Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres Index du Forum Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres
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Polars Pourpres

4 Mains....

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Jean-Christophe Grangé — Polars Pourpres Index du Forum -> Ecrivains en herbe
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Steve-O
Serial Killer : Patrick Bateman


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Les Rivières Pourpres

MessagePosté le: Sam Mar 17, 2007 4:01 pm    Sujet du message: 4 Mains.... Répondre en citant

Voilà quasiment 1 an que traîne un vieux fichier Word sur deux disques durs... Une histoire entamée après une rencontre avec un certain Athanagor lors des "Quais du Polar" 2006...

Après quelques essais sur le site de Laurent Scalese sous la forme de courtes nouvelles, on sait dit qu'un peu complémentaires, il serait marrant de voir ce que nos deux cerveaux (plus on en a mieux c'est) pouvaient créer... On se lance et d'après une idée originale d'Athanagor nous voilà parti pour une histoire à 4 mains...

L'histoire commençant à prendre forme, les rebondissements changent et se retournent, la forme prend sa place...mais le temps manque et chacun étant un peu accaparé par sa propre vie... L'histoire devient un peu comme le chien que l'on abandonne au bord de la route durant les vacances d'Eté (attention ce n'est pas une incitation mais bien un message d'alerte).... Or il y a une semaine, je suis retombé sur ce "chien abandonné" et j'ai commencé à le regarder.... Finalement il n'était pas un si mauvais chien que cela (attention pour ceux qui suivent toujours, le chien c'est le manuscrit Laughing ).... Je pense qu'il faut au moins lui donner sa chance... C'est pour ça qu'Athanagor et moi avons décidé de poster le récit à 4 Mains sur ce forum....

Puisque nous avons un peu de matière et un peu de retouches à faire sur les derniers passages...Nous avons décidé de poster un chapitre par semaine...Histoire de ne pas vous écrouler sous un récit lourd et de garder un peu de suspense....

On espère que vous apprécierez...autant que l'on a pu le faire pour l'écrire... N'hésiter pas à laissez des commentaires (sur un autre poste si possible pour dédier celui ci exclusivement à l'histoire)....

J'ai fini et vous souhaite une bonne lecture.... Petit cadeau pour la première semaine...Le prologue et le chapitre 1..... Wink
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Dernière édition par Steve-O le Sam Mar 17, 2007 8:11 pm; édité 1 fois
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Steve-O
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MessagePosté le: Sam Mar 17, 2007 4:01 pm    Sujet du message: Répondre en citant

PROLOGUE

L’ombre, trônait dans entre deux maigres filets d’herbes. Une silhouette étendue, le visage ruissellement d’un liquide pourpre, trônait comme au milieu un mort au milieu d’un champ de bataille… La lune se dévoilait à moitié derrière la grande tour de béton. Timide…Volatile…Jeune première sur la scène nocturne. La « Sucrière » ancien bâtiment industriel reconverti depuis en musée d’art contemporain, cachait une partie du cercle lunaire. Warhol, Steiner ou Higazaki s’exposaient dans les murs pâles de ce décor post-industriel. La journée, le quartier voyait défiler des étudiants, des retraités ou de simples touristes à la recherche du musée. Il fallait faire un kilomètre à pied depuis la dernière station de tramway, se perdre sous un pont coincé entre deux chantiers et un terrain vague…passer un portail pour finalement atterrir sur des docks. Le long de ceux-ci des péniches étaient amarrées comme déposées par le courant du Rhône. La « Sucrière » s’imposait aux novices comme un immense blocos sorti de l’ère soviétique. Sa stature prenait aux trips, le visiteur se sentait comme écrasé par l’édifice.

