Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres

[Invité]

L’ultime espoir.


Surpris par la pluie, Yvan s’abrita sous son attaché-case et accéléra l’allure en râlant. Tandis qu’il empruntait sa rue, il vit une forme étendue sur le sol, à peine éclairée par la lumière vacillante d’un réverbère. En s’approchant, il s’aperçut qu’il s’agissait d’un homme, couché sur le dos. Une écharpe en laine cachait son visage.
_ Monsieur ? Lança Yvan d’une voix craintive.
Comme l’homme ne répondait pas, il se baissa et ôta l’écharpe lentement. Il se figea en découvrant la figure d’une pâleur mortelle. Ce visage était en tous points identique au sien…

…et à ce que ressemblerait un homme mort.
Ce visage le troublait et il ne pouvait se résoudre à l’accepter. Désemparé par les visions que cette situation renvoyait il prit la décision de tourner les talons pour se mettre à l’abris. La pluie battait de tout son plein et sur le visage d’Yvan les gouttes se mêlaient aux larmes. Allait il pouvoir continuer comme ça jusqu’au bout ? En était il capable ? Tiendrait il le coup ? Ces questions, il se les posait avant même d’avoir mit les pieds dans ce jeu macabre. Elles revenaient dans un flot lancinant le hanter chaque nuit. Mais la masse inerte du robot sur le trottoir d’en face lui renvoya La question. Celle qu’il valait mieux éviter mais aussi celle qu’il ne pouvait pas éviter.
Etait il le prochain ? Ainsi tous les risques encourus jusqu’ici n’auraient pas servit sa modeste cause. Il sentit son cœur chavirer et se plia en deux pour dégobiller sur le trottoir. L’écume du désespoir coulait le long de ses lèvres. Il n’avait rien mangé depuis deux jours car il avait peur qu’ils mettent des choses dans les packs qu’ils distribuaient. Il avait juste conservé une bouteille, après en avoir vidé le contenue, pour récupérer de l’eau de pluie et l’avait rangé dans l’attaché-case qu’on lui avait fourni. S’il devait mourir ce serait comme un homme. Il lui restait des braises de dignités encore suffisamment chaudes pour ne pas se laisser aller à ressembler à ces vulgaires machines. Il pourrait chercher les caméras qui l’épiaient 24h/24 et leur montrer qu’il ressentait des sentiments, qu’il était vivant. Une machine qui pleure n’a pas cette lueur dans le regard qui assoit la véracité de l’émotion. Une connexion synaptique est de bien meilleure facture que celle d’un fil électrique. Mais il savait que cette démarche serait vaine.
La culpabilité avait cédé le pas au mépris et le partage à l’indifférence. Les hommes avaient créé un gouffre entre eux. L’égoïsme qui avait scindé la population en deux : les riches et les autres provoqua l’étincelle de l’extermination de notre espèce. Yvan faisait parti des autres. Ceux qui respiraient un air pollué, mangeaient des détritus et dormaient à même le sol. Leur unique moyen pour s’en sortir était ce jeu. Si toute fois on pouvait le nommer ainsi.
Une personne, après s’être inscrit de son propre chef, était tiré au sort chaque semaine pour y participer. Cette fois il s’agissait d’Yvan. On le plaçait avec six autres robots qui étaient sa copie conforme dans une partie de ville construite à cette occasion. Et les riches s’amusaient à parier sur les candidats en espérant trouver l’humain. Chaque jour le candidat ayant reçu le moins de vote était désactivé six fois sur sept ou tuer si les riches faisaient erreur. Car la vie d’un autre ne représentait rien pour eux, rien du tout. Si le survivant était l’humain il se voyait offrir un passeport pour lui et sa famille sous le dôme qui abritait une « vie normale ». Tout du moins un endroit décent pour élever une famille.
La conscience collective était aux mains du malin et cet ombre manipulait les riches à sa guise. Mais pour Yvan ce jeu restait le seul avenir possible pour venir en aide aux siens. Ses deux enfants étaient malades et les consultations de médecins n’étaient réservées exclusivement qu’à ceux qui vivaient sous le dôme. Cet infime chance n’avait par le passé que peu sourit aux participants. La moyenne des gagnants était d’un humain sur mille. Peut-être y avait il un quota et que les paris étaient truqués. Mais il n’avait plus le choix car il aimait sa femme et ses enfants. L’amour, ce sentiment perdu au fil de l’histoire du monde était le moteur de la vie d’Yvan. Il n’existait que par elle et pour elle. Les sourires innocents de ses enfants qui n’avaient pas encore conscience du monde qui les entouraient lu donnaient la force nécessaire pour ne pas se résigner.
Adossé contre le mur il se laissait glissé pour allonger ses jambes. Son estomac le tiraillait mais il ne se sentait pas la force pour marcher jusqu’au point de ravitaillement des packs. Car si l’aventure devait durer il devrait tôt ou tard avaler leurs saloperies. Il n’arrivait pas à détacher ses yeux du cadavre robotique qui gisait en face. Malgré l’obscurité et l’averse qui tombait il distinguait les traits de ce visage si familier. Ce soir ce serait peut-être son tour. Ou peut-être demain.
La nuit allait encore être longue, très longue.

[Fredo]

Mondwest et Running Man. J'aime bien celle là ! C'est l'anonyme 13, si un modo peut faire la modif, merci pour le cavalier masqué auteur de cette nouvelle.
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Frédéric Fontès, News & Chroniques sur www.4decouv.com et C'est Culturellement Dingue sur TikTok

[Hoel]

Pas mal du tout celle-là !
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Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)

http://hanniballelecteur.wordpress.com/

[Jade18]

L'idée est géniale ! Bravo pour l'originalité !

[sofy]

J'adore !!!!

[Memess]

Eh bien sacré originalité !
Mais cela m'a rappelé un petit peu "the island"
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Polars Addict : Chroniques des littératures de genre
So many books, so little time...