Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres

[Anonyme 9]

Surpris par la pluie, Yvan s’abrita sous son attaché-case et accéléra l’allure en râlant. Tandis qu’il empruntait sa rue, il vit une forme étendue sur le sol, à peine éclairée par la lumière vacillante d’un réverbère. En s’approchant, il s’aperçut qu’il s’agissait d’un homme, couché sur le dos, une écharpe en laine cachant son visage.
- Monsieur ? lança Yvan d’une voix craintive.
Comme l’homme ne répondait pas, il se baissa et ôta l’écharpe lentement. Il se figea en découvrant la figure d’une pâleur mortelle. Ce visage était en tout points identique au sien.

Yvan, bien que stupéfait, appela de nouveau l’homme, en vain. L’écharpe encore en mains, il s’agenouilla auprès du corps étendu, faisant fi du déluge qui tombait. Il colla son oreille contre la poitrine de l’homme. Rien. L’homme ne respirait pas. Pourtant son corps était encore chaud. Son cœur venait sûrement de lâcher. Yvan se dit que c’était le moment où jamais de mettre en pratique les notions de secourisme qu’il avait acquis au cours d’un stage AFPS passé quelques années auparavant. Il y avait peut-être encore une chance que l’homme survive, il ne pouvait pas la laisser passer.

Il allongea l’homme convenablement, lui pencha un peu la tête en arrière. Il posa la paume de sa main droite, entre les côtes de l’homme, au niveau du cœur, puis sa main gauche par dessus sa main droite et se mît à appuyer en rythme : et un, et deux, et trois, … ce jusqu’à quinze. Il pinça alors le nez de l’homme, puis, malgré le dégoût que lui inspirait cet acte, posa ses lèvres sur celles de son partenaire de bouche-à-bouche.Yvan sentait bien l’air gonfler les poumons de l’homme, un peu comme s’il s’agissait d’un ballon de baudruche. Il entama alors une nouvelles série de quinze impulsions, puis deux insufflations, et ainsi de suite.

Yvan continua longtemps alors que bien d’autres auraient baissé les bras, sous un ciel de plus en plus impitoyable. La pluie cinglait son visage. S’il était tombé à l’eau, il aurait sûrement été plus sec qu’en ce moment. Alors qu’il ne s’y attendait plus, l’homme, où plutôt son corps laissa échapper un bruit horrible, qu’Yvan n’avait encore jamais entendu, un intermédiaire entre le rot et le vomissement. Après quoi l’homme cracha du sang, releva légèrement la tête et ouvrit des yeux fous.

Yvan demanda à l’homme s’il allait bien sans obtenir de réponse et tenta d’abriter le malheureux des torrents qui tombaient des nuages. Ils restèrent tout deux à se regarder un certain temps, l’un reprenant son souffle, l’autre se demandant dans quel histoire il s’était retrouvée. Yvan trouvait que l’homme lui ressemblait plus que lui-même sur une photo.

D’une voix caverneuse l’inconnu rompit le silence tout relatif étant donné le bruit infernal que faisait les hallebardes se fracassant sur le macadam.
- Mon écharpe !
Yvan la lui tendit, presque à contrecœur tant elle était imbibée d’eau. L’homme sembla dire quelque chose, qu’Yvan ne comprit pas. Il se rapprocha de lui pour tenter de donner un sens aux paroles de l’inconnu.

Alors qu’Yvan ne s’y attendait pas du tout l’homme poussa un cri et enroula l’écharpe autour de son cou.
- Qu’est-ce qui vous prend ?, rugît Yvan d’une voix étranglée. L’homme commença à serrer, un peu, puis de plus en plus fort. Yvan, dont le visage avait viré au cramoisi trouva encore la force de poser ce qui serait sûrement sa dernière question.
- Qui…qui êtes vous ?
L’homme, essoufflé lui aussi, un rictus de démence sur le visage lui répondit comme s’il s’agissait de l’évidence même.
- Moi ? Mais je suis toi ! Qui veut tu que je sois ?
Yvan, dans un ultime effort tenta d’échapper aux mains de son assassin et émit un son qu’il voulait être un cri.

- Yvan ! Yvan, ça va ? Tu es tout rouge. Tu m’entends ?
Yvan ne comprenait plus rien. Il était allongé, en nage, dans le noir complet, sur ce qui lui sembla être un lit. Il scruta l’obscurité pour tenter d’associer un visage à la voix féminine qui semblait s’adresser à lui.
- Yvan ? Tu m’entends ? Réponds-moi. Tu as fait un cauchemar. Je suis là.
Yvan avait la tête à la limite de l’implosion. Il tenta de rassembler ses esprits et demanda :
- Qui êtes vous ?
- Yvan, c’est moi, Manon, ta femme. Qui veux-tu que je sois ?

Yvan poussa alors un hurlement d’une intensité telle que malgré la tempête, il réveilla tout le voisinage.

[sofy]

pas mal du tout.....

[Memess]

Je ne sais pas si l'auteur avait déjà lu les autres nouvelles mais cette idée a déjà été utilisé (un peu differement mais c'est le même genre) !dommage !
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Polars Addict : Chroniques des littératures de genre
So many books, so little time...

[Fredo]

Bah le fait que les mêmes idées se retrouvent d'une nouvelle à une autre, fallait s"y attendre. Et ça reste fun à lire, si le thème est commun de voir ce que propose l'auteur.
J'adore le titre, avec ses 3 interpretations possibles.
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Frédéric Fontès, News & Chroniques sur www.4decouv.com et C'est Culturellement Dingue sur TikTok

[Nico]

[Hoel]

Je ne suis vraiment content de moi que pour le titre. Pour le reste, mes proches avaient l'air de trouver ça super, mais quand j'ai lu certaines des nouvelles proposées, j'ai vite compris que mon imagination n'était pas assez "tordue" pour trouver de telles histoires.
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Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire... J'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard (1864-1910)

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