Ce soir, le quartier s’était habillé de ses apparats : prostitués, dealers, macs... La présence timide de la journée avait laissé place à une effervescence dans une ambiance de déchéance. Les phares des voitures venaient découvrir les corps en jupes, en blousons de cuir… Les billets qui s’échangeaient contre quelques grammes de drogues. Une voiture noire s’était arrêtée quelques minutes auparavant. Juste là, à l’entrée des docks… Les camés et les dealers avaient observés les deux grandes silhouettes noires sortant de la BMW. Les lueurs dans les yeux des spectateurs, avaient indiqué qu’ils connaissaient ce genre de personnages…Se tenir loin de ces oiseaux de nuit. Ne pas chercher de crasses à ces messagers des ténèbres. Qui étaient ils ? Des contours floues dans la nuit qui s’avançaient vers l’arrière de la voiture. Le haillon du coffre s’ouvrit pour laisser apparaître un bras… Un membre de pantin désarticulé. Les deux hommes aux costards noirs attrapèrent l’homme dans le coffre pour le soulever… Le regard de l’homme était hagard à la recherche de n’importe quel point de repères. Et un souffle…une expiration présente comme un râle…sortie du plus profond de la cage thoracique. L’un des hommes passa le corps autour de son coup, l’homme décharné poussa un long cri de souffrance… Le molosse fit quelques pas pour aller se placer au centre du champ abandonné. Là, le corps sur ses épaules se souleva à la lumière des étoiles pour aller finir sa course contre le sol. Un craquement se fit entendre comme la branche sous un pied…Un bruit accompagné d’une suffocation.

Les portes de la voiture claquèrent comme une détonation. Elle effectua un demi tour à la hauteur du portail de « La Sucrière ». Parvenue à hauteur du corps qui reposait au centre du terrain vague, la vitre descendit dans l’habitacle. Le reflet de la lune refléta le sourire d’un visage. La fenêtre remonta… Tout était fini. Tout cela n’avait pris que quelques minutes.
A quelques mètres, Nicolas DAVID, entendait son cœur rompre le décompte. Ses paupières clignèrent une dernière fois. Juste un battement aussi frêle que celui d’un papillon. Il ne vit que les herbes se soulevaient sous la bise, et au loin le bruit de l’eau…
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Steve-O
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MessagePosté le: Sam Mar 17, 2007 4:02 pm    Sujet du message: Répondre en citant

CHAPITRE 1

Le coup de téléphone… Une sonnerie…puis encore une autre. Au plafond mon réveil à hologrammes affichait tranquillement : 1H30. Les chiffres digitaux verts s’incrustaient sur ma pupille sans que mon cerveau puisse réagir. Les paupières qui avaient du mal à s’ouvrir alors que résonnait dans le salon, le cri de l’appareil. Tout mon être se mettait en marche. Lentement, très lentement comme les antiques michelines à vapeur. J’avais chaussé mes pantoufles, attrapant au passage un tee-shirt pour me couvrir. Les vieux réflexes refaisaient surface même dans un appartement surchauffé. Marchant comme un somnambule, j’arrivais tant bien que mal à décrocher le combiné posé sur une petite table design.

- « Monsieur David ? Benjamin DAVID ? »
- « Oui ? » Je ne pouvais pas répondre de manière plus construite car ma bouche empâtée ne me permettait pas de prononcer les formules habituelles que mon cerveau me conseillait du style « Lui-même » ou autre « A qui ai-je l’honneur ? ». Je laissais mon interlocuteur nocturne parler, le temps que je me réveille.

- Je suis le commissaire Barezzi, Désolé de vous appeler si tard, mais nous pensons qu’il est arrivé quelque chose à votre père.
- Mon père ? Là encore, mon cerveau me proposait d’autres formules, mais la plus simple est sortie en premier.
- Nous l’avons trouvé gisant en plein milieu d’un terrain vague, près de la Sucrière. . Il a semble-t-il été victime d’une bagarre de rue.
- Que… Com… Que dois-je faire ? Où… Où est-il ? Est-ce que je peux venir le voir ? D’un coup, j’étais aussi éveillé qu’en pleine journée. En une phrase, mon état végétatif s’était évaporé.
- Non, pour le moment, vous ne pouvez rien faire. Je ne faisais que vous prévenir. Actuellement, nous sommes en train d’analyser les circonstances de sa mort pour retrouver celui qui lui aurait fait subir cela.
- Que lui est-il arrivé ?
- Visiblement, il a été agressé par un individu. Vu le coin dans lequel il se trouvait, il est possible qu’il ai été victime de la mode du moment : l’attaque du hasard. Les jeunes s’en prennent à une personne qu’ils croisent dans la rue et la tabassent… gratuitement. Pour eux c’est un jeu. Nous devons faire toutes les analyses qui nous permettraient d’en savoir plus. Mais apparemment il aurait été emmené dans ce terrain près de la Sucrière.
- Je dois venir le voir. Où est-ce que vous êtes ?
- Je suis désolé, mais vous ne pouvez pas pour le moment. Par contre, je voudrais vous voir demain, dans nos bureaux.
- J’y serai.
- Je suis désolé de vous avoir dérangé.

