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Entretien Sébastien Raizer

 
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chouchou
Serial Killer : Patrick Bateman


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MessagePosté le: Ven Fév 09, 2018 11:55 pm    Sujet du message: Entretien Sébastien Raizer Répondre en citant

Notre appétence littéraire nécessite des univers, des personnalités marquées et déterminantes pour accéder au plaisir de lecture. Cet échange avec le géniteur de L’ Alignement des Équinoxes nous permettra de mieux comprendre et de saisir la genèse de cette trilogie.

Je tiens à remercier Christelle Mata pour son entregent et sa bienveillance.



Bonjour Sébastien Raizer, pouvez vous nous retracer votre parcours ?

Après une classe prépa scientifique, j’ai directement bifurqué pour créer les éditions du Camion Blanc avec un ami. En fait au départ j’ai écrit un livre sur Joy Division qui s’appelait « Lumières et ténèbres », on a mis à contribution des détenus de longue peine afin d’imprimer l’ouvrage fruit d’un travail d’archives communs. J’ai donc fait Camion Blanc de 1992 à 2013, puis publié un roman chez Verticales, chez Grasset en 2001 et après ces romans je continuais à écrire de façon expérimentale afin de trouver un territoire rassemblant différentes polarisations. (représentées par Mishima, Burroughs, K. Dick) Jusqu’à la rencontre avec Aurélien Masson qui me propose d’écrire une novella puis l’écriture d’une Série Noire complète avec un seul mot d’ordre : « Lâche les chevaux ! ».

Le polar, le roman noir est partout mais avec un double mouvement expansion/ perte de substance. Je voulais foncer dans l’inconnu absolu. Le premier grain de sable, un embryon d’idée c’était la vipère et en rapport avec qui avait été écrit sur les serial-killers, le mal de fiction, je ne voulais pas de cliché de l’incarnation du mal. La Vipère devait être un personnage luciférien mais de lumière et ensuite le personnage de Wolf est venu naturellement comme le pendant de la Vipère. C’est ensuite que j’ai été bloqué car il me manquait un truc capital tel la pierre noire de l’Odyssée de l’Espace. Ce moteur se devait d’être métaphysique, existentiel, par les trois mots physique, psychique et le territoire spirituel. Les personnages sont venus naturellement, spontanément avec leur regard, leurs failles, leur passé, leurs douleurs, leurs angles morts. J’ai surtout écouté je ne voulais pas être interventionniste, je ne voulais pas absolument que ça se passe comme ça, j’ai écouté le monde dans lequel ils évoluaient et cette écoute c’est ce qui a nourri le texte. Ce qui reste du livre c’est le frottement entre la réalité et l’histoire intime.



Dans ce troisième volet j’ai la sensation que la notion humaine des protagonistes prend une ampleur majorée. Est-ce que c’était une volonté initiale de clore ce triptyque de cette manière ?

Ouais je suis parfaitement d’accord mais c’est pas une volonté, je n’imprime pas MA volonté, je ne suis pas un marionnettiste, je les écoute mais ce qui m’intéresse c’est la réalité événementielle du volume III et c’est peut-être pourquoi j’ai voulu creuser, d’aller chercher au fond d’eux. Surtout il y en a un qui me touche beaucoup c’est Markus d’où le message qu’il envoie à Wolf à travers la chanson de David Bowie.



Derrière cette « cyber société » contemporaine décrite, diriez vous que votre projet était un conte philosophique teinté d’une critique sociale ?

Oui c’est très juste et vous vous rendrez compte de la pertinence de la question à la clôture de la lecture, c’est un roman de sécession. Si on raisonne sous l’angle politique on ne réforme pas ce monde pourri, on fait un pas de côté et on laisse crever, même le critiquer c’est le nourrir.



De ces lectures, j’ai ressenti des accointances avec l’ouvrage « Les racines du mal » de Maurice Dantec. Avez vous des piliers, des totems chez les écrivains fondant votre identité littéraire ?

Oui alors les trois polarisations ce sont Mishima, Burroughs et Philip K. Dick. D’ailleurs, dans les trois livres, il y a une citation de chacun des trois auteurs avec de la musique. Quand j’ai lu « Les racines du mal » boum la claque et la « Sirène rouge »…





Vos récits sont ponctués, rythmés, par l’omniprésence musicale. Quel est son rôle dans la trame de vos ouvrages ?

