ma propre vie, et je pense que je dois me servir de l’écriture pour cela. Ce premier livre, je l’ai écrit en deux mois. Je l’ai envoyé à plusieurs maisons d’édition : je suis allé à la Fnac, j’ai pris 10 noms d’éditeurs à qui j’ai envoyé mon manuscrit. Quinze jours après, j’ai eu une réponse d’Albin Michel et dans les jours qui ont suivi d’autres réponses, et à partir de là ça s’est très bien passé.
N. - Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers les romans policiers ?
T. S. - Non pas parce que j’en lisais beaucoup, mais plutôt parce que je suis très structuré. Mon côté très cartésien et scientifique m’impose un peu cette structure-là. J’ai besoin aussi de ce mélange de rationnel contorsionné par la fiction. Ce que j’aime dans le polar, c’est qu’il ne tolère ni invraisemblances, ni incohérences, ce qui correspond un peu à ma démarche.
Et surtout, je suis médecin, et quelque part la médecine, c’est une enquête. Le patient vient vous voir, vous donne quelques indices et vous devez trouver le coupable. Je pense donc que la médecine m’a rapproché de la notion de polar.
N. - Etes-vous fan de polar ?
T. S. - Je ne suis pas fan de polars, mais plutôt fan de ce qui me balade. J’ai besoin qu’un récit me fasse réfléchir, stimule un peu mes neurones. Des polars, j’en ai lu beaucoup car j’étais gros lecteur, mais le polar en lui-même ne m’intéressait pas nécessairement. Même si j’aime dans le polar, et dans le thriller en particulier, ce côté « aventure sur un territoire particulier ».
N. - Le Sang des Sirènes a rencontré un gros succès lors de sa sortie. Comment envisage-t-on alors l’écriture d’un second roman ? Connaît-on une certaine angoisse, une certaine anxiété ?
T. S. - J’avais la chance de mon côté d’être un peu à distance des milieux parisiens, et je tenais à le rester pour le deuxième roman. Pour ce deuxième roman, j’ai eu très peur, vraiment. J’étais un peu paralysé, non pas parce qu’il me manquait l’idée – je n’avais pas du tout l’angoisse de la feuille blanche – mais parce que je me disais « Qu’est-ce qu’on attend de moi ? ».
Le premier roman, on n’en attend rien, il sort de l’anonymat : on arrive tel un inconnu parfait au milieu de la foule et le public va lire le roman ou ne pas lire ; l’auteur n’en sait rien. Et de toute façon, chaque lecteur, chaque critique, chaque regard sur ce roman est déjà en soi un miracle.
Alors que pour le deuxième roman, on ne réfléchit plus uniquement pour soi ou pour le plaisir de l’écriture, mais on réfléchit aussi aux autres : « Qu’est-ce que le public veut ? ». Et ça, il n’y a rien de pire.
J’ai donc eu besoin pendant un certain temps de me détacher de cette notion-là, avant de pouvoir créer mon deuxième roman. Et ça, ça peut donc être très angoissant pour un auteur.
J’ai aussi été aidé par le fait de m’être un peu excentré par rapport à l’univers parisien.
N. - Vos romans sont tous différents, et se rapportent à des genres distincts de la littérature policière. Comment l’expliquez-vous ? Y’avait-il pour vous une volonté de changer de style ? Une difficulté à trouver le genre adéquat ? Une exigence de votre éditeur ?
T. S. - Concernant l’exigence de l’éditeur : il n’y en a jamais, j’essaie de m’en affranchir autant que possible. Et j’ai de la chance, car il ne m’impose absolument rien.
En revanche, je pense qu’on avance, soi-même. On grandit, on lit, on s’imprègne d’autres choses, et à un certain moment notre vécu se retrouve forcément dans ce qu’on écrit.
Je pense donc que ce que j’ai traversé ces 5 dernière années des phases d’étonnement, de trahison (dans mon premier roman, je me suis ainsi plutôt penché sur les apparences trompeuses, les faux semblants), et de violence. Quand j’ai écrit Le Gène de la Révolte, j’étais tendu, ma vie était au cordeau, et je pense qu’on le retrouve dans le roman : j’avais besoin d’exprimer cette violence… et il fallait mieux que je le fasse d’ailleurs à travers le roman que dans un cabinet médical ou dans ma vie personnelle (rires).
Je suis convaincu qu’un auteur est une éponge : il s’imbibe de tas de choses, de petits éléments qu’il va ensuite réinjecter dans les romans. Et il n’en a pas forcément conscience ! D’ailleurs, c’est souvent des lecteurs qui vont nous dire : « Tiens, je vous ai retrouvé dans ceci », des gens qui te connaissent vont te dire « Ca, c’était toi à 100% ». Et parfois, les lecteurs vont même parvenir à retrouver l’auteur dans des choses dans lesquelles on ne se retrouve pas du tout soi-même. Par exemple : « Alors là, le petit gros chauve rond, c’est tout à fait toi ! ». C’est drôle, parce que compte tenu de mon morphotype, on peut difficilement me dire ça d’habitude ! (rires)
En fait, je crois vraiment que ça correspond à des phases. Après, il y a aussi ce qu’on apprend, ce dont on s’imprègne en matière de lecture, qui correspond à ce que l’on est vraiment et qui ressort un peu dans les romans.