C’est avec ce genre de phrases de politesse finalement déplacées que je me rends compte à quel point personne, pas même les flics éprouvés par cette tache difficile, n’est préparé à annoncer la mort de quelqu’un à un de ses proches. Je raccrochais le téléphone et allait m’écrouler sur le canapé vert au fond du salon. Cloîtré dans un coin, j’avais ramené ma tête entre mes genoux. Le menton posé sur les coudes, je regardais les lumières à l’extérieur. Milles petites fées scintillaient dans la nuit devant mes yeux embrumés de larmes. Autant d’ampoules, des lampadaires qui traçaient le chemin des égarés nocturnes. Lyon, la ville des lumières devenait ce soir, pour moi la ville de l’ombre. Et moi ? Quel chemin ? Qui allait être la petite lumière qui me guiderait dans la nuit. Mes oreilles étaient du coton… Plus aucun son ne pouvait m’atteindre alors que le sourire de mon père s’inscrivait sur le mur blanc de la cuisine.

Sous une punaise, figurait une photo de moi et mon père. Assis devant d’étranges portes. Des ouvertures ovales à la couleur blanche. Je me souvenais de ce voyage. La Tunisie… Le désert…Matmatah…Le village troglodyte des berbères. Ces petites maisons construites dans la roche. Des lieux de vie creusés au plus profond des falaises ou du sol. Mon père et moi trônions, petits rois devant la porte de terre peinte en blanc. C’est un voyage qu’il m’avait payé lors de mes 18 ans. Il voulait fêter ma majorité, faire de son fils un homme. Il avait choisi la Tunisie car c’était le pays de ma mère. Je ne l’avais pas connue. Elle était partie peu de temps après ma naissance me laissant seul à l’autorité paternelle. Mon père avait voulu que je connaisse le pays de ma mère. S’il l’avait aimée c’est aussi pour ce pays, pour ces couleurs, ces sons, ces goûts…
Dehors un bruit de klaxon me sortit de ma torpeur. L’horloge du frigo affichait 3H15. Nous étions un froid vendredi de Février.

Demain, j’aurais 25 ans. Grâce à mon père, j’avais eu une vie très agréable. Grâce à son travail tranquille. Pas souvent en voyage, et très présent, lorsque j’avais besoin de quelque chose. Il pouvait me faire plaisir en me l’offrant : je n’ai pas été gâté, mais j’ai vécu heureux… grâce à lui. Mon père était comptable, les chiffres plein la tête et un compte bien rempli…Sûrement assez pour laisser sa vie au coin d’un terrain vague.
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MessagePosté le: Dim Mar 18, 2007 12:55 pm    Sujet du message: Répondre en citant

pas mal!! Smile
dommage cependant qu'on ne se laisse pas vraiment prendre par le prologue, embrouillé par quelques erreurs de langue Confused
sinon le premier chapitre est un peu court, les évènements arrivent un peu vite sans être vraiment analysés...
sinon l'histoire semble pas mal du tout, vivement la semaine prochaine!! Laughing
PS: pour info, il est long de combien de pages??
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MessagePosté le: Dim Mar 18, 2007 10:38 pm    Sujet du message: Répondre en citant

sympa comme initiative, j'adhère un max
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Steve-O
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MessagePosté le: Lun Mar 26, 2007 10:22 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Voici...la suite

Juste un truc si vous avez des commentaires pouvez vous les mettre dans un autre topic pour ne pas rendre difficile la lecture.... Peut être Nico peux-tu déplacé les deux messages précèdent ? Merci... Wink


