Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres Index du Forum Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres
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Polars Pourpres

[Concours n°1] De Charybde en Scylla

 
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Anonyme10
Invité








MessagePosté le: Dim Juil 22, 2007 12:41 am    Sujet du message: [Concours n°1] De Charybde en Scylla Répondre en citant

Citation:
Surpris par la pluie, Yvan s’abrita sous son attaché-case et accéléra l’allure en râlant. Tandis qu’il empruntait sa rue, il vit une forme étendue sur le sol, à peine éclairée par la lumière vacillante d’un réverbère. En s’approchant, il s’aperçut qu’il s’agissait d’un homme, couché sur le dos. Une écharpe en laine cachait son visage.

— Monsieur ? lança Yvan d’une voix craintive.

Comme l’homme ne répondait pas, il se baissa et ôta l’écharpe lentement. Il se figea en découvrant la figure d’une pâleur mortelle. Ce visage était en tous points identique au sien...


Identique... Enfin, pas tout à fait. Yvan pouvait maintenant distinguer quelques infimes différences, un grain de beauté un peu plus haut sur la joue, une ride un peu moins marquée... Mais n'importe qui s'y laisserait prendre. Et ce n'importe qui, pensa Yvan un peu amer, incluait sa femme Charlotte (qui ne le touchait plus depuis des lustres), et son fils de 17 ans, Samuel (qui ne lui adressait la parole que pour lui demander de l'argent).

Yvan aurait été ravi de partager cette rencontre avec celui qu'il devait bien considérer comme son sosie parfait (les lois de la génétique sont parfois curieuses...), mais Jean (à en croire les papiers d'identité trouvés dans la poche intérieure du manteau) avait tout l'air d'avoir passé l'arme à gauche. "Une crise cardiaque probablement, ou quelque chose de ce style", se dit Yvan. En témoignait d'ailleurs la voiture stationnée à l'arrachée en plein milieu de la rue, les clés toujours sur le contact, comme si le conducteur, pris de convulsions, s'en était extirpé pour tenter à tout prix de survivre, sans grand succès hélas.

Yvan eut alors l'idée la plus folle de sa vie. Oh, s'il n'avait pas dû aujourd'hui déposer le bilan de sa société, si sa voiture avait accepté de démarrer, s'il n'avait pas du rentrer à pied sous cette fichue pluie, il aurait sûrement agi autrement. Il aurait appelé une ambulance, la police, Dieu sait qui.

Mais là, Yvan était prêt à accepter n'importe quel signe, n'importe quelle source de réconfort. Aussi n'est-il pas étonnant qu'en découvrant le corps inanimé de son sosie au coin de sa propre rue, il ait vu là une manifestation du destin.

Prestement, Yvan échangea ses vêtements, ses papiers d'identité et toutes ses affaires avec celles de Jean, puis monta dans la voiture de ce dernier, en direction de l'adresse de Jean, à l'autre bout de la ville. "Non, Mon adresse" Pensa Yvan.

Chemin faisant, il se rendit compte que tout à son excitation, il avait omis un petit détail : comment se faire passer pour quelqu'un dont on ne connait que le nom, l'adresse et les photos de la femme et des deux petites filles, trônant dans le portefeuille ? "Je ferai semblant d'être pris d'amnésie", se dit-il, après un instant de réflexion. "Comme ce jeune et beau héros dans le roman que je viens de lire, qui se réveille un matin sans reconnaître personne. Après tout, ça ne sera pas vraiment un mensonge, puisque je ne sais rien de ma nouvelle vie !"

C'est donc tout à trac qu'Yvan passa le seuil de sa nouvelle maison. La première personne qu'il vit en entrant, ce fut la femme de la photo, les cheveux emmêlés et les yeux rougis ("Tiens, elle a pleuré, elle devait s'inquiéter de ne pas me voir rentrer"). Il se lança alors dans une prestation qu'il espérait digne d'être oscarisée :

-"Madame ? Je suis désolé de vous importuner, mais j'ai dû faire une crise cardiaque ou je ne sais quoi, je pense que je me suis évanoui et quand je me suis réveillé, je me suis aperçu que je ne me souvenais d'aucun détail de ma vie. J'ai trouvé des papiers d'identité sur moi, alors je suppose que je suis Jean et que vous devez être ma femme." Le tout avec force de bégaiements et d'hésitations.

