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Polars Pourpres

Le grand méchant look (nouvelle)

 
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Kitty95
Victime


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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Lun Juil 23, 2007 4:03 pm    Sujet du message: Le grand méchant look (nouvelle) Répondre en citant

Voici un texte noir (âmes sensibles s'abstenir !) que je vous propose à la lecture et pour lequel j'aimerais avoir votre sentiment. Des lecteurs, sur d'autres sites, ont soit adoré, soit détesté... Il n'a toutefois laissé personne indifférent...

Le grand méchant look

Petite fille, on craint le grand méchant loup, d’abord celui des contes de l’enfance, puis cet homme sans visage qui veut vous kidnapper et vous conduire loin de chez vous pour assouvir des desseins pervers…
— Alors, comme ça, tu fais stop pour aller au lycée ?
— Ben… Aujourd’hui, j’ai loupé mon bus, c’est pour ça que je me suis décidée à faire du stop…
— On ne t’a jamais dit que c’était dangereux ?
— Si… On me l’a dit…
— Et si on faisait un petit tour en forêt au lieu d’aller au lycée ?
Sueur glacée, tremblements de tout le corps, mes mains agrippent la poignée, je suis prête à me jeter hors de la voiture, hélas la portière est verrouillée de l’intérieur.
— Je vous en prie, laissez-moi descendre !

Pas de réponse, l’homme accélère, tendu, un demi-sourire aux lèvres. Sa main droite agrippe mon genou, je hurle…
— Vous faites une mauvaise affaire ! J’ai mes règles…

Brusque coup de frein, la voiture s’arrête, l’homme déverrouille la portière, se penche au dessus de moi pour ouvrir de mon côté et me pousse dehors. Je m’affale sur le trottoir. Les nerfs me lâchent et je pleure.

Je cours jusqu’à l’abribus et me réfugie dessous.

A partir de ce jour, j’opte pour le grand méchant look. Les jupes courtes, le maquillage, terminé. Week-end à Amsterdam, marché aux puces, grandes chemises de grand-père informes, cheveux courts et teint brouillé. Plus question de prendre des risques. Je ne veux plus exhiber ma féminité et je me sens rassurée par mon apparence asexuée.

Après le grand méchant look, vient le grand méchant doute aux multiples visages. Premier emploi en extra, premier stress… Qu’attend-on réellement de moi ? Pourquoi me parle-t-il mal, celui-là ? Et elle, pourquoi me regarde-t-elle de travers ? Et toutes ces tâches subalternes, suis-je vraiment censée les accepter ? Je passe mes week-ends dans un drugstore parisien à vendre tantôt des cigarettes, tantôt des jouets, tantôt des livres. Quel que soit le rayon auquel je suis affectée, je vis les mêmes tourments : rester debout, dire bonjour, sourire, servir, dire au revoir, déjeuner en trente minutes dans un sous-sol malodorant, écouter les plaintes des collègues. Quand vient le soir, je suis épuisée, je n’ai plus envie de rien. Un jour, je surprends une conversation qui se tient dans la réserve.
— Tu es quand même un peu dur avec la petite…
— Dur, moi ? Elle a ce qu’elle mérite, ni plus, ni moins.
— Je ne suis pas d’accord. Elle est toujours à l’heure, elle ne se plaint jamais. On peut lui demander n’importe quoi, elle est toujours prête à rendre service.

— Non, mais tu l’as bien regardée ? De dos, on dirait un mec. Toujours en pantalon.
— Et alors ?
— Elle pourrait faire un effort pour venir travailler ! Et puis, les étudiants m’horripilent. Je suis pour qu’ils en bavent, ces intellos…

Brusque montée d’adrénaline. Puisqu’on me juge sur mon apparence, je jette l’éponge, je ne reviendrai pas travailler le week-end prochain.