CHAPITRE 3

Le lendemain après une courte nuit sous somnifères, je me levais encore la mine affectée. La douche chaude n’arrangeait rien à ce visage meurtri. En sortant de la salle de bain, mon répondeur clignotait, affichant une petite enveloppe. Un message. Le combiné crachait la voix d’un homme mûr. Le notaire de mon père, Maître Bompard, qui souhaitait me voir pour l’ouverture du testament. Il venait d’apprendre la mort de mon père et était déjà sûr mon dos. C’est dans ces moments là, qu’on arrive à penser que certaines personnes font des métiers de vautours. Le bip sonnait la fin de la communication. Je composais le numéro du notaire pour prendre rendez-vous avec lui. Nous avions conclu une rencontre pour 11 heures dans son étude. Après mettre rasé j’enfilais un costume noir. Pas par principe, seulement par bien être. Je n’avais pas envie d’une autre couleur. Aujourd’hui n’importe quelle autre couleur constituait une agression à mes yeux. Je prenais mon manteau et mon écharpe puis fermait l’appartement à clef. Le vent froid me pris au dépourvu alors que je sortais de ma cour. Dans les petites rues piétonnes soufflait cet air rugueux et glacial qui venait me griffer le visage. Je remontais un peu plus l’écharpe pour ne laisser dépasser que mes yeux.
Les inspecteurs de la police criminelle allaient certainement m’en dire plus sur les circonstances de la mort de mon père. Ils m’avaient demandé de me rendre dans leur bureau, ce matin. Je remontais le long des quais de la Soane en direction du Palais de Justice. Les bureaux de la police criminelle se trouvaient à quelques encablures de celui-ci. J’étais arrivé. Enfin transis de froid je passais les portes automatiques qui s’ouvrèrent sur moi comme les battants d’un saloon sur un cow-boy. La pièce d’accueil était minuscule. Quelques chaises le long du mur servaient de salle d’attente alors qu’au fond se dressait un accueil en forme de comptoir de bar. Je m’approchais timidement de l’officier de police assis derrière. Une femme plutôt jeune dans les vingt cinq ou trente ans. Plutôt mignonne me fis-je la réflexion. Les cheveux ébènes lui tombaient sur le bord du visage laissant entrevoir ses yeux noisette. Sa bouche en lune se mit tout à coup à s’agiter alors que je l’observais. Pris en faute, je sentis la chaleur courir sur mes joues… Vieux relents de timidité. Rassemblant toutes mes forces j’arrivais enfin à faire sortir des sons de ma bouche.

- J’ai rendez-vous avec quelqu’un mais j’ai oublié son nom.
- Et bien je suis prête à faire office de remplaçante à quiconque vous aurait donné un rendez-vous…
Silence. Elle me toise du regard. Et reprend en souriant :
- Je rigole… rassurez-vous ! Donnez-moi juste votre nom et je vous dirais qui vous a demandé de venir.
- Je m’appelle Benjamin David, lui répondis-je en lui rendant son sourire.
L’espace d’une seconde, elle a réussit à me mettre encore plus mal à l’aise que je ne l’étais en arrivant. Pas pour la même raison, et ce changement d’oppression m’a ôté le mauvais stress qui me tenaillait depuis mon réveil douloureux. Je ne sais pas si c’est mon sourire crispé ou ce qu’elle venait de comprendre en lisant sur son écran le nom de l’officier qui devait me recevoir, mais son regard s’est transformé en une attitude de compassion. Toutes les informations sur la mort de mon père doivent apparaître comme autant de signal d’alarmes dans sa tête. L’humour n’avait pas sa place dans des situations comme celles-là. D’un geste lent, elle releva la tête, les yeux plongeants dans les miens.
- Vous avez rendez-vous avec le commissaire Barezzi. C’est au premier étage. Il vous attend.
Je la remercie avec un nouveau sourire désespérant et dirige vers les escaliers. Derrière je jettes un dernier coup d’œil sur elle, confuse de sa mégarde, elle fouille dans ses papiers. L’action pour cacher les émotions.