Quand Yvan releva les yeux vers la femme, il fut incapable de percer les sentiments qui semblaient la submerger.

-"Mais bien sûr que tu es mon mari, Jean." (N'étais-ce donc pas une forme d'ironie, dans sa voix ?) "Va t'assoir sur le fauteuil dans le salon là-bas, je vais te chercher une boisson chaude..."

Mais quand elle revint dans le salon, ce n'était pas une tasse de café qu'elle tenait entre ses mains, mais un revolver pointé sur lui.

-"Espèce de salaud ! Tu n'as même pas voulu mourir proprement alors que je t'en ai donné l'occasion ! Dix mois que je t'empoisonne à petit feu pour que ça ait l'air d'une crise cardiaque ! Tu devais mourir ce soir !"

Elle tremblait maintenant, et semblait telle une furie vengeresse.

-"Parce que tu crois que je ne savais pas, peut-être ? Tu crois que je n'ai pas vu tout ce que tu as fait subir à nos filles ? Dix mois qu'elles endurent tes instincts de pervers, dix mois que tu fous leur vie en l'air, dix mois gâchés pour éviter de mêler leurs noms à ta mort et pour ne pas les faire souffrir encore plus qu'elles n'ont déjà souffert lors d'un interminable procès ! Dix mois pour qu'elles ne soient pas trainées dans la boue et pour leur permettre de garder au moins leur mère, puisque je me suis rendue compte qu'elles n'avaient jamais eu de père ! Mais non ! Les salauds sont toujours les plus résistants, moi j'attendais que tu ailles mourir au volant le plus loin possible de la maison, mais toi, tu rentres comme si de rien n'était et tu me sors cette histoire débile d'amnésie, mais pour qui tu me prends ? Pour une de ces femmes qui se taisent pendant que leurs enfants subissent les pires des sévices ? Et bien non ! Je préfère qu'elles grandissent auprès de mes parents plutôt que dans l'ombre d'un salaud comme toi ! Tu es un pervers qui va faire de moi une meurtrière !"

-"Mais, Madame, laissez-moi..."

Yvan n'eut pas le temps de finir sa phrase, la femme lui décocha une balle entre les deux yeux. La dernière chose qui lui vint à l'esprit avant de s'éteindre fut qu'il aurait mieux fait de continuer à vivre en loser, plutôt que de mourir en enfoiré.
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Fredo
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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Dim Juil 22, 2007 12:59 am    Sujet du message: Répondre en citant

Clap clap clap clap, ouah ouah ouah ! Je savais que certaines nouvelles, de part leur qualité, me feraientt regretter d'avoir tenté l'aventure ! AH ah ah ah ah !
Bravo à l'auteur de celle-ci, je suis sur le cul !
Plus ça va, plus j'adore ce concours...
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Dim Juil 22, 2007 9:45 am    Sujet du message: Répondre en citant

M**** celle-là est excellente !
Au début j'ai eu peur que ça soit un déjà vu mais non !
J'ai beaucoup aimé la tirade de la femme avec les 10 mois !
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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Dim Juil 22, 2007 11:00 am    Sujet du message: Répondre en citant

excellent !!!!!! Very Happy
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Hoel
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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Dim Juil 22, 2007 6:13 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Excellente celle-là Exclamation
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frog
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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Dim Juil 22, 2007 8:27 pm    Sujet du message: Répondre en citant

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MessagePosté le: Lun Juil 23, 2007 12:21 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Excellente histoire, originale et bien écrite !
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luce
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MessagePosté le: Mar Juil 24, 2007 5:09 pm    Sujet du message: Répondre en citant

waouh !!!

la c'est même pas assez félicité !
pff
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Le Vol des Cigognes

MessagePosté le: Mer Juil 25, 2007 12:55 am    Sujet du message: Répondre en citant

Charybde et Scylla sont deux monstres de la mythologie grecque, dont la légende est à l'origine de l'expression "voguer de Charybde en Scylla", qui signifie "éviter un péril pour tomber sur un autre".

Je viens de voir ça sur le wikipedia, je ne connaissais pas l'expression ! Excellent !

http://fr.wikipedia.org/wiki/Charybde_et_Scylla
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Memess
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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Dim Juil 29, 2007 4:02 pm    Sujet du message: Répondre en citant

J'avais pas fait attention au titre qui est ma foi très bien trouvé !
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