Une chose est sûre, plus le temps avance, plus j’essaie de maîtriser mes histoires au maximum. Pas forcément en les rendant aboutis au maximum ou maîtrisés sur le plan technique et littéraire (même si c’est un but), mais j’ai besoin de contrôler mes romans au maximum. Je fais des fiches très approfondies sur chaque personnage, je les découvre. Je remonte jusqu’à leur enfance, voire leur naissance même si dans le livre je n’en dirai pas un mot. J’ai besoin de les connaître complètement pour qu’ensuite chaque ligne de dialogue soit en rapport avec leur vécu et que tous les personnages ne parlent pas de la même façon par exemple. Mais si j’ai besoin de les contrôler, c’est aussi parce que je me rends compte de plus en plus qu’une fois qu’on publie un roman, il ne vous appartient plus du tout. Il vous échappe complètement, et les personnages prennent des destinées différentes car les lecteurs se les approprient. Et comme je suis un peu possessif, j’essaie de maîtriser mon livre au maximum parce que je sais qu’ensuite il ne sera plus pour moi.
J’essaie de construire au maximum mes romans, et du coup c’est vrai que ça me fait changer de style et surtout de tonalité. Mais cette envie de m’intéresser à ce qui semble évident dans le corps humain et la biologie, l’interaction entre le corps et l’esprit, le mental et le corps, reste une constante dans mes romans. Et c’est vrai qu’on va traiter cela différemment selon la période de sa vie.
N. - Il existe cependant des passerelles entre vos romans, des personnages principaux d’un livre qui réapparaissent dans le livre suivant. Pourquoi ce souci de continuité ?
T. S. - J’ai envie que mon univers ne soit pas constitué de petits camemberts différents, comme au Trivial Pursuit. J’ai besoin que certaines choses soient des satellites d’une première aventure et qu’autour de chaque satellite, d’autres satellites gravitent. Je suis un peu obsédé par la transmission, d’où ce souci de continuité. J’ai un peu peur des ruptures. Autant je suis capable de ruptures dans ma vie professionnelle, autant dans ma trajectoire affective – car il y a un lien affectif entre mes romans et moi-même – j’en suis incapable. J’ai besoin de dire qu’il y a eu un avant, et qu’il y aura un après. Ca me rassure sans doute. _________________ Nico - Webmaster de Rivières Pourpres et Polars Pourpres |
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Nico Commissaire Niémans (site admin)
Age: 43 Inscrit le: 28 Oct 2002 Messages: 9308 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Dim Mar 19, 2006 11:33 pm Sujet du message: |
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Suite de l'interview très bientôt, bien sûr. Peut-être pas demain, mais dans le courant de la semaine tout sûr ! _________________ Nico - Webmaster de Rivières Pourpres et Polars Pourpres |
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Steve-O Serial Killer : Patrick Bateman
Age: 39 Inscrit le: 10 Juin 2004 Messages: 647 Localisation: Somewhere in the cold
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Posté le: Lun Mar 20, 2006 12:15 pm Sujet du message: |
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Ca donne envie de le découvrir comme auteur... mais là c'est les heures qui commencent à manquer plus que le désir... _________________ In girum imus nocte et consumimur igni |
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weisses fleish Complice
Inscrit le: 02 Fév 2005 Messages: 149
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Posté le: Lun Mar 20, 2006 10:07 pm Sujet du message: |
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Merci pour l'interview nico!!
Au fait tu vas incorporer ces interviews à polars pourpres? |
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Nico Commissaire Niémans (site admin)
Age: 43 Inscrit le: 28 Oct 2002 Messages: 9308 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Lun Mar 20, 2006 10:27 pm Sujet du message: |
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weisses fleish a écrit: | Au fait tu vas incorporer ces interviews à polars pourpres? |
Oui oui, tout à fait, c'est prévu depuis fort longtemps, mais divers petits soucis techniques m'ont pour l'instant empêcher de faire la mise-à-jour du site Polars Pourpres pour y incorporer un onglet spécialement dédié, pour chaque auteur, aux interviews...
Mais ça va venir, c'est promis. Peut-être le week-end prochain, ou alors dès qu'on m'aura donné une solution pour que les journées durent 30 heures au lieu de 24 _________________ Nico - Webmaster de Rivières Pourpres et Polars Pourpres |
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fabien Meurtrier
Age: 42 Inscrit le: 04 Fév 2004 Messages: 346 Localisation: Lorient
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Posté le: Mar Mar 21, 2006 7:37 am Sujet du message: |
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T'as ce souci aussi?... _________________ L'enfer existe, et je sais maintenant que son horreur repose en ceci qu'il n'est fait que de lambeaux de paradis
Alec Covin
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Nico Commissaire Niémans (site admin)
Age: 43 Inscrit le: 28 Oct 2002 Messages: 9308 Localisation: Région Parisienne
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El Marco Charlie "Bird" Parker (modo)
Age: 45 Inscrit le: 30 Avr 2004 Messages: 11571 Localisation: Alpes-Maritimes
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Posté le: Jeu Juin 01, 2006 6:40 pm Sujet du message: |
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Je viens de lire son interview, et c'est très intéressant. C'est également très sympa de lire que des adaptations cinéma sont en gestation.
Et quand je pense que je n'ai toujours pas lu un seul de ses livres... Mais comme pour Franck Thilliez que je suis finalement parvenu à lire après beaucoup de retard, je vais essayer de vite me rattraper. |
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