Les escaliers étaient, en bois. Les lattes craquaient sous mon poids alors que j’arrivais enfin au premier étage. La jeune femme de l’accueil m’avait indiqué le bureau du commissaire Barezzi au fond du couloir. J’avançais tranquillement vers mon objectif n’osant pas jeter un regard aux autres portes ouvertes. La peur. La peur de voir l’interdit. Des voleurs, des armes, de la drogue…Ce bâtiment devait être plein de ce genre de trucs. Les oeillères... Ne pas regarder à droite, ni à gauche. Ce ne sont pas tes affaires, me disais-je. La porte du bureau du commissaire Barezzi se tenait à ma gauche. C’était la dernière porte du couloir. Le nom du policier était indiqué par une vieille étiquette de cahier. L’usure avait quasiment fini d’effacer le nom du fonctionnaire de police. Je m’approchais de la porte et frappais du poing selon le rituel. Trois petits coups, ni trop forts ni trop faibles. Juste assez pour éveiller l’occupant. Rien. Je me demandais si mes coups avaient été assez prononcés pour qu’ils soient entendus. Je rencognais à cette fichue porte de manière un peu plus viril au moment où une main se posa sur mon épaule.
- Entrez !
Je me retourne. D’habitude, l’invitation à entrer provient de l’intérieur. Cette situation me fit sourire. Je me rends compte à quel point un sourire peut être significatif pour celui à qui il est adressé. Visiblement, mon nouveau sourire crispé lui a fait comprendre qui j’étais et pourquoi je venais. D’ailleurs, c’est lui qui pris les devant.
- Monsieur David ?
- Oui, c’est moi. C’est avec vous que j’ai rendez-vous ?
- Je suis le commissaire Barezzi. C’est moi qui vous ai appelé cette nuit.
Le commissaire après avoir ouvert la porte m’invita à m’asseoir. L’homme paraissait assez vieux. Apparemment plus vieux que mon père. La soixantaine, sûrement un vieux de la vieille qui avait un peu de mal à lâcher la profession. La police était contrairement à ce que l’on pense plein de ces acharnés. Ces névrosés qui s’étaient fait happés par leur travail. Barezzi avait tout l’air de l’un d’eux. Sa femme s’était sans doute tirée avec un autre homme. Lui vieux garçon n’avait plus que le boulot pour vivre. Son appartement devait lui paraître bien trop grand comparé à ce minuscule bureau dans lequel nous venions d’entrer. Barezzi s’assit sur son fauteuil avant de tirer une cigarette. Me tendant le paquet, je lui fis un signe de la tête. Il comprit que je ne fumais pas. Malgré tout il en enflamma sa clope et tira le cendrier vers lui.
- Permettez-moi de vous présenter toutes mes condoléances. Comme je vous l’ai dit hier soir, votre père a été trouvé, gisant au milieu d’un terrain vague. Nous avons trouvé ses papiers et dans son portefeuille se trouvait vos coordonnées. Vous n’avez pas d’autre famille ?
- Non, j’ai perdu ma mère il y a plusieurs années et il ne me restait plus que mon père comme famille. Comment est-ce arrivé ?
- Nous n’avons pas eu beaucoup plus de renseignements les circonstance de sa mort. On ne peut pas dire qu’il n’a pas souffert mais il y a tout de même des éléments troublants.
- Troublants ?
- Oui, nous l’avons trouvé dans une zone où les bagarres sont monnaie courante. Visiblement, votre père n’était pas de ce quartier et il a du se trouver là au mauvais moment.
- Vous m’avez parlé de bagarres surprises. Est-ce qu’il aurait pu être victime d’un de ces agresseurs débiles ?
- En tous cas, c’est ce qu’on a essayé de nous faire croire. Nous sommes certains qu’il n’est pas mort là-bas. On l’y a déposé après sa mort. Tâche à moi de comprendre pourquoi…
L’intervention du commissaire était finie. Le silence qui suivi m’engageait à ne pas m’attarder dans ce bureau. Je sortis du bureau, tournant dans le couloir pour reprendre les escaliers. En arrivant dans le hall, je jetais un coup d’œil en direction de la jeune brigadier derrière son bureau. Elle releva la tête. Cette fois ci j’étais pris. Pris dans son filet. Ne pas reculer. J’avais bien senti dans ces yeux, la lumière. L’éclat qui s’était transformé en frisson dans ma nuque. Je m’approchais alors lentement du comptoir d’accueil sans lâcher ses prunelles havanes.
- Merci mademoiselle, à bientôt.
- Merci Monsieur DAVID. Dites ! Je suis désolée pour tout à l’heure. J’ai essayé de faire un peu d’humour tout à l’heure et je sais que c’était un peu déplacé.
- Mais ce n’est pas grave, la surprise m’a permis d’être un peu moins stressé par le but de ma venue.
- Je souhaiterai me faire pardonner en vous invitant à boire un verre. Je ne vais pas vous harceler et c’est vous qui me rappellerez si vous en avez envie. Ok ?
Décidément, cette fille est pleine de surprises. Elle prend les devant et elle est plutôt directe. Je prends le bout de papier sur lequel elle avait déjà inscrit son numéro.
Je regarde la carte : en dessous de son numéro, elle a signé : Sarah, la gaffeuse honteuse.
- Je n’hésiterai pas,… Sarah.
- Alors à bientôt,… Monsieur David
- Benjamin !
- A bientôt, Benjamin. Et très bonne journ…
Elle se raidit et grimace de colère quand elle se rend compte de sa nouvelle gaffe. Déjà un sourire traverse mon visage. Cette fille dégage vraiment quelque chose.