Premier grand amour, premières désillusions. Pourquoi s’est-il rasé de près ce matin ? A quoi rime cette nouvelle garde-robe ? Pourquoi s’est-il renversé une bouteille entière de parfum sur la tête ? D’où vient ce long cheveu noir sur son col de chemise ? Comment se fait-il qu’il rentre si tard ces derniers temps ? Qu’est-ce encore que cette réunion qui tombe un samedi ?
— Dis-moi la vérité, c’est fini entre nous ?
— Puisque tu en parles, en effet, je crois que ça vaut mieux…
— J’aimerais comprendre…
— Je ne crois pas que cela te soit possible.
— Tu as rencontré quelqu’un d’autre ?
— Oui.
— Qu’a-t-elle de plus que moi ?
— C’est une femme… une vraie.

Enfin une nouvelle relation à l’horizon. Ce type me plaît, il apprécie ma compagnie. Ce n’est pas un dragueur. Lorsqu’il croise d’autres femmes, plus belles, plus féminines que moi, son regard ne les effleure même pas. Je deviens sa compagne et le reste pendant dix longues années de tendresse partagée. La onzième année amorce un tournant qui me surprend. Qu’est devenue notre complicité ? Ses goûts changent, il a envie de sortir, de voir du monde. Il prend des congés indépendamment de moi. Il a besoin de réfléchir. Un soir, je n’y tiens plus…
— Que se passe-t-il ?
— Je ne sais pas.
— Aurais-je fait quelque chose qui…
— Non, c’est moi qui ai changé. Toi, tu es toujours la même, hélas… J’aurais aimé un peu plus de… un peu moins de…

Mon écoute se brouille, les larmes me viennent aux yeux. La rupture est consommée.

Le temps passe. Mes premières rides sont déjà loin. Ma fille a pris son envol. Elle n’a plus besoin de moi. On ne m’accorde plus le moindre regard.

Mes compétences professionnelles ? Obsolètes. Mon avenir ? Un placard ou le chômage. Et ensuite ? La retraite, seule. Flash back sur mon passé, Hervé, Jean-Marc et les autres, le drugstore, les emplois qui ont suivi, les remarques sur mon apparence, sur mes choix vestimentaires, le regard des hommes ou plutôt leur indifférence. Ainsi, je me serais trompée sur toute la ligne ? Je n’aurais fait que des mauvais choix ? Impossible. J’ai raison, ce sont les autres, tous les autres qui ont tort. Et je vais le leur prouver. Je crie vengeance, je demande réparation. J’en ai le droit et même le devoir. Au nom de toutes les femmes, je serai l’exception qui confirme la règle. Je serai aimée pour ce que je suis, pour qui je suis… Cette flambée d’optimisme, vite retombée, me laisse un goût amer dans la bouche. Soudain il me vient une idée, un espoir. Si je mettais une minijupe et faisais du stop, que se passerait-il ? Je veux à tout prix connaître la réponse à cette question. Quelle heure est-il ? C’est bon, je rejoins le centre ville, avise une boutique, décroche une jupette ultracourte de son portant, règle mon achat, regagne mon appartement, me change…
— Vous allez où comme ça ?
— Je pars à l’aventure.
— A votre âge ?
— Je n’ai que quarante-huit ans !
— Ah ! Eh bien, pour moi l’aventure s’arrête dans une vingtaine de kilomètres.
— Très bien.

Silence dans la voiture, les kilomètres défilent. Pas de main sur le genou, pas de regard furtif. Pas la moindre curiosité à mon égard. Pas de commentaire sur mon accoutrement. Lente décélération, arrêt en rase campagne.
— Désolé, mais je dois vous laisser ici.
— Il n’y a pas la moindre habitation ! Vous campez dans un champ ou quoi ?
— Non, j’habite un peu plus loin. Je ne veux pas que ma femme vous voie, vous comprenez ?
— Pas vraiment, mais bon…