Dans la trame pas vraiment. Je vais donner des exemples précis. Dans l’épigraphe des bouquins, Nick Cave pour le premier, Ministry dans le second et Leonard Cohen dans le troisième pour moi chacune de ces chansons c’est l’essence de l’esprit, de la tonalité que je veux mettre dans le livre ensuite dans chaque partie, là c’est plus centré sur un personnage. J’ai découvert Hemingway à 11 ans, l’année d’après je découvrais The Cure



La culture et vote ancrage nippons ont-elles une influence consciente sur cette trilogie ?

C’est assez bizarre en fait parce que forcément l’endroit où on vit nous influence, nous imprègne et nous façonne, bien que c’est un phénomène qui prend du temps sans doute mais la toute première novella qu’Aurélien (Masson) m’ait demandé c’était une histoire japonaise « Comment j’ai gagné la guerre du pacifique » où politique, histoire, mythologie sont trois choses qui, au Japon, sont inséparables. C’est les héros tragiques qu’ils vénèrent. Mais après le fait de vivre au Japon, effectivement, déjà le rapport au langage devient beaucoup plus intense, pour la première fois, j’avais une sensation physique des mots. La sensation de vide devant cette langue étrangère a comme créé une sensibilité accrue, des sensations telluriques sur les Japonais, la société ça m’a modifié. C’est une autre planète mais en même temps c’est chez moi. Je sens que de plus en plus ça infuse, ça change la façon d’écrire.



Le triptyque balaie un certains nombres de thématiques : l’écologie, les OGM, le pouvoir des réseaux informatiques, les politiques. Ces thèmes correspondent-ils à vos propres combats ?

A mes préoccupations, oui. Quand je vivais en France il était hors de question que je mette les pieds dans un supermarché. C’est complètement incohérent de publier sur FaceBook des pétitions ou des trucs que la planète est en train de crever et d’avoir sa carte du Monoprix. J’ai commencé à m’intéresser à ça en devenant végétarien, c’était tout con, j’achetais un magazine de course à pied pour préparer un marathon et je vois “éviter la viande rouge” c’est plein de toxines stockées. Il n’y a qu’un argument c’est que l’on se sent beaucoup mieux, sans parler des massacres du bétail c’est vraiment de la barbarie à l’état pur. Cela rejoint le politique, c’est une action politique, notre carte bleue a éminemment plus de pouvoirs que notre carte d’électeur et donc on fait de la politique à chaque fois que l’on se sert de notre carte bleue. On nourrit le système ou on fait sécession avec le système alternatif. En creusant encore plus dans “Minuit à contre jour” toutes les infos d’Antoine Marquez que lui balance La Vipère elles sont référencées, elles sont complètement folles mais elles sont référencées car ce sont des faits, c’est sourcé. Et derrière il faut agir en conséquence, le lien entre le mot et l’action est très, très, fort au Japon, une promesse cela n’existe pas.

Il y a comme une sorte de gimmick qui s’insère dans l’intégralité de votre ouvrage : « Face au gouffre un pas en avant ». Pouvez vous nous expliquer sa signification et le fait qu’il ponctue la trilogie ?

En fait c’est un koan, que l’on retrouve dans Petit éloge du Zen (sortie concomitante avec Minuit à contre jour aux éditions Folio) , ce sont des phrases qui ont l’air absurde, contradictoire. Si on se trouve face au gouffre ce n’est pas un hasard, c’est la fin d’une réalité, on fait ce pas en avant afin de rentrer dans une nouvelle réalité. Le koan sert à la méditation zen renzaï. C’est mon envie de foncer dans un absolu c’est aussi : face au gouffre un pas en avant. Les choses ont grandi de manière organique, je ne suis que le co-auteur du livre tout le reste c’est écrit par les informations que j’ai écoutées, que les personnages ont reçues, la façon dont ils ont réagi, c’est ça qui a construit le livre. Ca fait combien de décennies que l’on tourne autour du gouffre ?

A l’instar de notre site, pourriez-vous nous proposer un titre, un album qui pourrait correspondre à « Minuit à contre Jour » ou celui qui vous a accompagné lors de son écriture ? (Ou du moment !)

Le dernier qui me reste, j’ai beaucoup regardé la vidéo en écrivant le passage sur Markus, la vidéo tournée par Mick Rock « Life On Mars » que je trouve sublime, y’a rien Bowie tout seul, blanc, costume bleu ciel, il remplit l’espace à lui tout seul et cette chanson est absolument sublime.

Merci à vous.

Entretien réalisé chez Gallimard le 13 septembre 2017.

Chouchou.
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Celui qui affronte les monstres devra veiller à ce que, ce faisant, il ne devienne pas lui-même un monstre.
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