Me voilà sur le trottoir. Toujours ce froid qui saisit le visage, qui brûle la peau. Il ne faut pas que je traîne : je dois me rendre chez le notaire. Je descends dans le métro en direction de Bellecour. La rame arrive et la foule s’engouffre dans le monstre. Trois minutes plus tard me revoilà de nouveau à l’air libre. La plus grande place d’Europe semble déserte sous ce climat glacial. J’empruntais la rue parallèle à la rue Victor Hugo puis arrivant devant le numéro 19, je pressais le bouton de la sonnette. Après quelques secondes d’attentes une voie féminine me demanda d’entrer. Parvenu au premier étage, j’entrais dans l’étude de Maître Bompard. Sa secrétaire m’accueillit dans son bureau. Un bureau tout à fait cossu. Des murs beiges peints de manière déco étaient constellés de reproduction de tableaux. Picasso, Dali, Gauguin… Des œuvres que l’on retrouvait dans tous les bons cabinets de dentistes ou de médecins. La secrétaire, une femme trentenaire en tailleur gris me pria de m’asseoir m’annonçant que Maître Bompard viendrait me rejoindre sous quelques minutes.
Je profitais des quelques instants de calme pour observer la pièce dans son ensemble. Un mobilier de bois, du chêne dans un style purement Restauration. Notre notaire devait aimer montrer à ses clients qu’il avait réussi sans pour autant cacher son côté traditionnel. Sur le bureau plusieurs dossiers dans des chemises en couleur, débordés de papiers. Un pot à crayon était lui aussi remplit de stylos en tout genre : papier, bic, encre… La porte craqua. Dans mon dos l’homme venait de faire son entrée.

- Monsieur David ?
Voilà 2 fois aujourd’hui qu’on me pose la question sous cette forme. Jusqu’à mes 20 ans, Monsieur David, c’était mon père. Aujourd’hui, cette formule prend tout son sens. Je suis le seul « Monsieur David ».
- Oui.
- Maître Bompard. Je vous remercie d’avoir pu vous libérer si vite. Mais votre père m’avait expressément demandé de vous convoquer le plus rapidement possible après sa mort. C’était une personne très organisée vous savez ?
Lorsqu’il m’a posé cette question, j’ai failli lui répondre que je le savais certainement plus que lui. Comment pouvait-il s’imaginer qu’il en savait plus que moi sur mon propre père. Je ne compte pas sur ce notaire pour m’apprendre qui était mon père ! Mais je ravale ma rage et lui répond par un faussement amusant :
- Un comptable désorganisé, c’aurait bien été le seul.
- Effectivement. Bon, allons dans mon bureau. Vous voulez boire quelque chose ?
- Non, merci. Pas pour le moment.

L’homme aux cheveux grisonnant et au ventre bedonnant s’installa sur son fauteuil en cuir. Il chaussa les petites lunettes en demi-lunes avant de lisser du bout des doigts ses fines moustaches. Il attrapa le dossier à la chemise rouge qui trônait sur le dessus de la pile.
- Bon, si vous n’y voyez pas d’inconvénients, nous allons commencer immédiatement. Votre père avait tout prévu et les choses n’en seront que plus simples. Vous verrez.
- Avec une si petite famille que la notre, je n’imagine pas que ça aurait pu être trop compliqué !
- Détrompez-vous ! J’ai eu affaire à une toute petite famille dernièrement. Le père a légué toute sa fortune à sa commune. Une superbe maison qu’il aurait pu laisser à ses 2 fils et qu’il a préféré donner à sa commune, tenez-vous bien, pour qu’elle devienne un lieu de rassemblement pour préparer sereinement le futur avènement du communisme ! Les fils ont de quoi haïre leur père pour un moment ! Mais, bon, rassurez-vous, ce n’est pas votre cas !
- Oui, je ne pense pas que mon père ait été si à gauche que ça !

