Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres

[Coquelicot]

Je dois reconnaître que lorsque j'ai commencé "l'oeil de Caine", j'ai d'abord été génée par l'écriture puis je me suis laissée prendre complètement par l'histoire et voulais absolument en connaître la fin que je pressentais. Pourtant, régulièrement, je revenais sur ce que je croyais en me disant que non, cela ne pouvait pas être cette fin-là et pourtant si. Mais en attendant, je me suis fait sérieusement balader et je pense que c'est aussi ce qu'on demande au suspense. Donc, rien que pour cela, "l'oeil de Caine" est, à mon avis, un bon roman. Je pense que, pour un premier roman, Patrick a déjà une excellente maîtrise du suspense et des effets surprises.

[Titille]

Je suis d'accord avec Coquelicot. En effet la fin fait partie des scenarri possibles mais Bauwen nous balade tout au long du roman en laissant des fausses pistes qui nous font dire "ah ben non finalement c'est pas ça". Puis franchement si c'était une fin qui ne faisait pas partie de l'univers possible dès le début, on serait plus surpris peut-être mais la fin n'aurait plus aucun intérêt parce que pas crédible.

Spoiler:

Ensuite tu dis que la fin était très prévisible mais de quelle fin parles-tu ? De l'histoire liée aux candidats de l'émission ou de l'histoire liée à la maman de Seth ? Parce que l'explication sur la mort de la maman de Seth, pour ma part, je ne l'avais pas du tout vu venir et c'est cette histoire qui donne vraiment tout son intérêt au roman

Bon ensuite il y a des histoires de goût terramater sur l'appréciation d'un roman. Toi visiblement tu recherches uen atmosphère très noire, très pesante. Tu recherches peut-être des romans plus difficiles. Auquel cas il est, disons, normal que tu n'aies pas apprécié L'Oeil de Caine. D'où ta comparaison avec l'autre oeuvre du prix polar SNCF qui visiblement te convient mieux.
A mon sens tu ne peux pas reprocher au roman de P. Bauwen de ne pas être suffisamment noir puisque il n'avait surement pas vocation à l'être. Visiblement ce n'est simplement pas le genre de romans qui te plait. On ne peut pas demander à une oeuvre plus que ce qu'elle est. L'Oeil de Caine est un formidable divertissement qui fait tout oublier quand on a commencé à le lire.
_________________
Titille

[terramater]

Ce livre reste un thriller basique. C'est ce qui me gène. Il n'y a aucun risque. Il ne sort pas des sentiers battus du genre.

Laurent.

[eric]

Bonjour à tous,

Voilà. Je l’ai fini. Malheureusement, je suis plutôt de l’avis de Laurent.
J’ai vraiment le sentiment que le roman s’est traîné en longueur jusqu’à ce dénouement surprise…

Par rapport à toutes les comparaisons qui ont été faites, je dirais pour ma part que c’est un croisement entre Identity (effectivement souvent cité) et

Spoiler:

The Game. Mais bon, ce roman me paraît bien moins jouissif que le film de David Fincher et ne s’élève pas beaucoup plus haut qu’Identity.

On tombera tous d’accord sur un point : ceux qui ont été impressionnés l’ont été par le retournement de situation final. Je vais encore prendre une référence cinématographique qui « parle » (et sans spoiler), c’est un peu comme le sixième sens : le livre prend son sens grâce à ce retournement de situation. Sans cet élément, je ne lui vois que peu d’intérêt.

Ce retournement n’est d’ailleurs pas totalement imprévisible. Ayant lu les avis très positifs ici même, je m’attendais effectivement à un final impressionnant. Mais voilà, le reste du roman me paraît plat : la succession de victimes ne m’a pas intéressé le moins du monde. Les personnages n’ont pas beaucoup d’épaisseur (la preuve ? C’est qu’on n’est même pas un tantinet triste pour eux quand ils meurent).
La manière dont les personnages décèdent est bizarre/inhabituelle et cela reste pourtant anecdotique. J’ai vraiment eu du mal à croire à tout ça, à accrocher à cet aspect de l’histoire.
Les dialogues volent au ras des pâquerettes (peut-être est-ce là une critique de la télé-réalité), il y a quelques bon mots mais ça reste généralement assez laborieux.
D’autre part, dès le départ il est question d’un jeu de télé-réalité menacé de l’extérieur notamment à cause de sa thématique religieuse. Je me suis très longtemps demandé où était cette thématique religieuse….
Quant à la psychologie des personnages, on s’attache quand même un peu à trois ou quatre d’entre eux. Mais parfois, Tom, s’apprête à faire « quelque chose », mais l’auteur reste flou et ne nous dit pas tout : je trouve que ce procédé n’est pas honnête. Si on nous fait prendre le point de vue d’un personnage on ne nous cache pas une partie de son raisonnement : si l’auteur utilise ce moyen, c’est qu’il cherche à nous manipuler par un moyen artificiel. C’est le cas ici.

Patrick Bauwen a eu une idée (et une idée plutôt brillante, je dois l’admettre) qu’il a couchée sur le papier. Il a fait coller son histoire à son concept. Il a moulé les personnages dans ce schéma qu’il s’est donné au départ. En d’autres termes, les personnages ne l’intéressent pas vraiment, c’est plutôt son intrigue et surtout son retournement de situation final qu’il nous prépare soigneusement tout au long du récit.
Tout ça est clair quand on a fini le livre. J’ai compris pourquoi je me moquais assez des personnages. C’est simple comme bonjour : parce que l’auteur lui-même ne s’intéresse pas à eux (qui s’est vraiment intéressé/attaché à des personnages comme Paula, Pearl, Nina, Peter, Vector ?) sauf ceux dont il prend parfois le point de vue.
L’enchaînement des victimes et les dialogues qui sonnent relativement creux me donnent l’impression d’avoir assisté à un énième épisode de Vendredi 13 relifté à la sauce télé-réalité. Je sais que ce n’est pas très flatteur de dire ça, mais c’est ce que j’ai ressenti en lisant le livre.

