Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres

[Psychoze]

Un texte écrit avec un autre auteur. Elle s'est chargée de la seconde partie. Un bon exercice...



-"Maman ! Bisous !"
Elle pense à tout, Maman. Sauf à m'embrasser quand elle me quitte, même pour cinq minutes. Quant à Papa, je le vois à peine. Il travaille beaucoup. Surtout ces derniers temps. Il me manque mais Maman dit qu'il faut que je sois forte, que je sois patiente, que c'est une qualité très importante dans la vie. Elle est pas drôle Maman. Elle voudrait que je sache tout faire dans la vie. Elle me trouve beaucoup de défauts. Elle dit même que je parle trop.
Mais elle a toujours peur de me laisser seule. Je crois que je suis malade. Elle dit que j'ai la curiosité. Je ne sais pas ce que cela peut bien être mais ça a l'air terrible... Moi je pense que c'est elle qui me l'a transmis. Les grands semblent se dire que ces maladies nous infectent et n'arrivent de nulle part. S'ils réfléchissaient un peu, ils verraient que c'est contagieux.
Maman pense tellement à tout que là, alors qu'elle est juste partie discuter avec la voisine, elle a vérifié que le gaz était bien fermé, qu'elle avait suffisamment éloigné la casserole d'eau bouillante du bord et rangé tous les objets tranchants. Elle m'a aussi bien sermonné comme toujours... J'espère qu'elle ne sera pas longue, je commence à avoir faim et les pâtes ne risquent pas de cuire sans rien pour chauffer l'eau.


Elle pense à tout, Maman. Elle tenait une petite boîte dans la main tout à l'heure. Une belle boite avec un joli paysage dessus. Il y a aussi écrit quelque chose mais je ne peux pas le lire. Je ne sais lire que mon prénom. Comment faisait Maman, déjà ?
Ah oui, il suffit de pousser là derrière. Oh ! Mais il y a énormément de petits bâtons de sucette là-dedans ! Si je me souviens bien, il suffit d'un bruit pour faire sortir la petite boule du vide. C'était quoi ce bruit déjà ?
Ah oui ! "Crac !" Et après un petit soleil se lève. Tout rond. Eblouissant.
Elle en a tellement qu'elle ne m'en voudra pas si je lui en prends un. Juste un...
"Crac !"
L'odeur me rappelle quelque chose... Oui ! Il y a quelque jours, à mon anniversaire. Maman a éteint la lumière, dehors on voyait quelques rayons de soleil passer au travers de branches et de feuilles, alors elle est arrivée avec un gâteau. Au chocolat. Je m'en souviens très bien parce que c'est mon gâteau préféré. Dessus, Maman avait planté des bâtons avec, au bout, des petits soleils. Cela m'avait ensorcelé. Puis ils ont chanté. Evidemment, je n'ai rien compris du tout à ce qu'ils chantaient, ça ne ressemblait à aucun mot que je connais. Et enfin, ils ont voulu que je souffle sur mes bougies. Je ne voulais pas, je voulais les regarder encore. Alors Papa, qui doit avoir le même défaut que moi, s'est impatienté et les a soufflées pour moi. Et la voilà cette odeur... C'est de là qu'elle vient.
Et me voilà avec de la lumière au bout des doigts !


Oui ! J'en trépigne de bonheur ! Il danse pour moi !
Mais ! Non ! Il s'est enfui !
Maman ne m'en voudra pas si je prends un deuxième bâtonnet... Je suis sûre qu'elle ne le verra même pas.
"Crac !"
Cette odeur de fête me monte à la tête... Il faut que je me calme, que je l'observe. Il... Il m'ensorcelle.


Il ondule doucement, me réchauffe le coeur. Il semble se sentir à l'aise, il danse de plus en plus près. Il accélère, vient se frotter à moi ! Sa chaleur se fait sentir de plus en plus forte ! Il me lèche d'abord les mains, puis les bras ! Je ne sais plus quoi faire ! C'était mon ami, mon petit soleil ! Maintenant il a des griffes, des crocs et une tête horrible ! Ce n'est plus qu'un monstre comme ceux sous mon lit ! Ceux-là hantaient mes rêves, mon petit soleil, lui, hante ma chair ! Il me regarde fixement, fait une grimace et me saute au visage !
Je sens ses dents plantées dans ma peau, il s'accroche à mes cheveux ! Il ne veut plus lâcher prise. Son haleine est brûlante !
Plus j'essaie de l'éloigner, plus il gagne du terrain.
J'ai beau tenter de trépigner de bonheur, il ne veut plus partir...


Voilà qu'il s'attaque à mes vêtements ! Il les déchire, les arrache et m'écorche avec ses griffes !
Il s'en prend à ma robe !
Il me dévore !
"Maman !"
Viens voir comme je fais plus de lumière que toi ! Je suis plus forte !
Je suis un gros soleil ! Je fais plus de chaleur que le vrai !
"Maman !"
Viens voir comme je rivalise avec le soleil ! Là, sur la terrasse, viens voir comme il préfère se terrer derrière un nuage !
"Maman !"
Tu m'avais dit de me méfier. Qu'il y avait des gens qui déshabillaient de force les enfants. J'aurais du t'écouter, maintenant je suis guérie de la curiosité...
"Maman !"
Par amour pour une boîte je me suis consumée...



Les voiles de fumée s’estompent doucement
Et, brillant, le soleil a regagné les cieux.
Il a peint le velours de la robe d’enfant
De noir et de douleur et s’élève, glorieux.

Petite fille dort sur un lit de charbon,
Et de ses boucles d’or il ne reste que cendre.
Petite fille dort, le soleil va la prendre
Pour avoir trop aimé le feu de ses rayons.

Et son esprit la quitte et son âme s’élève
Un tourbillon l’envole au firmament d’azur
Où luit son plus beau rêve.

Sur un faisceau de jour glisse le souffle pur
Des songes apaisés d’un cœur qui se relève
Le ciel est son futur.

Elle joint le soleil, un rire au coin des yeux
Heureuse d’avoir pu chatoyer à son tour
Elle a brillé plus fort que son astre de feu
Un corps vient de s’éteindre, un ange a vu le jour.

Soudain des hurlements déchirent le silence
Les plaintes et les cris d’un cœur agonisant
Attirent son regard sur les sombres instants
D’une mère à genoux s’aliénant d’inconscience.

Rage, douleur et peine envahissent son cœur,
Pour maman, petit ange est un soleil éteint
Soudain son âme pleure.

Une larme s’échappe de l’œil enfantin
Traverse le néant, et de son sel effleure
Le portrait du chagrin.

Petite perle d’eau, de la joue de sa mère
Caresse le satin, glisse paisiblement
Sur les lèvres serrées d’une femme en prière,
Et meurt, goutte de pluie, comme larme d’enfant.

Psychoze & Hécate
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[cabosche]

heureusement que ma boite d'allumettes est hors de portée de ma fille.
vous avez bien travaillé a quatre mains. Felicitations

[El Marco]

Très beau travail, Psychoze et Hécate ! On en redemande !