Il sourit gentiment à cette boutade et commença à faire l’état des lieux complet du patrimoine de mon père. Finalement, Monsieur Bompard enlève ces petites lunettes et me regarde dans les yeux :
- Vous l’avez compris, votre père vous laisse toute sa fortune, tout son patrimoine. Il vous désigne comme exécuteur testamentaire. Il y a cependant une dernière chose. Votre père a fait rajouter, il y a une vingtaine d’années, un codicille à son testament.
- Oula ! C’est quand même pas comme dans les films avec une condition à respecter pour bénéficier de tout ça ? Je ne dois pas entrer dans les ordres ou avoir le prix Nobel de la paix d’ici moins de 24 heures ?
- Non, pas du tout. En fait, il aurait simplement voulu que vous remettiez un objet à un certain Monsieur De Seviller.
- Un objet ? Quel objet ?
- Oui, heu… en fait, vous héritez de tout le patrimoine de votre père sauf… une carte de bibliothèque.
- Pardon ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
- Ce sont les volontés de votre père.
Il me tend la fameuse carte.
- Tenez. Votre père l’avait déposée ici il y a à peine quelques semaines.
- Et il ne vous a pas dit pourquoi ? Qui est cet homme ? Il ne vous a pas dit ce que c’était que cette carte ? Je ne l’ai jamais vu lire de ma vie !
- Ecoutez, moi, je ne fais que vous rapporter les dernières volontés de votre père. Ensuite, je ne connais pas tous les tenants et aboutissants de toutes les histoires de famille. Je connais que ce que veulent bien me dire les gens. Je n’invente rien, je lis simplement ce qu’il y a d’écrit !
- Vous avez l’adresse de ce monsieur De Seviller ?
- Bien entendu… La voici.
Il me tend un papier écrit par la main de mon père.
- Et pourquoi cet homme n’a pas été convoqué lors de cette lecture de testament ?
- Votre père ne voulait tout simplement pas que ce Monsieur De Seviller connaisse le patrimoine de votre père. Je suis désolé de ne pouvoir vous en dire d’avantage : je n’en sais vraiment pas plus. Je suis navré.
- Bon. Et bien il ne me reste plus qu’à m’exécuter.
- Bien entendu, je reste à votre disposition pour une aide éventuelle.
Je le remercie rapidement. Je ne souhaite pas prolonger mon séjour dans ces bureaux. Je me pose trop de questions et les réponses ne sont visiblement pas ici.


De retour dans la rue. Je me décidais à appeler un taxi. Le froid avait eu raison de moi. Le taxi vient me récupérer pour me déposer un quart d’heure plus tard devant mon immeuble. Je grimpais quatre à quatre les marches menant à mon appartement. J’enfonçais la clef dans la serrure. En ouvrant la porte, le sang s’accéléra dans mes veines. Les fauteuils avaient été renversés, des documents jonchaient le sol de manière anarchique. Je refermais la porte derrière moi pour me diriger vers la chambre. Le spectacle d’Apocalypse était semblable à celui du salon. Mes vêtements étaient dispersés sur le lit et sur la moquette. Les portes de l’armoire étaient ouvertes tels les portes de l’Enfer. Mon appartement avait fait l’objet d’une fouille en règle. De la part de qui ? Mon père avait été assassiné et désormais on s’intéressait à ma vie privée. Mon père cachait un secret ? Qu’est ce que mon père avait obscurci de sa vie. Une vie parallèle ? Non ! Comment pouvait-on imaginer qu’un comptable ait une double vie… De Seviller ! Qui pouvait bien être cette homme ? Je n’ai jamais entendu parler de cet homme, et n’ai même jamais entendu parler de cette bibliothèque. Mon père baignait dans les chiffres. La lecture, n’était pas son fort. Mon père n’était pas un féru de littérature. Pas d’ouvrages classiques dans sa maigre bibliothèque. Dante, Cervantès ou Voltaire avaient désertés les étagères. Même les auteurs les plus récents : Grangé, Werber ou Beigbeder ne trouvaient pas leur place. Cette carte de bibliothèque ne pouvait que m’intriguer. Les problèmes de maths, il les solutionnait en moins de temps qu’il fallait pour les inventer ! Je l’avais rarement vu lire un livre. Alors avoir une carte de bibliothèque…

Dans l’absolu, je n’avais pas besoin de cette carte, mais tout de même. Mon logement venait d’être visité. Appeler la police. Non. Le mystère de mon père était lié à cette carte de bibliothèque. Le code barre sur la carte représentait une carte vers le passé de mon père. Je devais comprendre pourquoi j’avais hérité de tout sauf de « ça » ! C’était donc à moi d’aller remettre cette carte à Mr De Seviller.
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