Patrick Bauwen, par contre, a profité de l’occasion pour nous faire passer quelques messages : sur les femmes maltraitées et également sur le monde médical et le milieu pharmaceutique, voire peut-être même un avis (au tout au moins une interrogation) sur le moyen de traiter certains maux de nature psychologique.

Au final, je dirais que l’auteur nous livre une histoire qui repose essentiellement sur l’intrigue (avec une dose minime de psychologie : tout au long de la lecture, je me demandais comment ça allait se terminer et pourtant aucun des personnages ne m’intéressait vraiment).
On en revient un peu à un modèle digne d’Agatha Christie, finalement.
Le livre nous fait plus travailler au niveau du raisonnement qu’au niveau de l’émotionnel.
Je trouve ça dommage. Surtout, parce que les dialogues ne me semblent pas avoir été à la hauteur. Cela nous donne donc matière à raisonnement avec du matériel qui n’est pas de très bonne qualité.
C’est ce déséquilibre (cet aspect bancal) qui m’a le plus dérangé.

Je pense que le livre aurait pu être nettement meilleur si l’humour avait été plus souvent manié, si les dialogues avaient été plus savoureux, si on s’était vraiment attachés aux personnages.

On peut dire que Patrick Bauwen a vraiment suivi l’adage « la fin justifie les moyens ». Il avait sa fin en tête dès le départ et s’est accroché à tirer la meilleure réaction possible du lecteur par rapport à cette fin. Je pense qu’il a réussi son pari.
Mais je pense que ce n’est pas un très bon roman. Parce qu’il aurait pu être bien meilleur.

Ceci n’est que mon avis et comme je pense être en minorité ici, ça vaut ce que ça vaut.

A bientôt et bonnes lectures à vous tous,
Eric

PS : je suis d’accord avec Titille : ici, la petite intro avant le véritable démarrage du roman se justifie pleinement.

[Nico]

Merci pour avoir détaillé ton avis Eric ! Je me suis juste permis de mettre un petit spoiler autour du passage où tu cites une référence qui en dit peut-être un peu trop sur le dénouement de l'intrigue.

@+,
_________________
Nico - Webmaster de Rivières Pourpres et Polars Pourpres

[terramater]

Ouf !!! Merci Eric.

Un peu d'aide ne fait pas de mal

Laurent.

[eric]

Oui, Nico.
Tu as bien fait.
Pendant ma rédaction, je me suis effectivement demandé si j'en disais trop ou pas.
Je suis aussi complètement dépassé par les outils informatiques actuels.

A+
Eric

[terramater]

En parlant de spoiler, une petite question.

Spoiler:

Pourquoi le chef de la sécurité de l'immeuble et qui doit surveiller notre tueur se fait tuer ? Quel est la raison de ce meurtre ? Je ne me souviens pas en lire une dans le livre.

Merci.

Laurent.

[Vanessa]

[Titille]

Je me suis posée la même question que toi Laurent. J'ai finalement opté pour le fait que

Spoiler:

Seth était quand-même un peu taré...

Merci Eric pour cette critique très argumentée.
Je suis d'accord sur le fait que seuls certains personnages ont l'air "appréciés" par l'auteur mais ça ne me pose pas de problème qu'il n'y ait pas cet attachement affectif. Et c'est vrai que le côté mécanique de l'intrigue est priviligié par rapport à d'autres aspects. Mais j'aime bien ce côté mécanique, cette imbrication, cette façon dont Bauwen arrive à sa (ses) fin(s). On reste détaché, spectateur comme si on était assis devant son poste de télévision. Je trouve que la construction et l'effet sont en accord avec le thème. Il est rare que je m'attache à des personnages de télé-réalité.
_________________
Titille

[terramater]

Ma vision de la chose c'est :

Spoiler:

Simplement nous mener vers une fausse piste mais qui n'est pas très réaliste car après coup ce meutre ne sert à rien dans l'intrigue. et on a aucune explication du geste. On se dit que l'auteur ne devait pas trop savoir comment faire pour nous rouler sur ce coup là.

Laurent

[Titille]

Spoiler:

Pour moi cette histoire est un des secrets de Seth. D'ailleurs Tom lui en reparle à la toute fin quand il se retrouve autour d'une Tripl'O !

_________________
Titille

[Elo]

Je sais pas si vous vous rendez compte que pour quelqu'un qui n'a pas encore lu le livre, voir tant de balises spoiler c'est très tentant !!!
_________________
It's not who you are underneath, it's what you do that defines you

[Mag]

Mon avis

Spoiler:

ce n'est pas pour empêcher le chef de la sécurité de remonter trop vite la piste des candidats? et puisque c'est un jeu s'est-il vraiment fait tuer?

[Sybil]

Moi j'ai tendance à partager l'avis de Titille...

Spoiler:

Pour moi ça permettait de montrer que Seth est tout de même un "psychopathe" malgré tout, ce qui met une impression de danger rétroactive sur les candidats, cela rend aussi plus ambigu le comportement de Lincoln à la fin du livre, puisqu'il choisit de laisser libre un meurtrier, peut-être à cause d'un sentiment de culpabilité latent...
Sans compter que ça nous éloigne de la piste du jeu lors de la lecture.

Désolée Bria