Il pleut, je suis au milieu de nulle part, l’homme est reparti, ma minijupe dégouline, qu’à cela ne tienne, je poursuis ma route, le pouce levé. Des automobilistes ralentissent à ma hauteur mais à la vue de mon visage aussi ravagé que ma tenue, ils ne s’arrêtent pas. Je continue jusqu’à la nuit tombée, mes jambes ne me soutiennent plus. Je m’allonge sur le bitume, les bras en croix et la bouche grande ouverte sous la pluie torrentielle. Un moteur au loin, puis plus près, puis tout près, brusque coup de frein, trop tard, les roues du 15 tonnes m’aplatissent sur l’asphalte. Adieu, grand méchant loup et grand méchant doute. Il ne reste plus que le grand méchant look sanguinolent de ma carcasse écrabouillée…
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Fredo
Michael Myers


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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Lun Juil 23, 2007 4:45 pm    Sujet du message: Répondre en citant

C'est étrange, ça ressemble plus à un texte auto-biographique qu'à une nouvelle. Ce qui fait dès le début de la lecture, on se doute de la fin. On devine que ça va engendrer une lente descente aux enfers. Plus un témoignage sur les clichés véhiculés par l'apparence d'une femme qu'autre chose. C'est ça Kitty, une manière de crier ton ras le bol ?!
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Kitty95
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Lun Juil 23, 2007 5:05 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Fredo a écrit:
C'est étrange, ça ressemble plus à un texte auto-biographique qu'à une nouvelle. Ce qui fait dès le début de la lecture, on se doute de la fin. On devine que ça va engendrer une lente descente aux enfers. Plus un témoignage sur les clichés véhiculés par l'apparence d'une femme qu'autre chose. C'est ça Kitty, une manière de crier ton ras le bol ?!


Décrire une lente descente aux enfers était en effet mon but ! Heureusement, cette histoire n'a rien d'auto-biographique, excepté quelques anecdotes sur les premiers boulots que j'ai pu exercer.
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Jade18
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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Lun Juil 23, 2007 6:28 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je fais partie des gens qui aiment ton texte. Mais c'est vrai que le lecteur devine la mort de la narratrice, tant son desespoir est palpable...
Ce que je préfère, ce sont les multiples questions que se posent la narratrice, en alternance avec les différentes étapes de sa vie.
En tous cas, un texte bien écrit, qu'on aime ou pas le sujet...
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Kitty95
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Mer Juil 25, 2007 10:17 am    Sujet du message: Répondre en citant

Jade18 a écrit:
Je fais partie des gens qui aiment ton texte. Mais c'est vrai que le lecteur devine la mort de la narratrice, tant son desespoir est palpable...
Ce que je préfère, ce sont les multiples questions que se posent la narratrice, en alternance avec les différentes étapes de sa vie.
En tous cas, un texte bien écrit, qu'on aime ou pas le sujet...


Merci pour ton commentaire, Jade. Bien sûr ce résumé de vie ne pouvait aboutir qu'à la mort de la narratrice. Je ne cherchais pas à créer la suprise, juste à donner un rythme aux événements traversés.
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luce
Témoin


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Le Serment des Limbes

MessagePosté le: Mer Aoû 01, 2007 1:21 pm    Sujet du message: Répondre en citant

salut
je suis un peu à la ramasse, mais ça fait un bout de temps que je ne suis pas venu
en effet, c'est d'une grande qualité, les entiments sont omniprésents et palpables (sic)
le thème est intéressant, quoique à la limite du glauque ou du décent, mais c'est ça qui en fait le style et le charme !
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Kitty95
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Jeu Aoû 23, 2007 3:01 pm    Sujet du message: Répondre en citant

luce a écrit:
salut
je suis un peu à la ramasse, mais ça fait un bout de temps que je ne suis pas venu
en effet, c'est d'une grande qualité, les entiments sont omniprésents et palpables (sic)
le thème est intéressant, quoique à la limite du glauque ou du décent, mais c'est ça qui en fait le style et le charme !


Bonjour Luce

C'est sympa de trouver en rentrant de vacances un commentaire sympa sur son "oeuvre" ! Merci beaucoup !
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